En publiant le 2 février son rapport L’Apartheid commis par Israël à l’encontre des Palestiniens. Un système cruel de domination et un crime contre l’humanité, Amnesty International a frappé fort. Car moins d’un an après le rapport de Human Rights Watch, après le rapport Falk-Tilley, celui des ONG palestiniennes, celui de B’Tselem et celui de l’OLP, il s’agit cette fois d’Amnesty International, mondialement connue y compris du grand public. Son rapport est clair et net : tous les critères qui définissent un régime d’apartheid sont remplis, et c’est l’ensemble du peuple palestinien, dans toutes ses composantes, qui est victime de ce crime contre l’humanité. Le gouvernement israélien et ses soutiens inconditionnels ne s’y sont pas trompés : la violence de leurs attaques contre Amnesty International a montré à quel point cette organisation avait visé juste.
C’est dans le même mois, le 24 février, que la Russie a lancé sa guerre contre l’Ukraine. L’AFPS ne prétend pas avoir la capacité, ni la légitimité, d’en analyser les causes profondes. Mais nous avons clairement condamné l’agression que subit tout un peuple, ainsi que la négation de ses droits et de son existence même au nom de la loi du plus fort. Cette guerre qui se déroule en Europe, aux portes de l’Union européenne, suscite une émotion et une inquiétude légitimes. Elle nous a permis de passer en revue tous les types de sanctions que l’Union européenne est capable de mettre en œuvre dans un temps record : sanctions financières contre des responsables politiques, sanctions économiques et commerciales contre la Russie, blocage partiel des systèmes de paiement internationaux, déplacement de compétitions sportives et bannissement des équipes russes des compétitions internationales.
Les millions de réfugiés qui fuient l’Ukraine en espérant que ce ne soit que pour quelques semaines rappellent aux Palestiniens un passé particulièrement douloureux, et l’absence de toute application du droit au retour des réfugiés palestiniens depuis 75 ans. Et tout en saluant les efforts qui sont faits pour les accueillir, nombre d’organisations d’accueil des réfugiés soulignent la différence de traitement avec les réfugiés d’autres
régions du monde.
Les Palestiniens, qui subissent depuis plus de 70 ans les agressions, les expulsions, la négation de leurs droits et le régime d’apartheid imposé par l’État d’Israël, constatent chaque jour qu’Israël peut continuer à mener sa politique en toute impunité. Les innombrables résolutions de l’ONU restent lettre morte en l’absence de sanction contre l’État d’Israël tant qu’il refuse de s’y conformer. Pour les Palestiniens, comme pour les autres peuples qui partout dans le monde voient leurs droits bafoués
dans le silence le plus total, la situation a un goût amer. Il ne s’agit pas d’entrer dans une forme de concurrence victimaire, ni de nier l’extrême danger que la guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine fait courir à l’Europe et au reste du monde. Il s’agit de porter une cohérence dans l’exigence du respect du droit. Une image me revient, c’était en novembre 2009, à Gaza, quelques mois après la première guerre
de destruction menée par Israël contre Gaza et sa population. Devant une délégation française d’élus départementaux captivés par ses paroles, le directeur adjoint du PCHR, le centre palestinien des droits de l’Homme, concluait ainsi son intervention : « Il faut adopter le rapport Goldstone [le rapport de l’ONU sur les crimes de guerre commis à Gaza, qu’Israël voulait faire annuler], sinon ce sera la loi de la jungle ». Il ne parlait pas que pour les Palestiniens, il parlait aussi pour nous tous.
La défense du Droit ne se divise pas, et cela doit être vrai aussi en France. En reniant devant le CRIF la résolution des Nations unies sur Jérusalem pourtant votée par la France, le président de la République, par la voix de son Premier ministre, a rendu un bien mauvais service à la crédibilité de la politique de notre pays. En prononçant la dissolution de deux organisations de défense des droits des Palestiniens, et en mettant dans les attendus l’appel au BDS et au droit au retour des réfugiés palestiniens, il a porté un nouveau coup à nos libertés associatives, et s’est rendu complice des attaques menées par l’État d’Israël contre celles et ceux qui mettent en cause sa politique.
La défense du Droit, le respect de nos libertés, ne se divisent pas, et c’est aussi le sens de notre combat pour les droits du peuple palestinien.
Bertrand Heilbronn, 19 mars 2022