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(...)Au revoir, à bientôt peut-être. Y. nous remercie de notre venue, "vous avez la chance de pouvoir repartir, nous, nous sommes prisonniers dans notre propre pays..."
Sentiment de frustration, sentiment d’humiliation.
Pour fêter notre départ, deux F16 israéliens franchissent le mur du son au dessus du camp. Les déflagrations secouent les bâtiments, personne ne bouge, l’habitude. Y. nous explique que l’accumulation de ces agressions finissent par user les organismes les plus solides, quant aux enfants, bercés par les tirs d’armes automatiques et d’obus de chars, on n’ose pas imaginer le traumatisme et pourtant, ils sont chez eux au coeur de la Palestine historique ...
Le cri des enfants, leur rire triste nous renvoient à notre depart. Durant les deux nuits passées dans le camp [1], il n’y a pas eu d’incursion israélienne.
La vieille ville de Naplouse s’étend sur quelques kilomètres carrés au fond de la vallée occupée par l’agglomération. Composée de rues étroites, de mosquées, d’églises et de souks, elle est depuis toujours le coeur de la cité.
Et pourtant, depuis plusieurs années, cet endroit se transforme toutes les nuits en un redoutable champ de bataille urbain. A la nuit tombée, Tsahal y expédie ses sections d’assaut, dont les exactions ne se comptent plus. Arrestations en chaîne, exécutions sommaires, destruction de maisons et d’entrepots, nous sommes à Alger en 1960, c’est une nouvelle guerre qui elle non plus ne dit pas son nom. Alors, par réaction, la résistance s’organise.
Les seuls hommes en armes un tant soit peu organisés sont les brigades Al-Aqsa. Ce sont eux qui, presque chaque nuit, affrontent Tsahal dans les ruelles de la vieille ville. Le jour, on ne peut que constater les dégâts, matériels et humains. Portes explosées, murs défoncés, impacts de balles couvrant certaines façades, voilà les témoignages des affrontements de la nuit, que nous ne pouvons qu’écouter de loin.
Ici comme ailleurs, des commerces ont fermé, ayant commis l’erreur de s’installer trop près des zones de combat Palestinienne le jour, israélienne la nuit, Naplouse semble bien être le vrai epicentre du conflit.
Cette soirée à Naplouse je la vis avec une boule dans l’estomac.
Tant d’opinions différentes, d’informations souvent contradictoires au sujet de cette extermination m’empèchent de pouvoir vous donner une explication sur la situation.
Simplement vous reporter la vie ici est deja difficile. Nous sommes dans un appartement de Naplouse habité par des internationaux volontaires. Nous écoutons de la musique, B. joue aux échecs, J-Y. ecrit son rapport de la journée et je viens de terminer une partie de cartes.
Depuis la tombée de la nuit les tirs ne cessent de gronder, tanks, helicoptères, M16.
Je suis la seule à trouver cette soirée surréaliste, les autres paraissent s’habituer. Moi j’ai peur. Et puis je culpabilise : je vais rentrer, je suis ici simplement parce que je l’ai décidé.
Depuis notre arrivée, toujours la même question : que puis-je faire pour aider ? Il y a tellement à faire...
En fait je ne peux pas vraiment vous expliquer comment les gens vivent parce que je n’arrive pas à imaginer que l’on puisse vivre avec cette peur permanente. Nul n’échappe aux soldats israéliens.
Ce soir je me fous des explications politiques et sociales diverses : pourquoi personne ne réagit, quand stoppera-t-on cet enfer ? Comment peut-on dormir l’esprit tranquille alors que d’autres subissent ça ?
Il est une heure du matin, j’attends. D’ici une demi-heure, au mieux une heure, ils vont venir. D’abord ce sera les chiens, puis les tanks, les jeeps. Ils frapperont à la porte d’une maison, nul ne peut prédire laquelle. Ils tireront n’importe où. Je pense à nos amis d’Askar, les plus démunis. Ce soir comme tous les soirs ils vont détruire, blesser, tuer. ’’Ils’’ ce sont les soldats israéliens bien sûr, parce que s’il est vrai que quelques palestiniens sont armés, ce n’est vraiment pas eux que nous craignons.
Je ne suis pas la seule à attendre. Andrew qui habite dans l’appartement et qui travaille à Naplouse depuis plusieurs mois, ne trouve pas non plus le sommeil. Soldiers can go everywhere.
J’entends maintenant les aboiements de la meute, ça commence, j’éteins la lumiere.
PS : Maman, ne t’inquiète pas, ils ne tuent que les palestiniens.