à tel point qu’il compte plus sur cette opinion
que sur une planification arabe régionale ou palestinienne, considérant
même que l’opinion israélienne est la clef de la solution attendue.
La surévaluation de l’opinion publique israélienne ne se limite pas à
l’attitude officielle du monde arabe et dans une grande mesure à celle
de ses élites, mais elle est devenue une attitude mondiale.
C’est
pourquoi le niveau européen officiel accorde par exemple un poids plus
important à l’opinion publique israélienne et à toute voix israélienne
soutenant un règlement, qu’elles n’en ont, en réalité, même au niveau
israélien. Cette exagération est l’expression d’une incapacité à
avoir de l’influence et d’une décision fondamentale à ne pas prendre des mesures
punitives contre Israël, mais de suivre plutôt une "stratégie de la
négociation", qui n’a pas du tout prouvé son efficacité.
Cette attitude
européenne s’est manifestée par exemple dans le soutien financier et
politique quasi-absolu à l’initiative de Genève et au document de
Genève entrepris par Yossi Bilin.
Au niveau officiel arabe, cette surévaluation s’est traduite par
l’appui des régimes arabes sur l’opinion publique israélienne plutôt
que sur celle de l’opinion publique arabe régionale ou leur propre
opinion publique, qu’ils répriment et essaient continuellement de faire
taire, certains n’hésitant pas à réprimer effectivement, si elles
sont hostiles à Israël et à la normalisation.
L’opinion arabe est
absente ou non utilisée à cause de la faiblesse de l’organisation du
mouvement politique organisé et organisateur des peuples arabes.
Celui qui a le plus influé sur l’opinion publique israélienne sans s’y
adresser mais en imposant une situation de fait est le Hezbollah, en
dirigeant le mouvement national libanais dans le combat pour la
libération du sud du Liban.
L’équation de l’influence sur l’opinion
publique israélienne n’est pas basée sur le fait de la convaincre ou
l’attente d’un changement israélien, mais plutôt sur la création d’une
réalité qui s’impose à l’opinion publique israélienne ou qui rend la
société israélienne et l’Etat israélien incapables de supporter les
différentes conséquences.
L’influence du mouvement de quatre mères de
famille, précédant le retrait contraint israélien du Sud Liban n’aurait
pu avoir cette ampleur s’il avait été en accord avec les calculs de la
sécurité nationale israélienne et sans la réussite du Hezbollah à créer
un équilibre stratégique précis, qui n’avait pas besoin d’égaliser la
force militaire israélienne, se contentant de faire payer à Israël un
prix qu’il ne peut accepter. Une des manifestations de ce prix était
qu’à chaque fois qu’Israël bombardait les positions du Hezbollah et
agressait le Liban, les habitants israéliens de la frontière
abandonnaient massivement leurs lieux d’habitation en direction du
centre du pays ou de Tel Aviv.
Une autre indication de cette situation, est la leçon qu’Israël a
intégrée lors du plan de désengagement et du retrait de l’intérieur de
la bande de Gaza, où le centre de décision israélien a voulu éviter la
répétition de l’expérience du sud Liban, en refusant de donner
l’occasion à la résistance palestinienne de profiter du
bombardement des agglomérations du sud par les roquettes al-Qassam, dont
l’impact politique fut plus important que leur action explosive.
En l’absence d’une stratégie arabe et d’une stratégie palestinienne,
ainsi que des constituants d’un projet politique basé sur une vision
globale, l’opinion publique israélienne comptera de plus en plus, d’une
manière quasi-occulte, comme si elle était salvatrice d’elle-même, du
peuple palestinien et des régimes arabes.
La stratégie dénommée par le
président de l’Autorité palestinienne stratégie de la négociation avec
Israêl, est une voie qui peut avoir des conséquences désastreuses sur
la question palestinienne et notamment sur le droit palestinien.
La
négociation peut être le produit d’une stratégie ou un constituant mais
non en tant que telle, surtout quand la négociation s’appuie
essentiellement sur un rapport de forces entre les parties en conflit
qui négocient, en neutralisant dans une large mesure le constituant
moral et la conception du droit, car elle soumet toute question et tout
droit au mécanisme de la négociation et au rapport de forces, tout
comme elle est soumise à la conception des concessions et des
contreparties, surtout dans des questions où les ayant-droit refusent
des contreparties comme le droit àl’autodétermination et le droit au
retour des réfugiés, ainsi que la fin du projet colonial.
