« A bas les privatisations, ré-vo-lu-tion ! », scande-t-on à Jérusalem et à Tel-Aviv depuis mi-juillet, rapporte Michel Warschawski, observateur direct du mouvement de contestation sociale qui s’étend en Israël. « Un mot nouveau en Israël », précise-t-il devant une audience d’une cinquantaine de personnes réunies dans la mairie du 2ème arrondissement de Paris, samedi 3 septembre. Le vocabulaire des classes moyennes et populaires est bien la seule chose qui s’enrichit dans l’Israël néolibérale de Benyamin Netanyahou.
L’un des « deux îlots de stabilité que sont les territoires palestiniens occupés, et Israël » dans l’océan tumultueux des révolutions arabes a cédé. Il y a un mois, « un immense mouvement populaire que personne n’avait prédit, différent des soulèvements connus » s’est mis en marche, assène le militant pacifiste israélien. Si la contestation s’est d’abord focalisée sur le problème du logement, « très vite, l’ensemble de la politique et l’Etat néolibéral de Netanyahou ont été accusés ». Le dirigeant d’extrême droite a d’abord voulu y voir l’action de « gauchistes », mais l’ampleur du mouvement a démenti cette affirmation, dans un pays où le parti travailliste est extrêmement affaibli. Il s’agit beaucoup plus largement d’« inconnus, relativement jeunes, ni de gauche ni de droite, certains appartenant à l’électorat du Likoud, se revendiquant mouvement social, pas politique », corrige le président du centre d’information alternative de Jérusalem.
Tous réclament d’une seule voix un « retour à l’État-providence ». Explication de texte : « Israël était fier de son système de santé gratuit pour tous. Or il est en cours de privatisation. L’école publique, de mauvaise qualité, devient celle de ceux qui ne peuvent pas aller en école privée. Un professeur agrégé gagne 800 euros par mois ! C’est le métier le plus dévalorisé. Ils préfèrent être petit employé de banque, où ils sont payé 2,5 fois plus. En Israël, on parle du « tsunami social » de Netanyahou. Margaret Thatcher, à côté, c’est mère Teresa de Calcutta ».
Service public privatisé, centrale syndicale (Histadrut) démantelée, grande difficulté d’accès au logement... Tous les ingrédients témoignent de la pulvérisation de l’État social. Au-delà des plus défavorisés, c’est une partie de la classe moyenne qui est touchée. Seule solution pour désamorcer cette bombe à retardement selon Michel Warschawski : « un choix politique. Il y a beaucoup d’argent. Voilà ce que disent les manifestants, qui reprennent un slogan des Black Panthers : ’’De l’argent pour les quartiers populaires, pas pour les colonies !’’ ».
Au lieu de s’y atteler, le gouvernement préfère parier sur un regain de tension sécuritaire et patriotique : « il réchauffe la frontière, s’en prend à la grande menace régionale qu’est l’Iran ou le Liban et cogne sur Gaza – c’est un réflexe ».
Mais rien n’y fait. Samedi 3 septembre, près d’un demi-million de personnes sont descendues dans les rues de Tel-Aviv et des principales villes du pays, passant outre les différences de génération, d’identité politique et de culture. Pour Michel Warschawski, le mouvement s’apparente à « un forum social permanent ». « Boulevard Rothschild, à Tel-Aviv, il y a une « tente 1948 », dans laquelle on parle des réfugiés palestiniens ! Pour l’instant il y a zéro censure ».
La parole citoyenne se délie, accentuant la pression sur un gouvernement déjà crispé dans ses relations internationales. Dans deux semaines, M. Nétanyahou rendra publiques ses propositions de réforme pour répondre aux revendications de justice sociale massivement exprimées.