Lundi 11 avril, les ministres européens des Affaires étrangères ont entériné la décision de l’UE
de suspendre son aide directe à l’Autorité palestinienne, aide dont le montant s’élève à 500
millions d’euros pour une année. Pour la commissaire européenne aux relations extérieures,
Benita Ferrero-Waldner, il ne s’agit pas de punir le peuple palestinien pour avoir mal voté,
mais d’amener le Hamas à renoncer à la violence, à reconnaître l’Etat d’Israël, et respecter les
accords d’Oslo ; elle a affirmé que l’Europe continuerait à « se tenir aux côtés des
Palestiniens ».
Dans le même temps des élus du Conseil législatif palestiniens qui étaient invités par
l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, à un débat sur le Proche-Orient à
Strasbourg, n’ont pas obtenu de visa - sans que l’on sache si le refus émane de la France ou
d’Israël - au grand regret de René Van Der Linden, le président de l’APCE pour qui le
Conseil de l’Europe est une instance qui « se prête au dialogue ».
Enfin l’ONU a décidé d’une politique restrictive à l’égard de l’Autorité palestinienne, alors
que son rôle humanitaire est indispensable dans les Territoires palestiniens occupés. Mais elle
a évité de s’exprimer sur les bombardements israéliens dans la bande de Gaza qui ont fait de
nombreuses victimes ces derniers jours, parmi lesquels des enfants. « Nous attendions de la
part de Kofi Annan des déclarations sur les massacres et les crimes israéliens mais nous
n’avons entendu aucune condamnation ni demande à Israël », a regretté le porte-parole du
gouvernement palestinien, Ghazi Hamad.
Est-ce pour ne pas être en reste , et ne pas déplaire à son principal bailleur de fonds, que la
démocratique Egypte a décidé de reporter la visite de son ministre des Affaires étrangères à
Ramallah (au prétexte d’un « manque de temps ») ?
Les caisses du gouvernement palestinien sont vides et les salaires de milliers de fonctionnaires -140 000, qui font vivre 23% de la population - ne seront pas versés. Impossible de faire
face à la pénurie de vivres , de médicaments, de carburants.
Les mesures prise par les Etats-Unis et l’UE compliquent la tâche de la Banque Mondiale [1]
qui gère un fonds d’aide aux Palestiniens alimenté par plusieurs pays donateurs. Ce fonds est
destiné à la mise en oeuvre de réformes économiques et au financement des projets de
développement.La banque se trouvera dans une situation difficile tant que le Hamas sera
qualifié d’organisation terroriste par d’importants donateurs.
Elle a fait savoir que l’Autorité palestinienne se trouvait dans une situation économique
« dramatique ».
De leur côté les agences des Nations-unies dans les Territoires palestiniens craignent une
grave crise humanitaire : nombre de familles risquent de passer sous le seuil de pauvreté, la
situation des plus pauvres s’aggrave, particulièrement dans la Bande de Gaza où les Israéliens
affament la population et ne laissent même plus entrer les produits de première nécessité
(farine, riz, sucre, médicaments...).
Les agences , qui se plaignent du manque chronique de fonds et du non-respect des promesses
des donateurs, craignent que les promesses d’assistance humanitaire émanant des Etats-Unis
et l‘UE ne soient pas tenues, alors qu’elles manquent déjà de fonds pour des besoins
identifiés. John Ging, responsable de l’UNRWA en appelle aux donateurs :« s’il vous plaît
donnez-nous l’argent pour les besoins immédiats ».
L’Organisation Mondiale de la Santé a, quant à elle, mis en garde contre un éventuel
"effondrement" du système de santé palestinien si les ressources venaient à manquer.
Le gel des aides gouvernementales inquiète le CICR (Croix Rouge) pour qui cette mesure tend à aggraver la
situation de la population palestinienne et pourrait susciter un regain de violence. Certains
s’inquiètent de l’attitude des forces de sécurité si elles n’obtiennent pas le versement de leurs
payes, et sont convaincus que « chaque dollar retenu , c’est un soutien de plus pour le
Hamas ».
Comment s’en étonner lorsque l’on sait que non seulement Israël ne reverse pas le montant
des taxes collectées pour l’Autorité, mais qu’il compte en utiliser une partie « pour régler des
dettes contactées par l’Autorité à l’égard de compagnies israéliennes » ?
Privés de salaires qui sont essentiels au fonctionnement de l’économie palestinienne, les
Palestiniens plongent encore plus profondément dans la crise que l’occupation a créée depuis des années de répression de
l’Intifada par des bouclages, couvre-feux et autres check-points. Les responsables ont prévu que tout l’argent disponible
irait en priorité aux ménages les plus démunis qui ressentent le plus durement les retards de
salaires.
Sur le terrain, les bombardements se sont poursuivis dans la bande de Gaza, en représailles
aux tirs de roquettes symboliques, mille obus israéliens sont tombés en quelques jours ainsi que plusieurs
missiles qui ont fait une vingtaine de morts dont trois enfants, et de nombreux blessés.
Israël espère ainsi pousser le Hamas à la faute afin qu’il ne puisse plus se prévaloir du
respect de la trêve unilatérale observée par la majorité de la résistance palestinienne. Depuis plus d’un an le Hamas n’a mené aucune opération militaire, même contre les forces israéliennes d’occupation.
Les incursions meurtrières israéliennes se poursuivent dans toute la Cisjordanie à Naplouse, Jenin,
Tulkarem, Bethléem, Hébron...où l’armée israélienne d’occupation n’en finit pas d’arrêter,
de détruire, d‘assassiner.
Et la répression violente continue de s’abattre sur les résistants non-violents de Beit Sira, de
Bil’in qui s’opposent à la colonisation et à la construction du mur sur leurs terres. Deux
enfants qui gardaient des chèvres près de la colonie de Modi’in Illit ont été arrêtés.
Quelques députés européens se sont rendus en Palestine : une délégation non-officielle de
députés de gauche a annoncé avoir rencontré des députés du Hamas à Gaza et Ramallah et a
appelé l’Europe à reconsidérer sa position.
« Nous sommes venus dans les territoires palestiniens pour rencontrer tous les membres du
Conseil législatif sans discrimination car ils représentent la volonté démocratique du peuple »
a indiqué Luisa Morgantini, membre du parti communiste italien.
« Blesser un homme dans sa dignité est un crime », écrivait Antoine de Saint-Exupéry. Vouloir réduire un peuple à la soumission en l’agressant, en l’humiliant et en l’affamant en est un autre.