Photo : Dans la ville de Gaza, destruction du quartier de Yarmouk après une nouvelle nuit de bombardements intensifs et ininterrompus des forces d’occupation israéliennes, le 29 octobre 2023 - Crédit : Mohammed Zaanoun (Active Stills collective)
L’invasion terrestre de la bande de Gaza par Israël se transforme en opération de siège, les troupes israéliennes avançant timidement en tenaille pour encercler la ville de Gaza.
Après trois semaines de bombardements acharnés, les soldats israéliens sont entrés dans l’enclave côtière dans la nuit du 27 octobre par le nord et l’est.
L’armée reste timide quant au nombre de soldats impliqués et à leurs objectifs, mais elle a reconnu que l’artillerie, les chars et les bulldozers accompagnaient l’infanterie et les forces spéciales, dans le cadre d’une offensive baptisée « Opération épée de fer ».
Jusqu’à présent, l’avancée s’est faite à travers des terres agricoles et des zones urbaines peu peuplées, ce qui indique que l’armée israélienne évite à ce stade les affrontements avec les combattants palestiniens dans les zones résidentielles.
Toutefois, elle n’hésite pas à bombarder des zones fortement résidentielles et un raid sur le camp de réfugiés de Jabalia, mardi, a fait une centaine de morts.
Plus de 9 000 Palestiniens, dont plus de 2 300 enfants, ont été tués par les bombardements israéliens au cours des quatre dernières semaines.
L’invasion terrestre a été lancée après un bombardement intensif des zones moins urbanisées proches de la barrière de séparation à la frontière entre Gaza et Israël, en particulier près des villes palestiniennes de Beit Lahia au nord-ouest et de Beit Hanoun au nord-est.
Toutefois, les troupes israéliennes sont encore loin des tunnels appartenant à la branche armée du Hamas, les Brigades Izz al-Din al-Qassam, et à d’autres groupes armés.
Israël a commencé son assaut sur Gaza à la suite de l’attaque du 7 octobre menée par le Hamas, qui a tué environ 1 400 Israéliens, et affirme vouloir éliminer le mouvement de l’enclave.
La pression s’accroît au niveau national pour que la priorité soit donnée à la libération des 240 prisonniers capturés par les combattants palestiniens lors de l’attaque. On pense que les captifs sont détenus dans des tunnels à travers la bande de Gaza.
Une source israélienne au fait de la situation a déclaré à Middle East Eye que le premier des deux objectifs de la phase initiale de l’opération terrestre avait été atteint.
Il s’agit de la création de zones tampons dans des régions où le risque d’être attaqué est faible, ainsi que de l’établissement de bases pour soutenir d’autres opérations.
« Le premier objectif a été atteint. Nous disposons désormais de bases le long de la bande qui peuvent soutenir nos zones opérationnelles. L’établissement de ces bases a eu lieu dans des zones relativement sûres au nord et à l’est de la bande », a déclaré la source israélienne.
La deuxième phase de l’offensive terrestre consistera à relier les poches de contrôle israélien, à imposer un siège total à la ville de Gaza et à étendre lentement le territoire tenu par Israël, a-t-il ajouté.
Jusqu’à présent, les troupes israéliennes ont pénétré dans Gaza par l’est, le long de l’axe Johr al-Dik, coupant le nord de Gaza - y compris la ville de Gaza - du sud de l’enclave et coupant les principales routes Salah al-Din et al-Rasheed que les Palestiniens utilisaient pour fuir vers le sud.
Ils progressent également le long de la côte vers le sud sur l’axe de Beit Lahia, atteignant presque la périphérie de la ville de Gaza.
Des avancées limitées ont également été réalisées autour de Beit Hanoun, dans le nord-est.
« Sur le plan opérationnel, l’armée avance sur trois lignes, contrant les attaques terroristes dans la direction prévue jusqu’à présent. La convergence de deux de ces lignes suffit à piéger les cibles terroristes dans une zone spécifique, ce qui permet à la force de frappe de se diriger vers des cibles plus précises », a déclaré la source israélienne.
Tirer les leçons du passé
Des sources de sécurité turques qui suivent de près la guerre à Gaza ont déclaré qu’il semble qu’Israël ait beaucoup appris des précédentes offensives terrestres dans l’enclave, et qu’il suit désormais une feuille de route soigneusement planifiée.
« L’opération « Épée de fer » d’Israël est comme une copie des opérations de 2009 et 2014, mais ils évitent de répéter les erreurs commises dans le passé », a déclaré cette source turque à Middle East Eye, sous le couvert de l’anonymat en raison des restrictions imposées à la presse.
