C’est la fin du ramadan. Toute la population de la bande de Gaza s’apprête à fêter le pre- mier jour de l’Aïd-el-Fitr. Les enfants sont dans les rues, s’amusent, mangent des bon- bons. C’est aussi le cas dans les localités de Beit-Hanoun et Beit-Lahia, au nord de Gaza. Soudain apparaissent les chars israéliens, suivis de troupes d’infanterie. C’est la panique. La mitraille parle. Des hommes tombent. On en relèvera sept, dont un des chefs de la branche locale des comités populaires. Hier, l’Aïd-el-Fitr a commencé dans le deuil. Il faut s’attendre à ce que cela continue.
Les Palestiniens ne courberont pas l’échine
Comme si ce n’était pas suffisant, les affrontements interpalestiniens se poursuivent. Dimanche, des membres des forces de sécurité palestiniennes ont bloqué les principales intersections dans la bande de Gaza, brûlant des pneus et perturbant la circulation pour protester contre l’incapacité du gouvernement du Hamas à payer leurs salaires. Un militant du Fatah a été tué lors de tirs dans lesquels étaient impliqués des miliciens de l’orga- nisation islamiste.
Le même jour, c’est Mohamed Chahadeh, commandant des Bri- gades des martyrs d’Al Aksa dans le camp de réfugiés de Boureidj, qui a été abattu à la porte de son domicile par des hommes armés et masqués. Chahadeh appartenait égale- ment aux forces de sécurité préventive, fidèles au prési- dent Abbas.
Le blocus financier imposé par les États-Unis, l’Union eu- ropéenne et Israël à la suite de la victoire électorale du Ha- mas empêche le versement des salaires des fonctionnaires et nourrit les tensions entre les différentes forces de sécurité.
La misère s’accroît. Sur les marchés de Gaza, la profusion de marchandises pouvait faire illusion. En réalité, il s’agit pour l’essentiel de vêtements bon marché, fabriqués en Chine. « Cette année, c’est pire que tout », avoue Fadwa, un bébé dans les bras, suivie d’une ribambelle de gamins. « J’achète le minimum. Mais il faut bien faire plaisir aux enfants... ».
À Rafah, au sud, plusieurs hangars ont été ouverts pour y entreposer des sacs de farine, de riz et de sucre, en provenance d’Égypte. Ils sont destinés aux personnels de santé. « Tout le monde va bénéficier de 50 kilos de sucre et 25 kilos de riz », précise le docteur Mohammad Abou Jahal, chef du service pédiatrique à l’hôpital de Gaza et, surtout, nommé par le Hamas à la tête du comité des donations au ministère de la Santé. « La farine est réser- vée à ceux qui touchent moins de 1 500 shekels (environ 400 euros) par mois ».
À Rafah, il est impossible d’oublier la présence israélienne. Au point de passage avec l’Égypte, les traces de chars sont bien visibles. Mustafa, qui vit là, montre du doigt une maison qui semble abandonnée, à moins de 500 mètres. « Les Israéliens sont là. Ils peuvent venir à tout moment. La nuit, on les entend patrouiller. Ce qu’ils veulent, c’est nous faire mourir à petit feu et qu’on s’entretue », dit-il avec une placidité étonnante. Depuis dix jours que le passage est fermé, une partie de sa fa- mille attend de l’autre côté, en Égypte, sans savoir quand elle pourra rentrer.
Alors que les discussions en vue de la formation d’un gouvernement d’unité nationale sont toujours bloquées, le Premier ministre palestinien du Hamas, Ismaïl Haniyeh, s’est exprimé hier devant près de 20 000 personnes rassemblées au stade Yarmouk de Gaza. « Écartez-vous du sang, n’utilisez pas les armes contre vos frères, unissez-vous..., a-t-il déclaré. Ce n’est pas le premier siège imposé au peuple palestinien et à la Palestine, mais c’est le premier auquel nous ne ferons pas de conces- sions, face auquel nous ne céderons pas. C’est le premier siège lors duquel nous disons “non” à l’Amérique, “mille fois non” aux concessions (...). Nous ne courberons pas l’échine. Nous mourrons, mais ne céderons rien à Jérusalem, de nos droits et du droit au retour des réfugiés pa- lestiniens... ». Il a également réaffirmé que son gouvernement entend échanger le caporal israélien Gilad Shalit, enlevé au mois de juin, contre des Palestiniens détenus par Israël. Il n’est pas certain que ses imprécations suffisent à calmer la colère des Palestiniens.
La popularité du Hamas est en chute libre et personne ne sait ce qui va se passer alors que plusieurs ministres israéliens ont réclamé dimanche (21 octobre) une opération militaire visant à reprendre le contrôle du sud de la bande de Gaza, officiellement pour empêcher les trafics d’armes de contrebande en provenance d’Égypte. Le général de réserve YomTov Samia, en mission spéciale comme numéro 2 du commandement israélien de la région Sud, préconise un redéploiement sur le couloir frontalier et l’élargissement de sa zone tampon, qui implique la démolition de maisons palestiniennes et la poursuite des affrontements, une telle opération étant vécue comme une provocation par l’ensemble des Palestiniens.
Le premier ministre israélien Ehud Olmert devrait réunir ses principaux ministres mardi ou mercredi pour étudier la possibilité d’une vaste opération anticontrebande à Gaza. Mais une telle initiative, qui heurterait les relations israélo-égyptiennes, ne devrait pas avoir lieu avant le voyage que Olmert doit effectuer aux États-Unis, à la mi-novembre.