« Le processus diplomatique en cours n’empêchera pas la poursuite des actions militaires contre le Hezbollah », c’est ce qu’a affirmé dimanche le premier ministre israélien en réaction aux visites des responsables européens et à la tenue d’une réunion internationale à Rome sur le Liban. De son côté, le général Udi Adam, commandant de la région militaire nord d’Israël a estimé dimanche que l’offensive israélienne au Liban déclenchée le 12 juillet contre le Hezbollah se poursuivra « plusieurs semaines ». « La victoire signifie, à mes yeux, que le Hezbollah ne soit plus présent sur la ligne de contact (à proximité de la frontière israélo-libanaise) et n’ait plus la capacité de tirer des roquettes », a-t-il ajouté. Ce dernier a estimé que l’armée avait besoin de deux semaines pour mener sa mission à son terme. L’armée a occupé le village frontalier de Maroun Al-Ras après 4 jours de combat et a pris position, lundi, sur deux collines qui surplombent la ville de Bint Jbeil, qui abrite le commandement militaire local de la formation chiite.
Il paraît donc très tôt d’évoquer un dénouement de la crise libano-israélienne. En effet, si l’objectif affiché par Israël est la libération des soldats capturés et l’arrêt des tirs de missiles, d’aucuns ne doutent pas que l’enjeu est beaucoup plus grand. Israël, soutenu par les Etats-Unis, essaye de saisir cette occasion pour en finir avec le Hezbollah, qu’ils considèrent comme une organisation terroriste, et pour réduire l’influence de la Syrie et de l’Iran, les deux bêtes noires de Washington.
Selon Israël, l’accentuation de la pression militaire finira par payer, et rééditer le scénario de 1982, qui avait permis d’expulser l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et son chef, Yasser Arafat, du Liban.
Or, ce dont rêvent les Israéliens est irréalisable et ce pour deux raisons. D’abord parce que le contexte actuel, tant militaire que politique, n’a rien à voir avec celui de 1982, et ce parce que le Hezbollah est un parti libanais. Ensuite, envisager un exil de Hassan Nasrallah, chef du mouvement islamiste, hors de son pays serait inacceptable par l’opinion et les forces politiques libanaises. De plus, l’un des objectifs majeurs de cette offensive militaire israélienne - faire basculer une partie de la société libanaise contre le Hezbollah - n’a pas donné pour l’heure les résultats escomptés : les Libanais ne sont pas tombés dans le piège de la division fratricide.
Pour le moment, l’Etat hébreu cherche à réaliser son but et rejette toute négociation avec le gouvernement libanais ou le Hezbollah pour un échange de prisonniers.
Ce refus est intervenu alors que des responsables libanais ont appelé à des négociations indirectes pour un échange de prisonniers. Le président du Parlement, Nabih Berri, a assuré que le Hezbollah avait « accepté que ce soit le gouvernement libanais qui négocie, par l’intermédiaire d’une tierce partie, un échange de prisonniers », avec Israël. Ce dernier exige leur libération sans condition.
Bien plus, Israël continue de s’opposer fermement à un cessez-le-feu inconditionnel. Israël dispose du soutien de Washington dans ses opérations militaires au Liban et n’est pas prêt à se plier aux demandes européennes et de l’Onu d’un cessez-le-feu.
Preuve de l’appui américain, l’Administration américaine a souligné, par la voix de la secrétaire d’Etat américain Condoleezza Rice qui était à Beyrouth lundi, avoir posé comme préalable à un cessez-le-feu, un retrait du Hezbollah au-delà du fleuve du Litani (à une vingtaine de kilomètres du nord de la frontière libano-israélienne) et le déploiement d’une force internationale dans cette zone.
En revanche, le Liban revendique l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu, au préalable, suivi d’un échange de prisonniers entre le Liban et Israël, puis du retour des réfugiés qui ont fui le Sud-Liban, avant de discuter d’un plan d’ensemble du règlement du conflit entre le Liban et Israël.
Néanmoins, cette réclamation libanaise va à l’encontre des positions européennes qui s’intéressent plutôt à la question du désarmement du Hezbollah. Le ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, a estimé qu’un cessez-le-feu au Liban et la mise en place d’une force d’interposition ne pouvaient intervenir que si certaines conditions politiques étaient remplies. Selon lui, il faut demander un cessez-le-feu mais, ce dernier nécessite tout d’abord le désarmement du Hezbollah.
Il faut que « les conditions politiques soient acceptées par les deux parties. Si vous n’avez pas un gouvernement libanais dans son ensemble qui demande un cessez-le-feu et qui permet un déploiement de l’armée libanaise dans le sud, alors vous n’aurez rien », a affirmé M. Douste-Blazy.
Une conférence pour réduire la violence
Ces différents appels au cessez-le-feu sont suivis de la tenue, ce mercredi à Rome, d’une conférence internationale sur la situation au Proche-Orient. Cette conférence est consacrée aux moyens d’obtenir un cessez-le-feu et au déploiement éventuel d’une force multinationale au Liban.
Terje Roed-Larsen, chargé des questions syro-libanaises, a déclaré que cette conférence rechercherait la réduction des violences au Liban et en Israël en cherchant de solides bases politiques.
Personne ne sait encore ce qu’une force de stabilisation, si elle venait à être déployée au Liban, serait appelée à faire : désarmer les miliciens du Hezbollah ou n’intervenir qu’après la fin de l’offensive israélienne en renforçant la Force intérimaire des Nations-Unies déjà présente au Sud-Liban (FINUL).
Des sources à l’Onu ont déclaré que la France et la Turquie seraient pressenties pour diriger cette force tandis que l’Italie, la Grèce et le Brésil se sont dits prêts à y participer.
Par ailleurs, Israël a comme les Etats-Unis fait part de son accord pour l’envoi dans la région d’une force de l’Otan. Le premier ministre israélien Ehud Olmert s’est dit quant à lui favorable au déploiement d’une force militaire européenne au Liban. Selon M. Olmert, le mandat de cette force « devra obligatoirement comprendre le contrôle des points de passage entre la Syrie et le Liban, son déploiement au Sud-Liban et un soutien à l’armée libanaise ». Elle devra aussi participer au démantèlement du Hezbollah, stipulé par la résolution 1 559 de l’Onu.
Ceci dit, les observateurs s’attendent à ce que cette conférence opte pour plus de pression sur le Hezbollah plutôt que sur Israël, comme à l’habitude ... .