La source a ajouté qu’Israël agit lentement pour éviter de se retrouver dans une situation délicate, ce qui indique un certain schéma tactique.
Lors de l’opération « Plomb durci » de 2009, 13 soldats israéliens ont été tués alors que l’armée pénétrait dans des zones densément peuplées. De même, lors de l’opération Bordure protectrice de 2014, 66 soldats israéliens ont été tués lors d’opérations menées dans des zones résidentielles.
Selon la source turque, Israël n’était pas prêt pour une telle opération et n’a jusqu’à présent pénétré que dans des zones ouvertes et dans les communautés urbaines qui les surplombent.
« Un schéma répétitif est apparu pour éviter de commettre des erreurs. Les Palestiniens l’ont peut-être aussi compris », a-t-il déclaré.
« L’armée israélienne entre dans la zone, identifie les positions de tir et les cibles ennemies et se retire rapidement. Les frappes aériennes suivent. Ensuite, les troupes blindées et l’infanterie avancent. Ce modèle ne fonctionnera pas lorsqu’ils entreront dans les villes ».
La dernière fois qu’Israël a organisé une offensive terrestre à Gaza, c’était en 2014, dans le cadre de l’opération « Bordure protectrice », qui a duré trois semaines.
Rich Outzen, un colonel américain à la retraite, a déclaré que lors de cette opération, Israël n’a pas été en mesure de pénétrer le système de tunnels et les principales zones utilisées par le Hamas et d’autres groupes.
M. Outzen a décrit l’opération « Épées de fer » d’aujourd’hui comme étant plus complète qu’en 2014, avec des manœuvres conjointes plus importantes entre les forces.
« [Elles] se concentrent davantage sur le réseau de tunnels lui-même, avec [l’] intention apparente d’aller au cœur de la ville de Gaza et de rester suffisamment longtemps pour rendre les tunnels inutilisables », a-t-il déclaré à Middle East Eye.
« Il n’est pas faux de considérer qu’il s’agit d’une sorte de siège, par opposition à ce qui s’apparentait à des raids punitifs en 2014. »
L’avancée israélienne est déterminée en fonction des factions de Gaza
Israël a progressé d’environ 6 km le long de la côte nord-ouest autour de Beit Lahia et a atteint le sud-est de Netzarim et al-Zeitoun depuis son avancée autour de Johr al-Dik.
L’armée israélienne, qui tente souvent d’étendre sa zone d’opération du nord au sud et de l’est à l’ouest, a toujours un accès direct aux zones urbaines.
Des sources turques estiment que l’idée qu’Israël progresse rapidement est trompeuse.
« Cette avancée est déterminée par les préférences des groupes armés de Gaza plutôt que par les capacités et la planification d’Israël », a déclaré la source turque.
« Il est clair que les groupes palestiniens préfèrent un affrontement dans les quartiers résidentiels, où ils peuvent utiliser la population en leur faveur, plutôt qu’une bataille ouverte. En d’autres termes, l’avancée de l’armée israélienne est le choix des factions de Gaza, pas celui d’Israël. Israël évite actuellement une guerre urbaine ».
Malgré cela, les Israéliens subissent toujours des pertes.
Israël affirme avoir perdu 24 soldats jusqu’à présent dans l’offensive terrestre et, jeudi, les Brigades Qassam ont diffusé une vidéo montrant prétendument deux de leurs combattants en train d’endommager un char israélien lors d’un audacieux raid à courte distance.
Israël a l’intention de faire du nord de la bande de Gaza son principal champ de bataille pour l’instant. Il a averti le million de Palestiniens vivant dans le nord de la bande de Gaza de fuir vers le sud ou de risquer la mort, mais il a également bombardé lourdement les zones où il avait dit aux gens de s’enfuir.
Selon des sources israéliennes, Israël prévoit de larguer des tracts dans la partie nord de Wadi Gaza, désignée par les Israéliens comme la frontière entre le nord et le sud de la bande de Gaza, afin d’ordonner aux habitants de quitter leurs maisons.
Des sources turques estiment que plus l’opération s’éternise, plus Israël perd sa capacité à diriger la guerre, malgré sa supériorité technique.
Pourtant, selon M. Outzen, la stratégie actuelle est la seule option qui s’offre à Israël s’il veut continuer à poursuivre la guerre dans le but d’écraser le Hamas.
Traduit par : AFPS