De notre envoyée spéciale à Ramallah et Jérusalem
C’était à la Knesset, lundi, que la visite de François Hollande en Israël et en Palestine se jouait. L’enceinte de l’assemblée nationale israélienne est un symbole où ont défilé avant lui tous les chefs d’État depuis François Mitterrand. Ce dernier y avait prononcé un discours historique, le 4 mars 1982, où il avait évoqué pour la première fois la création d’un État palestinien. Seize ans plus tard, Nicolas Sarkozy était allé plus loin en défendant que Jérusalem soit la capitale des deux États et en condamnant la colonisation. À l’époque, quelques députés d’extrême droite avaient manifesté leur colère en quittant l’hémicycle.
Voir l’allocution de François Hollande à la Knesset
De notre envoyée spéciale à Ramallah et Jérusalem
C’était à la Knesset, lundi, que la visite de François Hollande en Israël et en Palestine se jouait. L’enceinte de l’assemblée nationale israélienne est un symbole où ont défilé avant lui tous les chefs d’État depuis François Mitterrand. Ce dernier y avait prononcé un discours historique, le 4 mars 1982, où il avait évoqué pour la première fois la création d’un État palestinien. Seize ans plus tard, Nicolas Sarkozy était allé plus loin en défendant que Jérusalem soit la capitale des deux États et en condamnant la colonisation. À l’époque, quelques députés d’extrême droite avaient manifesté leur colère en quittant l’hémicycle.
Avec Hollande, cinq ans plus tard, rien de tel. Lundi en fin de journée, aucun élu israélien présent n’a exprimé la moindre réprobation manifeste durant le discours du président français, applaudi par tout l’hémicycle et, plus chaleureusement encore, par l’opposition travailliste. Il faut dire que le propos du chef de l’État ressemblait, presque à s’y tromper, à celui de son prédécesseur. Même hommage aux fondateurs d’Israël, aux souffrances du peuple juif – avec un passage plus clair pour Hollande sur la responsabilité de la France quand il a évoqué la rafle du Vél d’Hiv – et à son apport à l’histoire de l’humanité. Même allusion au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem et à l’affaire Dreyfus, et même assurance que la France sera « aux côtés d’Israël pour défendre sa sécurité ».
Sur la Palestine, François Hollande a redit la position énoncée par Sarkozy, et qui est celle défendue par la France depuis François Mitterrand : « La position de la France est connue. C’est un règlement négocié pour que les États d’Israël et de Palestine, ayant tous deux Jérusalem pour capitale, puissent coexister en paix et en sécurité. (…) Cet accord n’aura de sens que si la sécurité d’Israël est renforcée. Quant à l’État palestinien, il devra être viable (…) – c’est pourquoi la colonisation doit cesser. »
Devant la Knesset lundi, le président français a voulu éviter de donner l’impression de tenir deux discours de chaque côté du « mur de sécurité » construit par Israël – il s’était rendu à Ramallah quelques heures plus tôt pour y rencontrer le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Mais il a été moins précis que Nicolas Sarkozy. À aucun moment sur le sol israélien, François Hollande n’a mentionné les frontières de 1967 comme base de la négociation – il n’en a parlé qu’à la Mouquataa, siège de l’Autorité palestinienne. Sarkozy, lui, avait dit devant les parlementaires israéliens : « Il ne peut y avoir de paix sans une frontière négociée sur la base de la ligne de 1967 et des échanges de territoires. »
Durant ses deux jours de visite, dimanche et lundi, Hollande n’a pas davantage dénoncé la détérioration constante des conditions de vie des Palestiniens. Son prédécesseur avait affirmé en 2008 : « Il ne peut y avoir de paix si les Palestiniens ne combattent pas eux-mêmes le terrorisme. (…) Mais pas de paix non plus, permettez de le dire, si les Palestiniens sont empêchés de circuler ou de vivre sur leur territoire. » À l’inverse, Hollande s’est rendu à Ramallah, ce que Sarkozy avait soigneusement évité de faire.
Depuis François Mitterrand, tous les présidents français ont eu à cœur de se présenter à la fois comme ami d’Israël et ami de la Palestine. Mais à trop chercher l’équilibre qui lui est si cher, le discours de François Hollande semble dissonant. Car depuis 1982, la situation des Palestiniens s’est considérablement dégradée – le nombre de colons vivant en Cisjordanie dépasse les 300 000 ; le territoire palestinien est découpé en trois zones administratives, dont la plus importante par la surface (la zone C) est de facto sous contrôle israélien, fragmentant les zones palestiniennes qui ne bénéficient d’aucune continuité territoriale ; Jérusalem-Est est elle aussi touchée par la colonisation, au point que le fait qu’elle puisse un jour devenir la capitale de la Palestine semble de plus en plus compromis…
La réalité est de fait tellement déséquilibrée entre les deux parties qu’en appeler en permanence à l’équilibre – comme demander des « gestes forts des deux côtés » – et que jouer le parallélisme jusque dans les formes – Hollande a prononcé quelques mots en hébreu et en arabe, il s’est recueilli devant les tombes de Rabin et d’Arafat – a quelque chose d’absurde. Interrogé à ce sujet à la Mouquataa, aux côtés de Mahmoud Abbas, François Hollande s’en est défendu : « Je ne cherche pas un équilibre, une espèce de parallélisme des formes. Ce que je fais en Palestine, ce que je fais en Israël, c’est être utile. Ce n’est pas simplement évoquer des principes mais être utile. Il ne s’agit pas de faire plus pour les uns ou plus pour les autres, mais de faire plus pour la paix. »
Pour son entourage, Hollande est une nouvelle fois fidèle à son tempérament et à sa pratique politique : pas de coup de menton, pas d’invective publique ni de rapport de force trop évident, mais une négociation patiente et laborieuse. « S’il s’agit de lire la position européenne, ce n’est pas la peine de faire une visite ! Si on est sur notre colline à dire le droit, c’est facile ! Il ne faut pas condamner une des deux parties dans une négociation. Si on veut être écouté, et c’est l’ambition de la France, il y a un certain ton à avoir », s’agace un proche conseiller du président.