Une délégation composée de dix-huit
Français, douze Grecs, un Autrichien
et un Sud-africain s’est rendue
au Liban du 29 juillet au 1er août. Composée
de responsables politiques et associatifs
(dont deux membres du Bureau national de
l’Afps), elle avait pour but de prendre un
certain nombre de contacts et de témoigner
sa solidarité au peuple libanais agressé
par l’armée israélienne. Cette délégation,
dirigée par Nahla Chahal, sociologue et
journaliste franco-libanaise, coordinatrice
de la CCIPPP (Campagne civile internationale
pour la protection du peuple palestinien),
était soutenue par le Collectif national
pour une paix juste entre Palestiniens
et Israéliens sur la base d’un mémorandum
agréé par la plupart de ses membres.
L’aéroport de Beyrouth ayant été bombardé,
la seule solution pour entrer au Liban
était de passer par Damas. L’avant-veille
de notre arrivée, des bombardements israéliens
visaient la route Beyrouth-Damas. Il
nous a donc fallu prendre la route par Tripoli,
beaucoup plus longue.
Au cours de ce très court voyage durant
lequel nous avons eu de nombreux contacts
et entretiens avec associations, institutions
et partis politiques libanais, nous avons
déjà pu constater les effets du blocus, les
destructions des quartiers sud de Beyrouth,
le harcèlement des avions militaires et des
hélicoptères sur la mer et dans le ciel de Beyrouth.
Le lendemain de notre départ, la
route Damas-Tripoli était à son tour bombardée
et les ponts routiers détruits. L’enfermement
du peuple libanais était donc
presque réalisé.
Nous avons aussi constaté, malgré les clivages
politiques dans la société libanaise,
le consensus national, la détermination
d’un peuple pour la résistance, y compris
armée, aux attaques israéliennes, compte
tenu de la complicité internationale puisque
dans cette région le droit international ne
semble pas opérant dès lors que c’est Israël
qui est mis en cause. Toutefois de nombreux
juristes sont déjà mobilisés pour
mener aussi la bataille sur le plan judiciaire.
En revanche, nous avons été surpris de
constater que, tout en prônant une solution
globale régionale, nos interlocuteurs
ne faisaient pas beaucoup le lien entre
l’agression israélienne à Gaza et celle au
Liban.
Des entretiens ont été possibles, d’une part
avec des partis politiques (essentiellement,
PC libanais, Hezbollah et Gauche démocratique),
des institutions libanaises (présidence
de la République et présidence du
Parlement - un rendez-vous accepté avec
la présidence du Conseil n’a pu avoir lieu
pour des raisons de temps), la délégation
de la Commission européenne et le responsable
du FDLP au Liban, Souheil Natour.
Il faut enfin préciser que c’est de la rencontre
avec un éventail très large d’associations
libanaises (proches du Mouvement du 8
mars d’une part, du Mouvement du 14
mars d’autre part, ou indépendantes) qu’est
sorti l’appel de Beyrouth qui « appelle à la
fin immédiate et inconditionnelle des bombardements
sur le Liban et sur la bande de
Gaza, condamne l’agression des Etats-
Unis et d’Israël contre le Liban, appelle à
une journée internationale de mobilisation
collective le 12 août sur ces points ».
A sa suite, des grandes manifestations ont
en effet eu lieu le 12 août dans plusieurs
pays d’Europe et du monde (y compris
dans toute la France).
SW et BR
Rencontre avec Khaled Hadadé, secrétaire général du parti communiste libanais
« Nous voulons marier résistance et démocratie au service de nos peuples »
« Vingt-deux ans après la résolution
425 du Conseil de sécurité de L’ONU
(1978) sur le retrait du Liban, Israël
a été obligé de l’appliquer partiellement. Mais
restent les fermes de Chebaa et les prisonniers.
De surcroît, depuis 2000, il y a eu 4300 transgressions
par Israël de la Ligne bleue tracée par
l’ONU », précise Khaled Hadadé qui souligne
« une continuité de l’agression israélienne ». Il
rappelle que « la résistance a été déclenchée par
le parti communiste et d’autres en 1968 quand
on avait appelé à la résistance populaire. Celle-ci
a connu son couronnement en 1982 avec le
Front National de la Résistance (FNR). »
Il tient à procéder à quelques mises au point.
