Depuis une dizaine de jours, le Moyen-Orient est touché par une vague de froid d’une rare intensité. Et si dans certaines villes on s’amuse de voir tomber la neige pour la première fois, à Gaza, la pénurie d’électricité et de carburant rend les intempéries invivables pour la population.
Alors qu’il neigeait en Cisjordanie, la bande de Gaza s’est retrouvée noyée par des pluies diluviennes la semaine dernière. Plus de 400 familles ont été victimes des intempéries, selon les autorités locales.
Si la pluie a cessé, les températures restent basses pour la région. Or, depuis que la centrale électrique de Gaza a été bombardée en 2006 par l’aviation israélienne, les dommages n’ont jamais été réparés et la structure fonctionne au ralenti. La centrale est par ailleurs sous alimentée en carburant depuis que l’autorité palestinienne de Cisjordanie, en conflit avec le Hamas qui contrôle Gaza, a cessé progressivement de financer l’approvisionnement en carburant israélien. Enfin, l’Égypte a elle aussi revu à la baisse en février 2013 ses exportations de carburant vers Gaza, après avoir accusé le Hamas de le revendre plus cher à des particuliers.
Dans ces conditions, la vie quotidienne de Mohamed Shehada, étudiant en journalisme à Gaza, est rythmée par l’accès à l’électricité, aussi rare que soudain.
"Il y a quelques jours, le Qatar a envoyé par bateau du carburant pour la centrale électrique. Du coup, la plupart des quartiers ont de l’électricité 8 heures par jour maintenant, contre seulement 4 heures, au meilleur des cas, la semaine dernière. Mais nous ne savons jamais à quelle heure l’électricité arrive, cela peut être à 15 heures comme à 1 heure du matin ! En plus, l’alimentation n’est pas forcément continue et même ces 8 heures quotidiennes peuvent être réparties sur différents moments de la journée.
Nous profitons de l’électricité quand elle est là pour nous chauffer et nous essayons aussi d’en stocker grâce à un système d’alimentation sans interruption (UPS). Nous chargeons les batteries tant que l’électricité est disponible puis ce point de stockage se transforme à son tour en générateur. Cela nous permet de prolonger un moment l’électricité, l’accès à la télévision ou à Internet mais le débit n’est pas assez puissant pour nous permettre de chauffer la maison."
"Les familles se chauffent en brûlant de vieux meubles"
Sans électricité ni carburant, le seul moyen qui reste aux Gazaouis pour se chauffer est de brûler du bois. Mais là aussi, tous les habitants ne sont pas logés à la même enseigne selon Rany, 26 ans, lecteur à l’université al-Aqsa à Gaza :
"Le prix du bois a doublé cet hiver pour atteindre 2 shekels le kilo [40 centimes d’euro]. C’est beaucoup, compte tenu du niveau de vie des habitants dans la bande de Gaza. Du coup, les familles de classe moyenne ou celles qui ont un revenu modeste se chauffent en brûlant de vieux meubles, des portes cassées, etc.
Nous n’avons généralement pas de cheminée dans nos maisons, ceux qui ont un espace aéré ou une petite cour peuvent se faire du feu en sécurité. Mais c’est plus compliqué pour les personnes qui habitent dans des immeubles ou dans des petites surfaces. Cela a conduit à des cas d’asphyxie ou d’incendie.
La maison est presque le seul lieu où les Gazaouis peuvent se réchauffer. J’enseigne à l’université et les locaux n’ont jamais été équipés d’un quelconque système de chauffage. Mes étudiants et moi n’avons qu’une seule solution : mettre plusieurs couches de vêtements, en espérant que les fenêtres de la salle de cours ne laissent pas entrer l’air froid !"