Gaza ne possède pas grand chose, mais elle est située au bord de la Méditerranée. Les gens se reposent souvent sur le sable le soir.
Des enfants jouent et les hommes fument une chicha, un narghilé.
Mais pendant la journée les plages sont des lieux de travail.
Les hommes, une dizaine environ, ramenaient un grand filet. Au début les flotteurs se trouvaient à moins de deux cents mètres au large.
Je pouvais voir, à la façon dont leur dos se tendaient, que c’était un travail dur.
Quand ils ont ramené le filet sur la plage, leur prise c’était un tas d’algues vertes et un demi seau de sardines minuscules qu’ils pensaient pouvoir vendre pour 50 shekels, moins de 10 euros.
Entre 12 hommes ça fait environ 90 US cents (85 centimes d’euro) chacun pour une heure de travail.
Si l’on considère la pauvreté catastrophique [1] et la culture de violence après presque 40 ans d’occupation militaire israélienne, c’est incroyable, le nombre de gens qui rient et sourient à Gaza.
Mais il y avait encore moins de quoi sourire cette semaine.
Les sanctions financières mises en place par les Américains, les Européens et Israël après l’élection du Hamas au gouvernement palestinien commencent à faire vraiment mal.
Les hôpitaux ne peuvent pas traiter leurs patients comme il le faudrait parce qu’ils ne peuvent pas acheter les médicaments ou le matériel de base, comme le sparadrap pour attacher les pansements, perfusions ou autres.
Comme d’autres journalistes ces dernières semaines, l’équipe de la BBC a visité le plus grand hôpital de Gaza.
Ca n’a pas été difficile de trouver des enfants dont la vie allait être courte en danger parce qu’ils n’ont pas de dialyse, un homme que le cancer tuait parce qu’il ne pouvait pas être transféré en Israël pour y être soigné, ou des médecins et des infirmières qui doivent venir à pied au travail parce qu’ils n’ont plus de quoi prendre le bus, n’étant pas été payés depuis la mi- mars.
L’un des médecins a vu trop de journalistes étrangers. « Vous venez ici et faites ce reportage » dit -il « et rien ne change. A quoi ça sert ? ».
Je lui ai demandé s’il avait vu un signe quelconque des biens d’urgence promis par Israël et les Etats unis qui disent ne pas vouloir la souffrance des Palestiniens. Il n’avait rien vu, et la souffrance est là, à cause de la décision d’arrêter l’aide financière.
Témognage d’un envoyé spécial du Figaro le 11 mai :
Depuis l’arrêt de l’aide internationale, les hôpitaux du territoire palestinien manquent de médicaments et de matériel pour soigner leurs patients.
HOSPITALISÉ d’urgence il y a deux semaines pour une leucémie, Mohmin Abou Amra s’est retrouvé, malgré lui, en première ligne du boycottage imposé par la communauté internationale au gouvernement du Hamas. Faute de médicaments, ce garçonnet de 14 mois doit interrompre sa chimiothérapie. Ses jours sont en danger, comme ceux de centaines d’autres patients dans la bande de Gaza. Leur état de santé se dégrade, faute d’avoir accès à des soins médicaux adaptés.
Le système de santé ne tient plus qu’à un fil dans ce territoire, où vivent un million trois cent mille Palestiniens. La suspension de l’aide financière internationale se conjugue avec les bouclages répétés des points de passage avec Israël qui, d’ordinaire, permettent de faire transiter les médicaments et les patients. Selon plusieurs organisations internationales non gouvernementales, l’ensemble du système de santé des territoires est menacé d’effondrement par les sanctions imposées au gouvernement formé par le Hamas. Car les hôpitaux publics, qui dépendent largement de l’aide internationale, fournissent 77% des soins médicaux aux Palestiniens.
