Mahmoud Abbas a-t-il eu raison de rencontrer Ehud Olmert ? Certainement.
C’est la responsabilité d’un homme d’Etat de négocier quand il le faut avec ses ennemis. En rencontrant pour la première fois le Premier ministre israélien, le responsable palestinien souhaitait à juste raison relancer la « feuille de route », ce plan international de paix en panne depuis 2003, qui prévoit la création d’un Etat palestinien coexistant pacifiquement avec Israël.
Fallait-il qu’Abou Mazen se réjouisse avec force démonstrations de ce rendez-vous ? A l’évidence, non.
Après avoir reçu de façon ostentatoire samedi le Président palestinien à Jérusalem, drapeaux palestinien et israélien côte à côte, Ehud Olmert a, dès le lendemain, douché les enthousiastes qui croyaient à une miraculeuse relance du processus de paix. Le Premier ministre israélien vient en effet de donner son feu vert à la construction d’une nouvelle implantation dans le nord de la Cisjordanie, pour y héberger d’anciens colons de la Bande de Gaza.
Fait sans précédent depuis 1992 ! Israël revient ainsi sur sa promesse solennelle de mettre un point final à la construction d’implantations dans les Territoires occupés.
Libérez Marwan Barghouti !
Quant aux « engagements » de Tel-Aviv, ils consistent en autant d’effets d’annonces : une enveloppe de 100 millions de dollars sera ainsi transférée directement à la présidence de l’Autorité palestinienne selon un mécanisme qui devrait permettre que ces fonds échappent au Hamas.
Mais ce transfert très politique est tout sauf un don humanitaire : cette somme sera prélevée sur le milliard de dollars indûment bloqué par Israël sur les taxes sur des produits importés en Cisjordanie et à Gaza.
Ces recettes avaient été gelées depuis la formation du cabinet du Hamas, jugé « terroriste » par Tel-Aviv. L’armée israélienne a également reçu l’ordre de démanteler 27 barrages routiers en Cisjordanie « pour faciliter la circulation des Palestiniens ». 27 sur 400 ! Encore faut-il savoir que l’armée israélienne assouplira ces contrôles que si les « conditions de sécurité locale le permettent ».
Enfin, un comité conjoint va réfléchir sur un possible échange de prisonniers palestiniens contre la libération du caporal Gilad Shalit, enlevé le 25 juin aux limites de la bande de Gaza. Indépendamment du sort de ce dernier, Tel-Aviv envisage de relâcher de 20 à 30 Palestiniens à l’occasion de la prochaine fête musulmane de l’Aïd, sur les 10.000 qu’Israël détient.
Mahmoud Abbas aurait été salué en héros s’il avait déjà réussi à obtenir la libération de quelques centaines de combattants palestiniens. Un seul même aurait suffi, et l’on pense, bien sûr, à Marwan Barghouti. Cet ancien secrétaire du Fatah pour la Cisjordanie et responsable de l’organisation Tanzim avait déjà passé de nombreuses années de prison lors de la première Intifada, avant d’être expulsé en Tunisie. Il a de nouveau été arrêté le 15 avril 2002, au cours de l’opération « bouclier défensif » qui a mis en pièces les accords d’Oslo avec la réoccupation israélienne des territoires autonomes palestiniens. Le 6 juin dernier, anniversaire de l’occupation militaire de 1967, Marwan Barghouti est condamné à 5 réclusions à vie, plus 40 ans de prison ! Mais Mahmoud Abbas n’a pas non plus obtenu cette très symbolique libération.
Le président de l’Autorité palestinienne cherchait pourtant une ouverture diplomatique et une reconnaissance de son rôle.
Depuis qu’il a indiqué, le 16 décembre dernier, vouloir convoquer des élections anticipées, Abou Mazen s’est engagé avec son parti, le Fatah, dans une épreuve de force avec le Hamas et le Premier ministre, Ismaïl Haniyeh. Certes, la possibilité de dissoudre l’Assemblée n’est pas tout à fait bordée sur un plan constitutionnel ; il est juste en revanche de faire trancher directement par les électeurs un différent politique majeur et persistant entre deux autorités légitimes, le Président élu de l’Autorité et le Premier ministre désigné par une majorité de députés, eux aussi légalement élus. Reste que le recours à un nouveau scrutin est risqué. Un sondage récent publié par le quotidien Al-Quds confirmait la popularité du Hamas en dépit du siège renforcé des territoires occupés et de l’isolement diplomatique du mouvement islamiste : en cas d’élections présidentielles et législatives anticipées, 49% des sondés ont indiqué qu’ils voteraient pour le Hamas, 29% pour le Fatah.
« Il doit y avoir un horizon politique », a déclaré Ehud Olmert. En annonçant quelques mesures symboliques et très conditionnelles, le Premier ministre israélien était surtout soucieux d’éviter d’éventuelles pressions ou initiatives internationales, alors que la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice doit venir au Proche-Orient, début janvier, pour relancer les efforts de paix avec les Palestiniens.
En fait, Ehud Olmert, après la pitoyable invasion du Liban, montre une fois de plus qu’il n’a pas de stratégie. Le plan Sharon d’évacuation de dizaines de milliers de colons de Cisjordanie et leur regroupement dans des blocs d’implantations n’est plus à l’ordre du jour. Tel-Aviv ne veut pas négocier avec le Hamas, qui parle pourtant de « trêve à long terme », il ne conforte pas pour autant le modéré Abou Abbas. Les mesurettes proposées par Ehud Olmert sont balayées par l’annonce d’une nouvelle implantation en Cisjordanie, ne concernerait-elle qu’une trentaine de familles de colons évacués de la bande de Gaza en 2005.
Olmert, piètre politicien, veut tout à la fois ménager les partis de droite de sa très fragile coalition gouvernementale en durcissant la colonisation et envoyer un signal positif à l’opinion internationale en faisant mine de relancer le processus de paix. Ni les uns ni les autres ne le croiront.