Tout oppose les islamistes du Hamas et le Fatah, le parti du président Mahmoud Abbas, dominant au sein des services de sécurité. Les combats entre ces deux mouvements ont fait 47 morts depuis la reprise des heurts vendredi, après plusieurs semaines d’accalmie.
Les premiers ont un projet de société basé sur la religion. Ils ont rejeté les accords de paix d’Oslo de 1993 et sont proches de la Syrie et de l’Iran alors que les seconds sont laïcs, en faveur de négociations avec Israël et tournés vers l’Occident.
« C’est la première fois dans l’histoire de la Palestine qu’éclate un conflit aussi sanglant au sein des instances dirigeantes », affirme Talal Okal, un expert politique palestinien. « Le Hamas et le Fatah ont des plates-formes différentes. Le Hamas est un mouvement religieux islamique avec un programme politique et social clair » qui refuse de rendre les armes face à Israël, explique Issam Younès, directeur du centre Mizan des droits de l’homme, basé à Gaza. « Le Fatah est laïc, plus pragmatique. Il a tiré une légitimité internationale pour avoir créé l’Autorité palestinienne et entamé le processus de paix avec Israël. Nous avons une réelle division dans le système politique palestinien, ajoute-t-il. Et le fossé se creuse. »
Ibrahim Abrach, professeur à l’Université al-Azhar de Gaza, estime que les combats « ont éclaté car l’accord de La Mecque n’a pas résolu les véritables problèmes entre les factions qui ont des stratégies, des visions et des relations avec les pays étrangers qui sont opposées ».
Les deux mouvements ennemis ont conclu en février un accord dans la ville de La Mecque, grâce à une médiation saoudienne, qui a précédé la mise en place d’un gouvernement d’union nationale. Le Hamas, considéré comme un mouvement terroriste par les États-Unis, l’Union européenne et Israël, avait toutefois conquis le pouvoir de manière démocratique en janvier 2006. Il considère cet accord comme une faveur faite au Fatah, grand perdant du scrutin de 2006. Il a exigé en échange une levée totale des sanctions internationales contre le cabinet, ce qui ne s’est pas produit.
« L’accord n’a réglé aucun problème entre le Hamas et le Fateh et les questions en suspens sont toujours présentes comme la composition des forces de sécurité (contrôlées par le Fateh), le dossier de l’OLP, le siège international n’a pas été levé, la pauvreté et le chômage sont là », insiste Moukhaymar Abou Saada, professeur de sciences politiques à l’Université Abou Diss de Jérusalem. Cet accord était « très vague. Avec ces combats, nous sommes revenus à la case départ », ajoute M. Younès.
Le Hamas appelle ainsi à un « accord de La Mecque 2 ». « Il est urgent de retourner à La Mecque pour résoudre le reste des problèmes, notamment la restructuration des forces de sécurité », indique à l’AFP Ahmad Youssef, le conseiller politique du Premier ministre Ismaïl Haniyeh.
Sur le terrain, les militants des deux camps se diabolisent, aidés par les radios locales promptes à diffuser des accusations à longueur de journée, qualifiant les uns « d’espions des Américains » et « de collaborateurs d’Israël » et les autres de « milices noires » ou de « chiites », en référence à la proximité entre le Hamas et l’Iran chiite.
Le Fateh accuse continuellement ses ennemis de recevoir des directives iraniennes. Dans le même temps, les vagues de combats deviennent de plus en plus meurtrières au fil des mois. « Dans la dernière vague de violence, les barrières psychologiques ont sauté », dit le directeur du Centre des droits de l’homme, Issam Youssef. « Il n’y a plus de limites à la vengeance. » [1] [2]
Dans le même temps les forces d’occupation israéliennes qui ne relâchent pas leurs attaques en Cisjordanie où les incursions sont quotidiennes, reprennent bombardements et agressions à Gaza.
[3]Israël a riposté hier à la poursuite des tirs de roquettes palestiniennes contre son territoire avec une série de raids aériens contre le Hamas qui ont fait six morts et suscité des menaces d’attentats-suicide du mouvement islamiste.
