La pièce unique du bâtiment de l’école du village palestinien d’An Nabi Samwil, près de Jérusalem, sert à la fois de salle de classe pour les huit élèves, de salle des professeurs, de réserve, et de bureau pour le directeur. Pendant les mois d’hiver ou les jours de chaleur l’été, elle fait aussi office de cour de récréation pour les enfants.
« La difficulté la plus grande à laquelle je dois faire face ici, c’est de ne pas pouvoir ajouter quoi que ce soit à notre local » dit le directeur de l’école, Khalil Abu Argu. « Nous n’avons aucun vestiaire ».
L’école dessert les trente familles de ce village pittoresque, qui offre une vue panoramique de Jérusalem et de la Cisjordanie. Mais, problème majeur pour ses habitants, c’est une vraie bataille pour se rendre de l’une à l’autre, parce que le village – avec quinze autres avec lui – se situe côté Jérusalem du « mur de séparation » d’Israël.
Le « mur de séparation », ou barrière, est en construction depuis 2002. Israël prétend qu’il est essentiel pour protéger ses citoyens contre le « terrorisme » palestinien. A Jérusalem, cependant, ce mur n’a pas été construit tout au long de la limite municipale de Jérusalem, ce qui signifie que ces seize communautés palestiniennes sont coupées de leurs familles et des services de base.
Il se trouve aussi que le village d’An Nabi Samwil est en Zone C, où Israël conserve l’autorité militaire et un contrôle absolu sur l’immobilier et les permis de construire. La responsabilité de la fourniture de services incombe à l’Autorité palestinienne (AP), mais à cause du mur, l’AP n’a pas d’accès à la zone.
La plupart des villageois possèdent des cartes d’identité de Cisjordanie et ne sont pas reconnus par Israël comme habitants de Jérusalem. Cela veut dire qu’ils n’ont pas le droit d’entrer dans la ville et que quiconque en Cisjordanie souhaite venir au village, doit avoir l’autorisation israélienne afin de pouvoir passer aux check-points qui l’entourent.
Un autre défi se pose à Argu, qui lui vit à Ramallah, en Cisjordanie. Il travaille à l’école depuis quatre ans. Il lui faut maintenant une autorisation pour passer le check-point d’Al Jib, mais il n’a pas le droit, en direction de Jérusalem, d’aller au-delà de la limite du village d’An Nabi Sawil.
« Ce mur a été monté l’année dernière » dit-il, en montrant la clôture électrique noire qui serpente à travers la vallée en contrebas. « Auparavant, quand la voie était libre, c’était une promenade de 20 minutes à pied pour me rendre à l’école. Maintenant, il me faut une heure et j’ai besoin d’une voiture. »
Les restrictions à l’urbanisation en Zone C conduisent à l’impossibilité de construire de nouvelles structures et d’agrandir les bâtiments existants sans l’autorisation d’Israël. Et aucune autorisation n’a été donnée à l’école d’Argu.
Ordres de démolition
Au contraire, les Forces de défense israéliennes ont publié des ordres de démolition pour les petits cabinets à l’extérieur de l’école et pour une tente qui est utilisée comme salle de classe supplémentaire, cela parce qu’ils ont été montés sans permis. Les soldats israéliens sont venus à l’école plus d’une fois, avertissant que les structures illégales devaient être démontées.
Argu ne renonce pas : « Ils viendront et les démoliront, et moi, je mettrai à la place quelque chose d’autre. J’ai l’intention d’apporter un conteneur de transport à l’école l’an prochain et de le transformer en salle de classe ».
A An Nabi Sawil, le manque d’espace oblige l’école à n’enseigner que les classes de première à troisième. A partir de la quatrième année, les enfants du village doivent aller dans les écoles des villages voisins d’Al Jib et Beit Iksa, et Argu affirme qu’il leur faut plus d’une heure de voiture pour y aller à cause du mur.
Malak, l’une des élèves les plus brillantes d’Argu, âgée de huit ans, est impatiente de commencer la quatrième classe à la plus grande école d’Al Jib en octobre prochain.
« J’aime mon école de maintenant, mais elle est très petite ; il n’y a pas assez d’espace » dit-elle. « Ce serait mieux si nous pouvions avoir des classes différentes pour les différents niveaux. C’est très difficile aujourd’hui, parce que nous devons attendre le professeur qui enseigne trois niveaux différents de leçons ».
« Coupée du reste »
A l’intérieur de Jérusalem-Est, il existe une autre série de problèmes pour l’enseignement. Environ la moitié du système éducatif est géré par la municipalité israélienne, le reste par une combinaison de l’UNRWA (agence des Nations-Unies pour les réfugiés palestiniens au Proche-Orient), d’éducateurs privés et du Waqf, fondation religieuse islamique, laquelle fonctionne essentiellement en lieu et place de l’Autorité palestinienne, à Jérusalem-Est sous contrôle israélien, qui n’est pas en mesure de fonctionner du côté Jérusalem du « mur de séparation ».
Un récent rapport publié par le bureau des Nations-Unies pour la coordination des Affaires humanitaires (OCHA) met en garde contre l’impact à long terme des restrictions à l’accès à l’enseignement à Jérusalem-Est.
Les restrictions aux autorisations, les check-points et le mur, dit-il, impliquent que les élèves, et surtout les enseignants, qui ont des cartes d’identité de Cisjordanie, doivent faire face à des difficultés importantes pour se rendre dans les écoles à Jérusalem-Est qui se trouve de plus en plus coupée du reste du territoire palestinien occupé.
Ray Dolphin, l’auteur du rapport, a déclaré à IRIN qu’une préoccupation majeure concernait la pénurie de salles de classes : « Même à l’intérieur de Jérusalem (de la municipalité de Jérusalem) où les élèves n’ont pas besoin de traverser des check-points pour aller à l’école, il n’y a pas assez d’écoles pour répondre à leurs besoins.
« Et beaucoup des bâtiments qui s’y trouvent n’ont pas été conçus comme des écoles. Les enfants palestiniens qui vivent à Jérusalem ont le droit à l’enseignement, mais actuellement ils n’en ont pas les moyens. »
Malgré les obstacles majeurs auxquels son école est confrontée, Argu est rempli d’enthousiasme : « Je ne suis pas du tout insatisfait par mon travail. Mes élèves travaillent dur, et cela me rend fier et heureux. Ce qui m’amène à encore plus de satisfaction, c’est que j’ai réussi en quelque sorte à développer l’école. Il serait honteux de ma part d’abandonner. »