Le petit Mohmin a effectué son premier cycle de chimiothérapie il y a une quinzaine de jours. L’hôpital pour enfants Nasser n’a plus de médicaments pour poursuivre son traitement. « Le prochain cycle était prévu dans cinq jours, explique le docteur Awad Halloul, chef du service d’oncologie. Si le protocole est appliqué strictement, Mohmin a 70% de chances de s’en sortir. Mais chaque jour passant, ses chances de survie se rapprochent de zéro, car il n’y a aucun médicament à l’horizon. »
Israël et le Quartette pour le Proche-Orient (Etats-Unis, Union européenne, Russie, ONU) ont suspendu les transferts de fonds vers l’Autorité palestinienne, espérant ainsi pousser le Hamas à renoncer à la violence et à reconnaître l’existence d’Israël. « Comment peut-on utiliser la vie de nos enfants pour faire pression sur le Hamas, s’insurge Houda, la mère de Mohmin. C’est inhumain. Ceux qui nous infligent cela sont des animaux. »
Une douzaine d’enfants souffrant d’un cancer sont dans la même situation que Mohmin à l’hôpital Nasser. « Nous avons épuisé nos stocks de médicaments, pour appliquer certains protocoles de chimiothérapie. Nous n’avons plus de médicaments pour traiter l’hémophilie. Nous n’avons plus d’atropine. Nous sommes à court d’antibiotiques », énumère Abdoulrahmane Issa, le directeur de l’hôpital. « Non seulement nous n’avons plus d’argent pour renouveler les stocks, parce que le ministère de la Santé est au bord de la banqueroute, mais la plupart de ces médicaments sont introuvables dans la bande de Gaza en raison de la fermeture du point de passage de Karni. Nous essayons de transférer les cas les plus sérieux en Israël. Mais les permis sont délivrés au compte-gouttes. »
A l’hôpital Chifa, principal établissement de la bande de Gaza, quatre patients souffrant d’insuffisance rénale sont décédés en avril faute de médicaments et de matériel médical. Chifa traite quelque 200 patients sur les 600 cas d’insuffisance rénale que compte le territoire. « Nous avons dû réduire la fréquence des dialyses de trois à deux fois par semaine, explique le docteur Jouma Sakka, porte-parole de l’hôpital. Les toxines s’accumulent. Nous manquons de médicaments pour traiter les complications. Nous manquons d’aiguilles, de bandages, d’anesthésiants. » Dans les salles de dialyse, les patients hurlent de douleur parce qu’ils n’ont plus de traitement contre les allergies au sang. A bout de forces, ils se plaignent de ne plus recevoir d’injections d’hormones, de fer et de vitamines et se traînent dans les couloirs de l’hôpital. A l’inverse, les infirmières courent de salle en salle à la recherche d’un pansement ou d’une aiguille, objets de plus en plus difficiles à trouver.
Le personnel médical, qui n’a pas été payé depuis deux mois, avoue être à bout de force. « Je n’ai plus d’argent pour payer le taxi, alors je fais 15 kilomètres à vélo tous les matins et tous les soirs pour aller au boulot, raconte le docteur Ayman Sissi, chef du service de dialyse. Je n’ai pas été payé depuis deux mois. Chaque jour, je dois aussi me soucier de trouver à manger pour mes onze enfants. Je ne sais pas combien de temps je peux tenir ainsi. » Les services d’oncologie et de cardiologie connaissent les mêmes problèmes. « Le service d’oncologie compte 300 patients, mais nous sommes à court de médicaments pour les chimiothérapies, poursuit le docteur Sakka. Nous avons dû cesser les opérations programmées. Seules les urgences fonctionnent encore normalement. »
Patrick Saint Paul
Il y a à Gaza un autre problème de taille, et c’est la lutte pour le pouvoir entre les hommes armés du Fatah et du Hamas, les deux principaux groupes palestiniens.
Presque tous les jours il y a des tirs et des gens se font tuer.. La question est de savoir si cela va dégénérer en guerre civile.
Je ne le crois pas pour le moment , tant que le niveau de violence est bas. Mais si des incidents sérieux, comme l’assassinat de gens importants, avaient lieu, cela pourrait devenir beaucoup plus violent.