L’homme court sur la colline où des flammes se propagent dans la végétation sèche. « Il y a le feu », hurle-t-il en hébreu à l’intention des pompiers israéliens stationnés sur une route un peu plus haut. Mais les pompiers n’interviennent pas et c’est à l’aide de branchages et de grosses pierres que ces agriculteurs palestiniens éteignent l’incendie dans le champ d’olivier. « J’étais en train de cueillir les olives d’un autre champ lorsque j’ai été alerté, raconte Ali Al Loubani, le propriétaire des arbres, on m’a dit que ça brûlait ici, près de la colonie d’Eli ». Pour l’agriculteur palestinien pas de doute : ce sont des colons israéliens qui ont mis le feu. « L’année dernière pendant la récolte, ils ont coupé 20 de mes arbres. Les colons veulent la terre, dit-il, ils ne respectent aucune limite ».
Nous sommes dans le nord de la Cisjordanie et la scène s’est déroulée sous les yeux des militants de YESH DIN, une organisation israélienne de défense des droits de l’homme qui scrute la situation dans les Territoires palestiniens occupés. « Voilà ce qui arrive tous les jours, explique Firas Alani de YESH DIN. Ici nous sommes tout près de la route numéro 60, vous voyez, il y a tout le temps des militaires et des policiers qui passent. Alors s’ils voulaient vraiment empêcher les exactions des colons, ils le pourraient ».
Les militants et l’agriculteur prennent ensuite la direction du village d’Al Louban, où vit Ali, le propriétaire du champ incendié. Là, deux volontaires israéliens de YESH DIN recueillent minutieusement le récit de l’agriculteur. « C’est une déposition, explique Firas AlaniI, je recueille des informations sur ses terres, sur ce qui s’est passé aujourd’hui, sur ce qu’il a fait. Et demain nous l’emmèneront au commissariat pour porter plainte puis nous transmettrons les informations à nos juristes, qui suivront le dossier ».
YESH DIN vient de publier des chiffres accablants : sur 97 plaintes déposées par l’organisation ces 5 dernières années suite à des dégradations de champs d’oliviers attribuées aux colons, aucune n’a été suivie d’inculpation.
Ces actes de vandalisme à connotation idéologique et l’impunité qui les entoure nuisent à la production d’olives en Cisjordanie mais ce secteur doit faire face à d’autres difficultés. « OXFAM considère que la production d’huile d’olive pourrait être multipliée par deux en Cisjordanie », explique Catherine Weibel de l’Organisation non-gouvernementale, qui vient de publier un rapport sur les obstacles divers qui freinent le développement de ce secteur.
Selon OXFAM, il faudrait pour cela que les autorités israéliennes mettent un terme aux agissements de certains colons en Cisjordanie et allège les restrictions à la circulation des biens, tels que les centaines de check-points qui barrent les routes du territoire palestinien. L’ONG estime aussi que les techniques de récolte et de pressage de l’olive palestinienne pourraient être améliorées afin d’en augmenter la quantité et la qualité. Les olives représentent 15 à 20% de la production agricole palestinienne. L’huile d’olive rapporte environ 70 millions d’euros par an aux différents acteurs de cette filière.