Depuis la première Intifada, révolte populaire des Palestiniens, les accords d’Oslo, l’assassinat d’Yitzhak Rabin et l’accession d’Ariel Sharon au poste de Premier ministre israélien qui a contribué à catalyser la deuxième Intifada et son cortège de représailles violentes et meurtrières, l’élection du Hamas est l’aboutissement d’un long processus lié essentiellement à la situation quotidienne des Palestiniens.
L’oppression qui est due à la colonisation, l’extension des colonies israéliennes et du mur de l’annexion en Cisjordanie, le blocage des négociations, les actions caritatives du Hamas et la corruption du gouvernement palestinien ont eu raison de l’Autorité palestinienne représentée par le Fatah.
De fait, le Hamas qui ne reconnaît pas l’Etat d’Israël mais qui observe depuis un an une trêve dans les attentats, se retrouve dans la position de l’interlocuteur du gouvernement israélien qui ne reconnaissait pas Yasser Arafat comme partenaire et qui a isolé l’actuel Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas en prenant des décisions unilatérales telles que le retrait des colons de Gaza en août 2005.
Le gouvernement israélien a été élu sur des arguments essentiellement sécuritaires en poursuivant une politique fébrile de répression et de colonisation.
Rappelons ici que l’Etat d’Israël a été fondé sur les bases du sionisme, mouvement idéologique nationaliste, lui-même contemporain des autres mouvements nationalistes qui agitaient l’Europe à la fin du XIXième siècle (1). Cette époque était marquée par des vagues d’antisémitisme plus ou moins violentes. Le sionisme a ensuite été catalysé par la Shoah, grande catastrophe qui a touché l’ensemble de la population juive d’Europe.
Le gouvernement israélien mène une politique qui aboutit indubitablement à un cycle de violences. Chaque attentat suicide aussi inacceptable que les assassinats perpétrés par l’armée israélienne conforte l’ensemble de la population israélienne qu’il faut davantage opprimer les Palestiniens pour les réduire au silence et obtenir la paix. De même, l’importation du conflit israélo-palestinien qui peut se traduire par des agressions antisémites tout aussi intolérables conforte le gouvernement israélien dans sa politique d’immigration des juifs de la diaspora vers l’Etat d’Israël.
Ainsi des négociations entre les partenaires palestiniens et israéliens ne peuvent reprendre que dans un climat de paix, sans attentat, sans attaque. L’ensemble de la population israélienne peut être consciente qu’une politique d’oppression ne peut pas aboutir à la paix, elle a cependant besoin d’être rassurée.
Mais en l’absence de négociations et au regard des gouvernements internationaux qui ne prennent pas de positions claires pour aider les partenaires palestiniens et israéliens à revenir à la table des négociations, une question se pose naturellement : comment un Etat palestinien viable, indépendant et souverain peut-il naître aux côtés de l’Etat israélien à partir de la Cisjordanie, Jérusalem-est et Gaza ? La Cisjordanie est un territoire économiquement et politiquement ingérable, morcelé, enclavé par le mur ainsi que par l’extension des colonies et les routes de contournement qui les relient, la vallée du Jourdain est entièrement contrôlée par le gouvernement israélien.
La Feuille de Route, plan de paix élaboré par le quartet Russie, Etats-Unis, ONU et Union européenne qui préconise la création d’un Etat palestinien viable, indépendant et souverain est plus que jamais remise en question par les décisions unilatérales du gouvernement israélien.
Aujourd’hui la résolution du conflit semble plus compatible avec la formation d’un Etat libéral des deux peuples israélien et palestinien de la mer Méditerranée jusqu’au Jourdain, les Israéliens et les Palestiniens étant des citoyens égaux en droits. Ceci est paradoxal puisqu’ aucun gouvernement israélien n’a accepté cette proposition qui avait déjà été formulée dans des termes peu différents par l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine) Par contre, cette thèse est toujours d’actualité dans certains mouvements de la résistance palestinienne dont le Hamas ainsi que pour les juifs de la diaspora et d’Israël qui sont opposés au sionisme car c’est une idéologie en rupture avec les valeurs essentielles du judaïsme (1).
Dans le contexte économique et politique actuel et devant le refus des gouvernements internationaux de prendre des décisions fermes à l’encontre de la politique coloniale israélienne, il est fondamental d’intensifier le mouvement international de solidarité. Les militants pacifistes israéliens qui luttent aux côtés des Palestiniens mènent une action exemplaire au sein de la société israélienne. Le rôle des mouvements de solidarité est d’interpeller les citoyens au sujet de la situation qui existe en Palestine et de trouver des soutiens dans les différentes actions. Actuellement, nous contribuons à la mise en place du centre Al Diwan pour la Culture et le Patrimoine dans le village de Qarawat Bani Zeid en Cisjordanie. Un des principaux objectifs de ce projet est de proposer des activités aux jeunes afin de les détourner de la violence, du désir de se confronter à l’armée israélienne et ainsi leur offrir la possibilité d’être des acteurs responsables au sein de la société palestinienne.
Isabelle Jauberteau
Limoges, 13 mars 2006
(1) Au nom de la Torah : une histoire de l’opposition juive au sionisme, Yakov Rabkin, éditions PUL (2004)