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Votée au cours de la 10e session d’urgence de l’AG de l’ONU, cette résolution revêt un caractère exceptionnel en ce qui concerne la dénonciation des violations du droit international par l’État d’Israël « puissance occupante » et la prescription de mesures précises pour y mettre fin ; elle exige la fin de l’occupation et de la colonisation israélienne du Territoire palestinien occupé (TPO) depuis 1967 dans un délais de 12 mois (soit au 18 septembre 2025).
A - La genèse de la résolution
Le 30 décembre 2022, les États membres de l’AGNU votent la Résolution A/77/400 qui acte dans son article 18 le principe d’une consultation de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur « les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de l’illicéité de la présence d’Israël dans le Territoire palestinien occupé ».
Deux questions sont formulées :
a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ?
En février 2024, la CIJ procède aux audiences de 54 États (dont celle de la France).
Le 19 juillet 2024, la CIJ rend son avis consultatif. Cet Avis, rendu à une très large majorité des 15 juges de la Cour affirme dans les points 3 à 6 que :
– « la présence continue de l’État d’Israël dans le Territoire palestinien occupé est illicite
– l’État d’Israël est dans l’obligation de mettre fin à sa présence illicite dans le Territoire palestinien occupé dans les plus brefs délais
– l’État d’Israël est dans l’obligation de cesser immédiatement toute nouvelle activité de colonisation, et d’évacuer tous les colons du Territoire palestinien occupé
– l’État d’Israël a l’obligation de réparer le préjudice causé à toutes les personnes physiques ou morales concernées dans le Territoire palestinien occupé »
Sur la base de cet avis, lors de la 10ème session extraordinaire d’urgence et sur proposition de 30 États, l’AGNU vote le 18 septembre une Résolution [1]. 124 États dont la France votent pour [2], 14 votent contre, 43 s’abstiennent.
B - Le contenu de la résolution :
L’illégalité de l’occupation et de la colonisation du Territoire occupé (Cisjordanie dont Jérusalem-Est et la bande de Gaza) par Israël impose à toutes les parties d’agir pour y mettre un terme. (Se reporter à la synthèse ci-dessous : C )
L’AGNU peut désormais s’appuyer sur les conclusions de la Cour internationale de Justice, la plus haute instance judiciaire internationale :
– l’illicéité de l’occupation prolongée et du régime qui lui est associé,
– l’existence du droit du peuple palestinien à l’autodétermination : étant donné qu’il s’agit d’un droit inaliénable, il ne saurait être soumis à conditions par la Puissance occupante.
et sur les conclusions de la CIJ :
Israël a l’obligation de mettre fin à sa présence dans le Territoire palestinien occupé dans les plus brefs délais, les colonies doivent être évacuées et les biens volés restitués.
L’AGNU est plus exigeante. Dans les articles 2 et 3, elle précise les délais et impose à Israël un retrait au plus tard dans les 12 mois à dater de l’adoption de la résolution. Et le retrait sans délai des forces militaires du Territoire occupé, donc y compris de la bande de Gaza.
À l’invitation de la CIJ, l’AGNU définit les modalités précises et mesures supplémentaires requises pour mettre fin dans les plus brefs délais à la présence illicite de l’État d’Israël dans le Territoire palestinien occupé. Elle demande à tous les États membres de s’acquitter des obligations que leur fait le droit international, de deux façons (art 4 et 5) :
– En s’abstenant de poser tout acte, que ce soit sur le plan diplomatique ou économique, portant caution de la situation illicite créée par la puissance occupante, autrement dit en alertant sur les risques de complicité.
– En prenant des mesures concrètes dans le domaine des échanges économiques, militaires qui contribuent à mettre fin à la situation illicite, et en énonçant des sanctions à l’égard des personnes morales mais aussi physiques.
Une résolution exceptionnellement prescriptrice :
Portée par de nombreux États du « Sud global », la résolution emploie des termes plus fermes à l’égard d’Israël puissance occupante : l’AGNU « exige ».
