Les Palestiniens en ont assez de la vie chère. D’abord exprimée sur des groupes Facebook, leur colère s’est portée dans la rue cette semaine. Plusieurs manifestations ont eu lieu à Ramallah, Hébron, Naplouse ou Bethléem. En cause, notamment : la décision du gouvernement d’augmenter de 8 % le prix de l’essence, alors que l’inflation touche également des aliments de première nécessité.
Les protestations ont été déclenchées par la mort d’un Gazaoui qui s’est immolé par le feu, le 2 septembre. À 17 ans, Ehab Abou al-Nada travaillait 13 heures par jour pour 30 shekels (environ 6 euros) afin d’aider sa famille à vivre. Son geste rappelle celui de Mohamed Bouazizi, le vendeur de fruits et légumes tunisien dont l’immolation par le feu avait été à l’origine de la révolution de Jasmin, en janvier 2011. Mercredi, un habitant de Ramallah s’est, lui aussi, aspergé d’essence, mais a été empêché de s’immoler par les forces de sécurité. Hussein Qahwaji, 37 ans, réclamait que l’Autorité palestinienne lui rembourse le voyage en Jordanie qu’il avait effectué pour tenter de faire soigner sa petite fille de 5 ans.
Reprenant les slogans du Printemps arabe, des Palestiniens ont scandé "Dégage !" lors de plusieurs manifestations. L’injonction était adressée au Premier ministre de l’Autorité palestinienne, Salam Fayyad, jugé responsable de la hausse des prix et accusé par beaucoup de corruption. Des affiches à son effigie ont été brûlées à Hébron. "S’il y a une réelle demande de la part de la population pour que je démissionne, et si cela permet de résoudre les problèmes économiques, alors je n’hésiterai pas à démissionner et je le ferai sans tarder", a assuré jeudi Salam Fayyad. Ce dernier semble d’autant plus en difficulté que le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, ne lui a pas apporté de réel soutien. Et a estimé, de façon plutôt surprenante, devant la multiplication des manifestations, que le Printemps palestinien avait commencé. Aux yeux de nombreux manifestants, cette prise de position est "une manœuvre politique" pour gagner le soutien de la population.
Les manifestants demandent aussi l’abrogation du protocole de Paris. Cette annexe aux accords d’Oslo de 1993 stipule que les importations dans les Territoires palestiniens sont soumises à l’approbation d’Israël, qui contrôle les frontières, et que la TVA palestinienne doit se maintenir au niveau de celle de l’État hébreu, ce qui pose des problèmes de compétitivité aux Palestiniens face à d’autres pays arabes.
La grogne des Palestiniens est un vrai mouvement de ras-le-bol face à la hausse des prix, avec pour toile de fond une situation économique très difficile : environ 20 % des 2,5 millions de Palestiniens de Cisjordanie sont au chômage.
"En une semaine, le prix du gaz a augmenté de 12 %"
Ayman est un habitant de Ramallah. Il a participé aux manifestations.
Les manifestations ont commencé il y a dix jours, mais cela fait deux ou trois mois qu’il existe un groupe Facebook baptisé “La jeunesse contre la hausse des prix” [sur lequel le sujet des prix trop élevés est débattu, NDLR]. Et ce n’est pas la première fois qu’on manifeste à ce propos.
Les manifestants demandent l’annulation du protocole de Paris et des accords d’Oslo auxquels il est annexé, la démission du gouvernement et le départ de certains leaders politiques.
Ils veulent aussi que le gouvernement travaille sur des programmes de sécurité et de protection sociale, mette en place un contrôle sur les prix du marché et intervienne pour les réguler si nécessaire. Car les prix des fruits, des légumes, de l’essence, des œufs, du lait, etc. ont tous augmenté. Par exemple, depuis le 1er septembre - en une semaine donc - le prix du gaz a augmenté de 12 %, celui de l’essence de 6,12 % et celui du diesel de 2,9 %.
Nos situations économique et politique sont très difficiles, et nous souffrons beaucoup de l’occupation israélienne. Les Palestiniens perdent de plus en plus espoir avec les jours qui passent. Je crois que le mouvement de protestation est aussi lié à cela et que, de manière générale, il ne s’estompera pas tant que les Palestiniens n’auront pas retrouvé un peu d’espoir et de dignité dans leur vie quotidienne.
"La majorité des manifestants est opposée à tout acte de vandalisme ou de pyromanie"
Jenny est traductrice au chômage. Elle a participé aux manifestations à Bethléem.
Les gens sont sortis dans les rues il y a quelques jours, quand les prix de la nourriture et de l’essence ont commencé à augmenter. En général, les manifestants se comportent pacifiquement en brandissant des pancartes demandant à ce que les prix baissent, car certaines personnes ne sont plus en mesure de nourrir leur famille.
Hier, jeudi, environ 300 personnes, des jeunes et des plus âgés, ont manifesté à Bethléem, rue al-Madbasa, dans le centre-ville. D’autres manifestations se sont poursuivies dans la nuit, entraînant plus de gens encore qu’en journée. Des pneus ont été brûlés et la plupart des rues de la ville ont été fermées. Mais la large majorité de ceux qui manifestent dans la journée sont opposés à tout acte de vandalisme ou de pyromanie. Ce vendredi matin, de jeunes Palestiniens ont nettoyé tout le désordre qui résultait de la nuit agitée. Pour le moment, la police n’a pas réagi et n’a pas interféré dans les manifestations.