Tout d’abord, parmi les plus récentes agressions
opérées impunément par l’armée israélienne en
territoire libanais avant la capture des deux soldats
israéliens par le Hezbollah , il cite l’incursion
en février dernier dans un village libanais où un
berger de 15 ans a été tué, puis l’arrestation
d’un pêcheur dans les eaux territoriales libanaises
et plus récemment encore, l’assassinat par
le Mossad de deux frères de Saïda membres du
Djihad islamique.
En second lieu, concernant la légitimité de
l’action du Hezbollah, il ajoute qu’« il y a une
deuxième ambiguïté à lever. Le Hezbollah fait
partie du gouvernement sur la base d’une déclaration
officielle qui a légitimé la résistance pour
libérer les fermes de Chebaa et les prisonniers.
La majorité actuelle a fait des pressions pendant
plus d’un an par des canaux diplomatiques pour
atteindre ces objectifs. Dans une réunion du
“Dialogue national” Nasrallah avait annoncé que
le temps de la diplomatie était terminé et que,
pour atteindre ces objectifs, on allait utiliser
d’autres moyens. »
Enfin, Khaled Hadadé insiste sur le rôle joué par
les Etats-Unis dans le conflit et leur projet, formulé
par Condoleeza Rice, d’un « Nouveau
Moyen-Orient » : « Au début de cette année, elle
est venue au Liban et a rencontré le Premier
ministre pour lui dire : “ Notre patience est à
bout du fait de l’incapacité du gouvernement à
appliquer la 1559 et à désarmer le Hezbollah.
Nous allons faire le travail nous-mêmes”. Elle a
chargé Israël, sans mandat des Nations unies,
d’appliquer une résolution qui ne concerne pas
son territoire... L’histoire des deux soldats est un
prétexte purement formel pour une agression
déjà préparée. »
D’après lui, le parti communiste libanais ne
conteste pas que le Hezbollah ait des alliances
avec la Syrie et l’Iran. Mais, ajoute t-il, « Il existe
bien des alliances entre des forces libanaises et le
projet américain. Madame Rice a réuni les forces
du 14 mars à l’ambassade des Etats-Unis ! Quant
à nous, nous discutons sur les objectifs déclarés :
les terres occupées par Israël et les prisonniers. »
Interrogé sur les relations du PCL avec le
Hezbollah, il répond que « le Hezbollah a deux
visages : l’un est positif, c’est celui de la résistance
; l’autre, négatif, est l’appartenance confessionnelle
islamique. » Une défaite du Hezbollah
signerait la défaite de la résistance et du Liban, «
la dimension confessionnelle resterait intacte et
plus active et il deviendrait un pôle d’attraction
pour une recomposition confessionnelle du Liban.
Nous étions inquiets jusqu’à présent. Nous le
sommes moins car nous sommes convaincus que
la résistance fait évoluer le Hezbollah et qu’il
sera plus ouvert. »
Et le PCL, affirme t-il, entend résister à l’impérialisme
américain, mais dénonce les actions de terrorisme
telles qu’elles se pratiquent en Irak. Il
qualifie la relation avec le Hezbollah de « bivalente
» et « contradictoire » : une réelle coopération
existe, à différents niveaux, pour la résistance
mais sur le plan intérieur, il n’y a pas de
vision commune : aux élections, le Hezbollah
s’est allié avec Jumblatt, Hariri et les Forces libanaises,
avec comme seul opposant le PCL ...
Dans l’éventualité d’une occupation du Sud
Liban, une coordination opérationnelle avec plusieurs
forces politiques est en préparation, afin
d’organiser la résistance sur le terrain.
« Au Moyen-Orient il y a des forces contre le projet
américain qui sont aussi opposées à des
régimes comme le régime syrien. Nous voulons
marier résistance et démocratie au service de nos
peuples. »
Beyrouth, le 1er août 2006.
Compte-rendu par Bernard Ravenel et Sylviane de Wangen