L’AGNU :
– impose, pour la première fois, une échéance à Israël pour se retirer du Territoire occupé (armée et colons) et pour restituer les biens,
– énumère les interdictions faites aux États et acteurs privés,
– dicte les mesures coercitives à mettre en œuvre, énonce des sanctions.
Obligations faites aux États
Les articles 4 et 5 de la Résolution méritent une lecture attentive pour transposer les mesures en instructions détaillées que le gouvernement devra décliner avec les ministères concernés afin que leurs administrations les mettent en œuvre.
L’État français doit sans attendre exécuter les mesures qui le concernent (dans le domaine diplomatique, par exemple), mais il doit aussi signifier explicitement aux autres acteurs concernés que sont les acteurs privés (entreprises) et publiques (collectivités locales), personnes morales et physiques, leurs obligations et les risques qu’ils encourent pour le cas où ils ne les respecteraient pas. (art 5.a).
C - Synthèse de la résolution du 18 septembre 2024
Rappel : avis de la CIJ du 19 juillet 2024 :
– L’occupation par Israël depuis 1967 du territoire palestinien est illégale : Israël doit y mettre fin dans les plus brefs délais.
– La colonisation est illégale, elle est un crime de guerre : Israël doit cesser immédiatement toute nouvelle activité de colonisation et évacuer tous les colons.
– Israël doit réparer le préjudice causé à toutes les personnes physiques ou morales dans le Territoire palestinien occupé (TPO).
– Tous les États doivent reconnaître l’illégalité de la situation et ne pas aider à son maintien et prendre des mesures pour y mettre fin.
– Les organisations internationales y compris l’ONU doivent reconnaître l’illégalité de la situation.
– L’ONU doit examiner les modalités et les mesures requises pour mettre fin dans les plus brefs délais à la présence illicite d’Israël dans le TPO.
Résolution votée le 18 septembre 2024 :
Elle réaffirme son attachement à la réalisation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination y compris le droit à un État indépendant et souverain coexistant avec Israël dans la paix et la sécurité.
Elle souligne qu’il faut absolument mettre fin sans tarder à l’occupation israélienne remontant à 1967 et que les obligations violées par Israël « concernent tous les États » : les responsables de toutes ces violations doivent impérativement répondre de leurs actes afin de « mettre un terme à l’impunité ».
Elle exige d’Israël, puissance occupante : qu’il mette fin dans les plus brefs délais à sa présence illégale dans le TPO, au plus tard 12 mois après l’adoption de cette résolution et s’acquitte sans délai de toutes les obligations juridiques que lui impose le droit international :
– retrait des forces militaires israéliennes du TPO y compris espace aérien et maritime,
– évacuation du TPO de tous les colons,
– démantèlement des parties du Mur construites par Israël et situées dans le TPO,
– abrogation de toutes lois et mesures illégales, lois d’apartheid, y compris celles concernant le statut historique de Jérusalem,
– restitution des terres et autres biens immobiliers, de l’ensemble des avoirs confisqués depuis 1967, tous biens et bâtiments culturels pris aux Palestiniens et à leurs institutions,
– droit au retour dans leur lieu de résidence initial de tous les Palestiniens déplacés durant l’occupation,
– réparation du préjudice causé à toutes les personnes physiques ou morales concernées dans le TPO,
– application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Afrique du Sud contre Israël) concernant le droit du peuple palestinien dans la bande de Gaza d’être protégé cf article 2 et 3 de la Convention,
– non-entrave de l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination, droit à un État indépendant et souverain sur l’intégralité du TPO.
