Que le Parlement français, à l’initiative de la gauche, ait voté une proposition de résolution qui invite le gouvernement à reconnaître l’Etat de Palestine en vue d’obtenir un règlement définitif du conflit est une étape essentielle.
Les parlements britannique et espagnol l’ont déjà fait. Bientôt ce sera le parlement européen (c’est une manière pour l’Allemagne de faire la même chose, par procuration). Pour l’instant seul L’Etat Suédois, et pas seulement le parlement, a reconnu l’Etat palestinien.
Les opposants à cet acte législatif disent qu’il ne sert à rien et que ce n’est que symbolique. Ils ont tort. Ils devraient lire ou relire « Quand dire c’est faire » du linguiste et philosophe Austin. La théorie de cet auteur prend le contre-pied des approches logiques du langage et s’intéresse aux nombreux énoncés qui, tels les questions ou les ordres, échappent à la problématique du vrai et du faux. Dire « Est-ce que tu viens ? » ou « Viens ! » conduit à accomplir, à travers cette énonciation, un certain type d’actes en direction de l’interlocuteur (en lui posant une question ou en lui donnant un ordre).
Les énoncés auxquels Austin s’est intéressé sont les énoncés dits performatifs. Un énoncé performatif, par le seul fait de son énonciation, permet d’accomplir l’action concernée : il suffit à un président de séance de dire « Je déclare la séance ouverte » pour ouvrir effectivement la séance. L’énoncé performatif s’oppose donc à l’énoncé constatif qui décrit simplement une action dont l’exécution est, par ailleurs, indépendante de l’énonciation : dire « J’ouvre la fenêtre » ne réalise pas, ipso facto, l’ouverture de la fenêtre, mais décrit une action. L’énoncé performatif est donc à la fois manifestation linguistique et acte de réalité. Mais cet énoncé doit être circonstancié. Cela dépend de l’interlocuteur, du statut et du lieu. Ici les interlocuteurs sont le peuple palestinien, le peuple français, l’Etat d’Israël, et la communauté internationale, surtout les Etats-Unis. Le statut, ce sont une majorité de députés et de sénateurs ; le lieu, c’est le parlement français (Assemblée Nationale et Sénat bientôt). Pour une fois, des parlements en Europe parlent des Palestiniens en tant que peuple qui a droit à un Etat souverain et pas seulement en réduisant la question au Hamas et à un Etat d’Israël qui bombarde quand bon lui semble. Il n’y a pas si longtemps que cela, lorsque vous parliez de la situation du peuple palestinien à un responsable politique il se bornait à dire : « c’est compliqué » ou « c’est insoluble ».
Lorsque des parlements, surtout des Etats de pays aussi importants sur la scène internationale, disent : « nous reconnaissons un Etat palestinien » c’est aussi et surtout parce qu’ils ne peuvent pas dire directement et franchement à Israël : « Israël est désormais une puissance colonisatrice » ou Israël + Cisjordanie + Gaza + Jérusalem = Apartheid. Il n’y plus de territoire viable pour un Etat Palestinien que « nous voulons ! ». Ce qui est sous-entendu : Un Etat Palestinien dans les frontières définies par la résolution 242 de l’ONU en 1967. Donc, dire, ce n’est pas seulement symbolique. Les idéologues qui soutiennent inconditionnellement la politique du gouvernement israélien actuel l’ont bien compris. Tout en disant que cela ne sert à rien, que cela ne va rien changer, Ils ne parlent que de cela actuellement dans les média israéliens. La chaîne francophone i24news a même fait une émission spéciale le jour même où se déroulaient les débats à l’Assemblée Nationale française.
Juste pour rire un peu : Après la prise de décision de la Suède, le ministre des affaires étrangères israélien a déclaré : « Le gouvernement suédois doit comprendre que les relations entre les pays au Moyen-Orient sont plus complexes que l’assemblage d’un meuble Ikea. Ces questions devraient être traitées avec responsabilité et sensibilité » à quoi son homologue suédoise, la ministre Margot Wallström, a réagi en déclarant qu’elle serait « heureuse d’envoyer à M. Lieberman un meuble Ikea à assembler ». « Il comprendra que cela nécessite un partenaire, de la coopération et un bon manuel ».