Trois occupants d’une voiture circulant dans le sud de la bande de Gaza ont été tués hier soir dans un raid aérien israélien, le quatrième de la journée, dans le secteur de Soufa, un point de passage entre Israël et le sud de la bande de Gaza. L’identité des victimes n’était pas connue dans l’immédiat.
Un précédent raid avait détruit le quartier général de la Force exécutive du Hamas, dans le centre-ville de Gaza, tuant un membre de cette force et blessant une trentaine d’autres personnes. La Force exécutive a été créée en mars 2006, peu après la formation du gouvernement issu du Hamas, pour contrer l’hégémonie du Fateh dans les services de sécurité palestiniens.
Après cette frappe, le Hamas a crié vengeance. « Toutes les options contre l’ennemi sioniste sont ouvertes, y compris des attaques-suicide en temps, en heure et dans le lieu appropriés », a réagi Abou Obeida, le porte-parole de la branche militaire du Hamas, les Brigades Ezzeddine al-Qassam. Le dernier attentat-suicide contre Israël revendiqué par le Hamas remonte au 18 janvier 2005. Il avait fait six blessés israéliens, dont un grièvement, dans le bloc de colonies de Goush Katif, dans la bande de Gaza évacuée en août de la même année.
Deux autres membres du Hamas ont été tués hier dans deux autres raids à Gaza contre un véhicule et près du domicile du porte-parole du ministre de l’Intérieur, Khaled Abou Hillal. Au total, une quarantaine de Palestiniens ont été blessés dans la série de raids. Mercredi, Israël avait déjà attaqué des objectifs du Hamas, faisant quatre morts dans ses rangs. Le Premier ministre israélien Ehud Olmert a mis en garde mercredi contre une réaction « sévère » de son pays aux tirs de roquettes incessants depuis la bande de Gaza contre le sud d’Israël, qui ont fait six blessés au cours des derniers jours.
Une quinzaine de blindés israéliens ont pénétré hier soir en deux points du nord de la bande de Gaza, ont indiqué des sources sécuritaires palestiniennes. « Des blindés israéliens sont entrés sur un à deux kilomètres à l’intérieur de la bande de Gaza près de l’ancienne colonie de peuplement de Dougit et à l’est de Jabaliya », a affirmé à l’AFP un responsable de la sécurité nationale. Un porte-parole de l’armée israélienne a confirmé que « quelques blindés étaient entrés dans le nord de la bande de Gaza à des fins défensives et sans s’éloigner de la barrière » qui sépare le territoire palestinien du territoire israélien.
De leur côté, les États-Unis ont fait porter au Hamas la responsabilité des violences dans la bande de Gaza, saluant la « grande retenue » manifestée par Israël dans sa réponse aux tirs de roquettes sur le sud de son territoire.
Les raids aériens israéliens sont survenus alors que les combats se sont poursuivis entre les islamistes et les services de sécurité palestiniens, loyaux au président Mahmoud Abbas, malgré un cessez-le-feu signé la veille. Ces affrontements, beaucoup moins violents qu’au cours des jours précédents, ont fait trois tués, portant à 47 le nombre de victimes de la nouvelle vague de violences interpalestiniennes qui ont éclaté le 11 mai.
Dans le même temps, le président palestinien Mahmoud Abbas, qui devait se rendre à Gaza pour discuter de la trêve entre le Fateh, son mouvement, et les islamistes du Hamas, a annulé sa visite sine die. De hauts responsables sécuritaires ont affirmé hier que la visite de M. Abbas a été annulée après la découverte d’un tunnel bourré d’explosifs, placés par la branche militaire du Hamas, qui devaient exploser au passage de son convoi. Une source au bureau de M. Abbas a confirmé l’information. Le porte-parole de la branche armée du Hamas a toutefois nié fermement toute tentative d’assassinat de Mahmoud Abbas. « Ces informations ont pour but d’empoisonner l’atmosphère à Gaza. Nous les nions entièrement », a affirmé à l’AFP Abou Obeida.
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