Elle demande à tous les États : qu’ils s’acquittent des obligations que leur fait le droit international comme énoncées par la CIJ :
– favoriser, seul ou avec d’autres États, la réalisation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination/ s’abstenir de tout acte qui l’en prive/ veiller à ce qu’il soit mis fin à toute entrave de ce droit ;
– ne pas reconnaître comme légale la situation consécutive à la présence illégale d’Israël dans le TPO ni aider à son maintien ;
– pas relations conventionnelles avec Israël (économiques, commerciales, investissements) dans tous les cas où il prétendrait agir au nom du TPO sur des questions concernant ce territoire, pas de missions ou de maintien de missions diplomatiques en Israël y compris à Jérusalem ;
– prendre des mesures d’urgence, en tant qu’État partie à la 4ème Convention de Genève, pour faire appliquer la Convention dans le TPO y compris Jérusalem-Est ;
– prendre des mesures qui s’attachent à prévenir, interdire et éliminer les violations par Israël de l’art. 3 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination (race, religion, origine ethnique) ;
– prendre des mesures pour que les nationaux, sociétés, entités ainsi que les autorités relevant de la juridiction de l’État concerné, s’abstiennent de tout acte qui impliquerait la reconnaissance de la situation créée par la présence illégale d’Israël dans le TPO ou son maintien ;
– mettre fin à l’importation de tout produit issu des colonies israéliennes de même qu’à la fourniture ou au transfert d’armes, de munitions ou de matériel connexe à Israël ;
– prendre des sanctions contre les personnes physiques ou morales qui participent au maintien illégal d’Israël dans les TPO, notamment à l’égard des violences commises par les colons : interdiction de voyager, gel des avoirs ;
– appuyer toute action visant l’application du principe de responsabilité au bénéfice de toutes les victimes.
Elle demande aux organisations internationales, à l’ONU : de ne pas reconnaître comme légale la situation consécutive à la présence illégale d’Israël dans le TPO, de faire une distinction entre Israël et le TPO et de n’accorder ni reconnaissance ni concours ni aucune aide à toutes mesures prises par Israël pour exploiter les ressources naturelles de ce territoire, modifier d’une façon quelconque sa composition démographique, son caractère géographique ou sa structure institutionnelle.
Elle demande à l’ONU, à ses organes et organismes : de respecter les conclusions de la CIJ et d’agir en accord avec celles-ci (cartes, déclarations, rapports correspondants, programmes et actions)
– Elle déplore vivement le mépris total du gouvernement israélien vis-à-vis des obligations que lui font la Charte des Nations Unies, le droit international et les résolutions de l’ONU. Ces manquements menacent gravement la paix et la sécurité régionale et internationale.
– Elle considère qu’Israël doit répondre de toute violation du droit international dans le TPO et en assumer les conséquences juridiques y compris réparer le préjudice et tout dommage.
– Elle considère pour cela qu’il faut établir un mécanisme international aux fins de la réparation de l’ensemble des dommages, pertes ou préjudice commis par Israël dans le TPO : elle appelle à la création par les États membres, en coordination avec l’ONU et les organismes compétents, d’un registre international des dommages destiné à recenser, documents à l’appui, les éléments tendant à établir les dommages, pertes ou préjudice causés à toute personne physique ou morale et au peuple palestinien commis par Israël dans le TPO, les informations figurant dans les réclamations à cet égard. Il faut favoriser et coordonner le recueil des preuves ainsi que les initiatives visant à obtenir réparation de la part d’Israël.
– Elle souligne qu’il faut ouvrir des enquêtes, engager des poursuites appropriées, équitables et indépendantes au niveau national ou international afin que les auteurs des crimes les plus graves répondent de leurs actes, que justice soit rendue à toutes les victimes et que de futurs crimes soient évités.
– Elle demande la convocation d’une conférence des Hautes Parties contractantes à la 4ème Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre afin d’examiner les mesures à prendre pour faire appliquer cette Convention dans le TPO y compris Jérusalem-Est. Elle invite le Gouvernement suisse, dépositaire des Conventions de Genève, à convoquer cette conférence dans les 6 mois à compter de l’adoption de cette résolution.