Lorsque la stratégie palestinienne est la négociation, cela implique
pratiquement que les divers courants israéliens se distinguent sur la
manière de négocier dans le cadre d’une unanimité israéélienne conçue
autour de la "sécurité et de la négociation", avec "l’absence" du
partenaire palestinien, où la sécurité dans son sens strict direct et
son sens de sécurité nationale devient le principal axe pour fonder la
politique israélienne et appliquer la stratégie israélienne exprimée
par Sharon, et actuellement par le parti Kadima, qui est la poursuite
des politiques sionistes traditionnelles, soit l’imposition d’une
solution définitive unilatérale.
C’est l’expression d’une faiblesse palestinienne et d’une faiblesse
arabe. A mesure que l’action palestinienne et arabe s’affaiblit,
augmente en puissance chaque voix israélienne de gauche soutenant le
droit palestinien et arabe, même partiellement. Mais ce poids augmente
dans les considérations palestiniennes et arabes et non dans les
considérations israéliennes, au contraire, il devient plus marginal
dans la scène israélienne. Il n’a aucune influence intérieure
israélienne et n’approfondit pas la crise structurelle interne
israélienne, car les constituants de la crise israélienne, au lieu
d’avoir un effet intérieur, trouvent une issue arabe et palestinienne.
C’est l’issue arabe pour Israël qui est le produit de la faiblesse
arabe.
Par contre, d’importantes leçons peuvent être retenues en vice-versa.
Elles affirment qu’à mesure que l’action palestinienne et arabe
résistante et dirigéée augmente, la crise interne israélienne
s’approfondit et agit sur l’opinion publique israélienne, et le poids
des forces isra�éliennes pour la paix augmente sur le plan israélien et
non seulement au niveau palestinien et arabe.
Ce que je veux affirmer ici, c’est que le "mythe" de l’opinion publique
israélienne est changeant, son influence au niveau arabe est liée à la
faiblesse arabe et son influence israélienne est liée au renforcement
de l’action arabe ou palestinienne, mise à part sur les questions
considérées comme des constantes israéliennes qui recueillent
l’unanimité nationale sioniste. Car il est question ici, au niveau
israélien et palestinien officiel, fondamentalement, de la manière
de gérer le conflit et non comment le résoudre.
C’est dans ce cadre que se pose la question du droit au retour des
réfugiés palestiniens dans leur patrie et leurs maisons et propriétés.
Le
droit au retour des réfugiés est une des questions les plus niées dans
l’unanimité nationale sioniste, dans tous ses courants, sans aucune
exception. Aucune divergence entre les sionistes sur son refus.
Le droit au retour est différent de la reconnaissance de la Nakba, et
les deux questions ne sont pas pareilles. Le droit au retrour est
également différent de la reconnaissance de la responsabilité
israélienne dans la création du problème des réfugiés, et nous parlons
du droit au retour et de la résolution du problème des réfugiés par le
retour, et non de "solutions justes", ou "solutions sur lesquelles on
s’accorde", ni même "une solution sur laquelle on s’accorde", car ces
formules soumettent le droit au retour à des négociations basées sur un
équilibre de forces en faveur de l’agresseur, et non en faveur de
l’ayant droit, le peuple palestinien.
La position israélienne, dans tous ses courants sionistes, est
clairement hostile au droit au retour des réfugiés, qu’ils soient hors
ou dans le pays.
L’Etat, ses appareils et institutions nationales
juives ont planifié ce qui empêche structurellement le droit au retour,
et tout recul politique supposé se heurtera avec force à l’Etat, ses
institutions et ses liens avec les juifs du monde, ainsi qu’avec ses
lois et notamment la loi sur le retour, la loi sur la citoyenneté et
les lois sur les terres, la propriété, les modalités et les mesures.
La gauche sioniste, ainsi que les forces de la paix ou les forces
hostiles à l’occupation n’ont jamais abordé la loi sur le retour ni la
loi de la citoyenneté, sauf selon l’angle de la discussion juive
mondiale et israélienne interne sur : "qui est juif ?" soit le conflit
entre les définitions données par le religieux réformiste ou le
religieux fanatique.
Mais la gauche n’a jamais discutéla loi sur la
citoyenneté et le retour à partir de l’angle du droit au retour du
réfugiépalestinien ni même à partir de l’angle des droits de l’homme,
étant donné que ces lois sont racistes.
Des milieux précis dans l’institution académique israélienne et
notamment les courants "post-sionistes" n’appellent pas à l’application
du droit au retour, mais ont commencé à publier sur les crimes commis
par Israël, la purification ethnique en 1948 ainsi que la
responsabilité d’Israël.
