Monique Étienne, AFPS - Pal Sol n°73
C’est avec une grande tristesse que nous avons appris la disparition de notre ami, notre camarade, Michel Besson. Pour moi, c’est la perte d’un ami très cher. Nous nous suivions depuis si longtemps, partageant les mêmes combats internationalistes et anti-impérialistes, un soutien inaltérable aux luttes des peuples pour s’émanciper d’un système économique prédateur et des modèles de développement productivistes.
Michel n’aimait ni les éloges ni la personnalisation des combats collectifs qu’il a menés tout au long de sa vie bien remplie. Il a toujours su harmoniser une compréhension intuitive des grands enjeux qui conditionnent l’avenir de notre humanité avec une modestie qui le caractérisait. Tout en défendant avec âpreté ses convictions, il montrait empathie, générosité et attention à l’autre. J’admirais sa façon de vivre jusqu’au bout ses idées, y compris en acceptant de se mettre en danger, et sa volonté inébranlable de ne pas faire de compromis jusqu’à en être parfois trop exigeant.
Michel redoutait avant tout les discours, ayant toujours le souci de dépasser les mots pour poser des actes. Jusqu’au bout, il a lutté pour défendre une alimentation de qualité et une véritable souveraineté alimentaire, en veillant à y inclure la dimension sociale et la nécessité d’autogérer les luttes, de construire d’autres façons de vivre ensemble, en dehors des lois du marché, toujours avec le souci de ne jamais oublier « ceux d’en bas » qui n’ont pas le droit à la parole, ces travailleurs auxquels il était fier d’appartenir.
Pionnier, il l’a été quand, après avoir vécu en Colombie et participé à l’émergence du mouvement coopératif des communautés indiennes productrices de café, il créait en 1987, avec Véronique Lacomme, la coopérative Andines, inventant le concept du commerce équitable dans une démarche alternative au commerce ultralibéral. « Il n’est aucunement question de vendre du café pour soulager les consciences et dormir tranquille, disait Michel Besson. Vouloir échanger autrement, ce ne peut être qu’une action d’éveil ! »
Étudiants à Poitiers, nous avions eu la chance, en 1968, de lutter aux côtés de Ezzedine Kalak, brillant représentant de la GUPS qui fut ensuite délégué de l’OLP à Paris et fut assassiné. C’est de là que date notre engagement auprès du peuple palestinien. C’est pourquoi, en 2003, l’AFPS 04, que je représentais, a naturellement pris contact avec Andines, quand nous cherchions comment aider concrètement le peuple palestinien dans sa résistance à la colonisation, après la violence de la répression sanglante de la 2e Intifada. L’olivier nous était apparu à la fois comme le symbole du Soumoud palestinien et comme un trait d’union avec notre région productrice d’huile d’olive. Il s’agissait d’aider les oléiculteurs palestiniens à commercialiser leur huile en France pour contourner la fermeture des marchés israéliens. Michel a tout de suite répondu présent.
Très vite, Guy Peterschmitt de l’AFPS 68 s’est impliqué dans ce beau projet, puis l’AFPS, en créant la commission huile d’olive, a permis, avec Andines, la mise en place d’une filière de production d’huile d’olive palestinienne de haute qualité.
Guy raconte : « Nous avions un projet fou : faire venir en France un ou deux containers de bouteilles d’huile d’olive sous une marque de solidarité avec la Palestine qui serait propre à l’AFPS et Andines. Jamais un tel projet n’aurait pu être mis en place sans le courage de Michel. Avec une ténacité sans faille, un professionnalisme admirable qui a permis de surmonter au fur et à mesure tous les obstacles inhérents au marché, aux certifications bio et à la fragilité financière d’une très petite entreprise, Michel s’est dévoué pour la réussite de ce projet. Au cours de ces années, j’ai appris à connaître un ami en qui on pouvait avoir une totale confiance. Merci Michel pour cette leçon de vie ! »
Michel est un compagnon de luttes qui manquera au monde.
À Véronique, à ses proches, à l’équipe d’Andines nous adressons nos plus sincères condoléances.