– Elle décide que se tiendra, pendant sa 79ème session, sous ses auspices, une conférence internationale chargée d’examiner l’application des résolutions de l’ONU relatives à la question de Palestine et à la solution des deux États, en vue de l’instauration d’une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient.
– Elle prie le Secrétaire général, en concertation avec le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits humains et les États Membres, de faire des propositions pour la mise en place d’un mécanisme de suivi des violations de l’art 3 de la Convention Internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale commises par Israël et recensées par la CIJ.
– Elle confirme qu’elle est résolue à examiner plus avant les moyens concrets de faire pleinement respecter l’avis consultatif de la CIJ et faire pleinement appliquer l’ensemble des résolutions de l’ONU.
– Elle exhorte tous les États, l’ONU, les institutions spécialisées et organismes des Nations Unies à apporter soutien et aide au peuple palestinien en vue de la réalisation rapide de son droit à l’autodétermination, à s’employer activement à la pleine application de l’avis de la CIJ et de toutes les résolutions de l’ONU sur la question.
– Elle prie le Secrétaire général de lui présenter, dans un délai de 3 mois, un rapport sur l’application de la présente résolution, notamment toute mesure prise par Israël, par d’autres États et par des organisations internationales y compris par l’ONU en ce sens.
D – Les suites de la résolution du 18 septembre 2024
Le 3 décembre une nouvelle résolution est votée par l’AGNU dite « Règlement pacifique de la question de Palestine ».
Elle rappelle le droit et les différentes résolutions dont les points importants de la résolution du 18 septembre.
Elle précise un certain nombre de points annoncés dans la résolution du 18 septembre :
– L’article 15. demande :
a) qu’Israël se retire du territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est ;
b) que les droits inaliénables du peuple palestinien, au premier rang desquels viennent le droit à l’autodétermination et le droit de créer un État indépendant, soient réalisés ;
c) que soit apportée une solution juste au problème des réfugiés de Palestine conformément à sa résolution 194 (III) du 11 décembre 1948.
– L’article 16. demande à tous les États, agissant conformément aux obligations qui leur incombent en vertu de la Charte et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité
a) de ne reconnaître aucune modification du tracé des frontières d’avant 1967, y compris en ce qui concerne Jérusalem, autres que celles convenues par les parties par la voie de négociations, notamment en veillant à ce que les accords avec Israël n’impliquent pas la reconnaissance de la souveraineté d’Israël sur les territoires qu’il a occupés en 1967 ;
b) de faire une distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967 ;
c) de ne pas prêter aide ou assistance à des activités d’implantation illégales, notamment de ne fournir à Israël aucune assistance qui serait utilisée spécifiquement pour les colonies de peuplement dans les territoires occupés, comme le prévoit la résolution 465 (1980) du Conseil de sécurité en date du 1er mars 1980 ;
d) de respecter et de faire respecter le droit international, en toutes circonstances, y compris par des mesures de responsabilisation, conformément au droit international.
– L’Article 17. rappelle qu’elle a décidé que se tiendrait, pendant sa soixante-dix-neuvième session, sous ses auspices, une conférence internationale chargée d’examiner l’application des résolutions de l’Organisation des Nations Unies relatives à la question de Palestine et à la solution des deux États.
La Conférence se tiendra du 2 au 4 juin 2025 à New York. Elle sera co-présidée par la France et l’Arabie Saoudite.
E – Conclusions
Il faut noter l’importance et l’exceptionnalité de la résolution du 18 septembre 2024 :
– Elle se fonde sur les conclusions de la CIJ qui est la plus haute instance juridictionnelle et les traduit en des obligations précises.
– Elle impose un délais de 12 mois pour le retrait d’Israël du TPO.
– Elle impose aux États et aux diverses entités des mesures qui sont contraignantes.
– Elle demande aux États de prendre sanctions précises.
C’est un nouveau point d’appui, un levier qu’il va falloir utiliser sans entrave