Mais cela n’est pas nécessairement une
attitude morale, la meilleure preuve de l’immoralité de cette attitude
étant les déclarations de Benny Morris, connu pour avoir mis à
jour plusieurs crimes israéliens mais qui, l’année dernière et pour la
première fois,a exprimé son attitude personnelle, soit le soutien
aux opérations de purification ethnique commises par Ben Gourion en
tant que stratégie et condition en vue de créer l’Etat des Juifs en
1948.
La seule partie ayant réagi à Morris et à ses recherches historiques
comme si elles étaient une référence morale fut la partie
palestinienne, mais les parties palestiniennes et arabes se sont
également comportées avec Benny Morris en tant que phénomène moral et
ont adopté "la vérité" mise en avant par Morris plus qu’elles n’ont
adopté celle mise en avant par tout historien palestinien ou arabe,
même si la vérité (le massacre) était la même.
Le pari sur la gauche sioniste comme si elle était prête � reconnaître
le droit au retour et son application est une grande illusion.
La
gauche sioniste et le mouvement historique travailliste sont
responsables de la Nakba et de l’expulsion du peuple palestinien et de
l’usurpation de la patrie en 1948. Ils ont mené à l’occupation de la
patrie palestinienne, à sa destruction et à la dispersion de son
peuple. Ils sont responsables de la tentative de camoufler les traces
de leurs crimes historiques, ils sont responsables fondamentalement de
l’occupation en 1967 du reste de la Palestine historique. Ils sont les
auteurs de la stratégie démographique avec toutes ses conséquences
depuis la Nakba en 1948 jusqu’au plan de "développement du Naqab et de
la Galilée", plan raciste et colonial de l’an 2006.
Est-ce que la
gauche est prête à abandonner les avantages matériels, moraux et
politiques qu’ elle a acquis parce qu’elle est juive et que l’on lui a donné
l’Etat des Juifs fondé sur les ruines du peuple palestinien qui a été
expulsé et dont les richesses ont été pillées et confisquées au profit
des Juifs et de l’Etat des Juifs ?
Parier sur la gauche israélienne est une illusion dans le contexte du
droit au retour.
La stratégie palestinienne doit s’appuyer, pour sa
référence, sur le droit international, la légalité internationale et le
droit à l’autodétermination, d’une part et sur la capacité et le droit
du peuple palestinien à dire "non" à toute alternative au droit au
retour et tout règlement qui n’inclut pas ses droits.
La gauche sioniste
n’est pas l’alliée à ce propos et la question n’est pas une question de
mésinterprétation ou une nécessité de s’entendre ou de convaincre.
La
question est au centre du conflit national en Palestine. Tout comme la
question avec l’opinion publique israélienne n’est pas dans la manière
de n�éocier du côté palestinien, mais le contenu de l’action du peuple
palestinien, et la définition de la nature de la période et la nature
du droit au retour. La nature du droit au retour et la bataille pour le
réaliser n’entrent pas dans le cadre de la construction d’un Etat sur
la base de deux Etats, mais dans le cadre d’un processus de libération
nationale palestinienne et le retour des fils du peuple palestinien.
Ce qui signifie que la lutte pour le droit au retour est d’abord un
message palestinien interne et un message au monde pour lui faire
assumer ses responsabilités, un message au monde arabe et un message à
Israël disant que le droit au retour ne peut être abandonné, qu’il ne
peut y avoir de fin au conflit israélo-palestinien, et que la solution
des deux Etats ne garantit pas la résolution du constituant principal
du conflit, qui est le droit au retour.
Pour influer sur l’opinion publique internationale, les Palestiniens
n’ont pas intérêt à limiter le conflit ou tout constituant du conflit,
y compris celui des réfugiés ou les Palestiniens de 48, au cercle
régional israélo-palestinien, ou à accepter la parcellisation de la
question palestinienne comme s’il s’agissait de questions non liées, et
c’est ce que refuse la gauche sioniste tout autant que la droite.
Le pari principal doit être sur le peuple palestinien, avec toutes ses
composantes, et seule la force du peuple palestinien, sa lutte de
libération soutenue au niveau arabe et international peut assurer la
possibilité de faire bouger la position israélienne et l’opinion
publique locale incluse. Sans cette vision palestinienne globale et
l’adoption de stratégies garantissant l’avancée pour sa réalisation,
l’opinion publique israélienne et l’attitude de la gauche seront un
simple mythe aux yeux des Arabes et stériles dans la réalité
israélienne.
Le pari réel n’est pas de convaincre l’opinion publique israélienne
mais d’imposer un état de fait basé sur la volonté du peuple
palestinien et faisant du droit au retour le constituant fondamental
dans le coeur du projet de libération palestinien, qu’il est nécessaire
de formuler à nouveau sur la base du droit palestinien usurpé.