En 2006, les Palestiniens occupent Gaza, Kalkilya, Tulkarem, Naplouse, Jénine, Bethléem, Jéricho, Ramallah et Hébron. Ce scandale soulève l’indignation du monde, en particulier de l’Europe, ce vieux (in)continent. En plus, d’effrayants barbus ont pris les commandes et refusent de négocier avec l’homme de la paix, Ariel Sharon.
De toutes parts, on entend le même cri : Il faut sauver le soldat « processus ». Il faut que le processus continue. Il faut que Ariel puisse discuter avec Sharon, Avi avec Pazner, Ehud avec Olmert, Shimon avec Shimon. Déjà, l’Europe menace les Palestiniens, par la voix de son représentant italien : « No processousso, no sousso ».
En 2045, les Palestiniens occupent un quartier de Jénine. Ce scandale soulève l’indignation... En plus, ils veulent ouvrir leurs fenêtres le soir, des fenêtres qui s’ouvrent vers l’extérieur, rendez-vous compte, empiétant ainsi sur l’espace aérien d’Israël ! L’Europe finance la pose de fenêtres qui s’ouvrent vers l’intérieur et menace les Palestiniens par la voix de son représentant letton : « Niet processki, niet sousski ».
Des négociations s’ouvrent entre Israël et l’Etat juif. Les partenaires promettent de libérer, dans un geste de clémence, Marwan Barghouti, à l’occasion du cinq centième anniversaire de la naissance de Herzl. Ils promettent d’engager une négociation de 25 ans, aux termes de laquelle succéderait un dialogue d’un siècle et demi pour jeter les bases d’une approche prudente de la rédaction d’un prologue de 3.000.000 de pages, prologue que chaque palestinien devra naturellement apprendre par cœur et recto verso, qui pourrait éventuellement déboucher, si les conditions sont réunies et si la météo est bonne, sur une période d’observation d’un millénaire à l’issue de laquelle, si nul incident n’est constaté, réunir Benyamin avec Netanyahu pour décider de dire un petit bonjour aux Palestiniens à travers un hygiaphone.
Hélas, un plan de paix de cette audace ne verra pas le jour. L’armée israélienne vient d’abattre un terroriste palestinien qui était en possession d’armes de destruction massives achetées en Chine et en Turquie. Il en avait tout un poulailler !
Ce retard causa une légère contrariété aux Palestiniens, ce qui choqua l’émissaire de l’Europe, un Anglais, qui leur dit « God save the processus. If he does not, vous pouvez vous l’accrocher pour le pognon ».
En 3219, les Palestiniens occupent un immeuble de 12.000 étages, avec une emprise au sol de 1 mètre carré. L’Europe en a financé la construction et Israël a laissé faire contre l’engagement qu’aucun ascenseur n’y serait installé. C’est bien connu que les ascenseurs, pouvant servir de base de lance-roquettes, représentent un grave danger pour la sécurité d’Israël. David, en accord avec Lévy, a accepté que s’ouvre un nouveau round de négociations entre Golda et Meïr. La séance, retransmise en direct sur TV-Spirite, aboutit au gentleman agreement suivant : Des négociations pourraient s’ouvrir si les Palestiniens déclarent reconnaître Israël, sans trébucher ni marquer un arrêt entre le « Is » et le « raël », s’ils récitent la Torah d’un trait sans respirer, s’ils réussissent à cacher leurs sourcils sous leur lèvre inférieure. Pas de chance, Rajoub venait de se les faire épiler, ce qui entraîna un nouveau retard de 14 millénaires.
La Ligue Arabe propose une normalisation totale à Israël et l’érection d’une statue de Ben Gourion dans toutes les villes arabes de plus de trois habitants en échange d’un hectare pour les Palestiniens. « Pffff », répond Arik.
En 24.153, les Palestiniens occupent un piton rocheux de 14 centimètres carrés, tous juchés sur les épaules de Abou Mazen. Ce dernier a dû d’ailleurs raccourcir son nom, trop grand pour le territoire. C’est ainsi qu’il est devenu « Zen », très zen. « Bof, a-t-il coutume de dire, tant qu’il y a du processus, il y a de l’espoir ». Cette situation cause quand même une certaine gêne pour les Palestiniens. Il semblerait même qu’un léger doute commence à s’insinuer dans certains esprits mal tournés sur la finalité du processus. Ces réserves arrivent aux oreilles du représentant de l’Europe, déclenchant sa fureur. C’est un Français, nommé par Ville de Perlimpinpin pour détruire le réacteur nucléaire Osyraks qui menace Paris. C’est aussi un pur produit de la discrimination positive. Il hurle : « Makache processouze, makache flouze ».
En 45.123, les Palestiniens occupent la barbe du cheikh Yacine. Chaque famille occupe un poil. La classe corrompue s’est installée dans la moustache. On y est plus à l’aise et il y fait meilleur. Les tracasseries ne manquent pas. Pour rendre visite à son cousin qui habite la rive, pardon la joue droite, un habitant du menton doit faire un long périple, passer par le cou, remonter sur la nuque, traverser l’occiput, glisser précautionneusement le long des sourcils, épouser l’oreille, se tenir à son lobe, et de là, sauter en parachute en visant bien le poil d’arrivée. Durant le voyage, il faut veiller à éviter les barrages de l’armée israélienne tels que grains de beauté, verrues, naevi...
Un soir, des Israéliens ont tendu une embuscade à Cheikh Yacine. Ils l’ont capturé, emmené dans une cabane, ligoté, assis sur une chaise. Au petit matin, de la cabane, sortaient des volutes d’after shave qui venaient se mêler au parfum du chèvrefeuille. La Palestine venait d’être rasée.
A suivre.
L’Europe : _Comment ça, à suivre, puisqu’il n’y a plus de Palestiniens ?
Bush : _Et alors, où est le problème ? Est-ce que le processus a besoin d’eux ?
L’Europe : _Non
Bush : _Alors, on continue puisque le processus continue, même sans partenaire !
Brahim SENOUCI