Pour apprécier l’évolution de la situation, elle a rencontré plusieurs composantes de la société civile palestinienne et israélienne et plus particulièrement les organisations syndicales.
« La situation n’a guère évolué ces 6 derniers mois... l’optimisme qui apparemment règne en Europe n’a aucune base réelle ... »
Tel est le constat qui est fait par les organisations de la société civile palestinienne ou israélienne que nous avons rencontrées (syndicalistes, ONG, partis politiques,
mouvements anti colonialiste...).
Les espoirs de voir s’instaurer une paix réelle et juste semblent toujours hors de portée à tel point qu’un réel doute s’est installé sur la perspective d’une coexistence de 2 Etats.
Si pour des raisons économiques et politiques (image positive sur la scène internationale, réduire l’impact de l’Avis de la Cour Internationale de Justice et du vote en faveur de l’Assemblée des Nations Unies... [1]) le gouvernement de Sharon s’est engagé sur le retrait de l’armée et des colonies sur la bande de Gaza, la construction du mur et l’implantation de nouvelles colonies s’intensifient en Cisjordanie.
Le cycle de la violence reprendra prochainement craignent à la fois les responsables de la société civile palestinienne et les militants anti colonialistes israéliens.
La présence militaire et policière israélienne reste particulièrement visible, notamment à proximité des check- points qui sont devenus de véritables « institutions » (hangars avec tourniquets commandés électriquement...).
Pendant notre séjour (le 02 mai) une incursion de l’armée
israélienne dans un village proche de Tulkarem a fait 2 morts : un Palestinien et un soldat israélien
La logique du Mur : celle de la colonisation.
L’ouvrage qu’Israël présente comme une simple "clôture de sécurité" ne longera la ligne verte de la frontière d’avant juin 1967 que sur 11 % de son tracé total de 680 kilomètres.
C’est donc un mur d’annexion qui empiète toujours sur le territoire de la Palestine et jamais sur celui d’Israël. Un grignotage méthodique, englobant réserves d’eau, terres fertiles et colonies du côté israélien de la barrière
et annexant de fait Jérusalem-Est. Même au coeur des terres palestiniennes, loin de la frontière délimitant selon le droit international les deux nations, des îlots israéliens bénéficient désormais d’une clôture de même type.
En plus des milliers de maisons détruites et d’hectares confisqués pour la construction du « mur de l’horreur » les dégâts économiques et sociaux pour les Palestiniens sont considérables :
– 97 % de la population est confinée dans 70 enclaves. 605 obstacles (check-points, routes coupées, fossés...) barrent l’accès des villes et des villages.
– les terres agricoles sont confisquées, la distribution de l’eau est sous contrôle israélien, la production des fruits, légumes et olives est dans les mains des firmes agro- alimentaires israéliennes.
– Les restrictions de circulation ont fait grimper le taux de chômage qui avoisine les 65% en Cisjordanie et atteint plus de 80% de la population active dans la bande de Gaza. Pour pallier à ce manque de main-d’œuvre, les Israéliens ont fait appel massivement à une main d’œuvre asiatique.
– la majeure partie de la population palestinienne (72%) vit sous le seuil de pauvreté avec moins de 2 $ par jour
– les enfants sont contraints d’abandonner les études pour prendre « des petits boulots ». Ils sont près de 400 000 de moins de 14 ans dans cette situation.
De profondes réformes annoncées en Palestine
En mettant le phare sur les difficultés du retrait de la bande de Gaza, Sharon (comparé à De Gaulle en Israël) répand un épais brouillard sur tout le reste de la situation, n’ayant pas renoncé à la stratégie qui consiste à gagner le maximum de terrain avec le moins de Palestiniens possible.
Un puissant débat s’est instauré dans la société palestinienne concernant la stratégie à adopter :
– l’entrée dans le processus de négociation de « la feuille de route » -jugée comme un compromis très proche des projets du gouvernement israélien - qui fait abstraction de nombreuses questions (mur, statut de réfugiés, souveraineté...)
– ou l’intensification d’une politique de dénonciation de la stratégie israélienne. Dans le même temps la recherche de nouvelles formes de résistance non violente et populaire à l’occupation et au mur.
Tant du coté de l’Autorité Palestinienne que du syndicat PGFTU, de profondes réformes structurelles sont annoncées en vu de répondre à une meilleure démocratisation de la société.
Des élections législatives (en juillet) devraient donner un parlement plus jeune et féminin pour engager de profondes réformes de tout le secteur public et répondre aux problèmes de la sécurité des populations.
Coté syndical, la division est réelle. A l’occasion du 1er mai, le Hamas a annoncé son intention de créer un syndicat. Hassan Barghouthi, est le président d’une Association pour les droits des travailleurs (DWRC - Centre pour la démocratie et les droits des travailleurs).
La PGFTU - organisée dans 14 districts- reconnaît de sérieuses difficultés tant organisationnelles que dans son activité quotidienne : au chômage massif, à la petitesse des entreprises (quasi aucune firme de renommée internationale n’est présente sur le sol palestinien) s’ajoute un droit du
travail complexe (législation palestinienne mais aussi israélienne et jordanienne). Outre des négociations ouvertes avec le gouvernement portant sur la gratuité des soins médicaux et de l’enseignement, l’essentiel de l’
activité du syndicat consiste à la redistribution aux familles des différentes aides collectées.
Tiraillé par différents courants liés à l’ Autorité palestinienne, la PGFTU devrait tenir un congrès en mai 2006 et adopter de profondes modifications statutaires touchant l’ensemble des niveaux de la centrale syndicale (des élections à niveau local ont déjà commencé).
Les relations entre les syndicats palestiniens et israéliens jugées « difficiles » (PGFTU)ou « excellentes » (Histadruth [2]) bloquent sur le reversement des cotisations sociales perçues par l’Histadruth depuis 1995 sur les paies des salariés palestiniens en Israël alors qu’ils sont exclus du système de protection sociale israélien. Un nouvel accord proposé par Histadruth récemment à Bruxelles, au PGFTU, n’a pas été signé par ce dernier qui veut pouvoir le discuter en interne et réclame un positionnement clair d ’ Histadruth concernant les dégâts sociaux que subissent les travailleurs du
fait du mur, du manque de liberté de mouvement, etc..
La question du boycott, désinvestissements et des sanctions
« Pourquoi un boycott sur Israël, et pas sur la Grande Bretagne ou l’Italie qui occupent l’Irak ? » « Pourquoi commencer justement par les universités et pas par les représentations officielles de l’Etat, ou les consortiums
économiques ? » « Faut il pointer nommément les professeurs ? » « La distribution de la production palestinienne passe par des firmes israéliennes ; de plus les produits agricoles qui constituent une partie importante de la production des colonies sont habituellement mélangées avec des produits d’Israël. Ainsi, il est presque impossible d’en localiser l’origine exacte. » :
La question du boycott, désinvestissements et sanctions, comme action pour imposer le respect du droit et de la légalité internationale, n’est pas tabou dans les milieux pacifistes et anti colonialistes israéliens mais elle
fait débat sur sa portée réelle et son efficacité.
Du coté palestinien chrétien on nous a fait part d’un appel aux investissements moralement responsables, comme forme de résistance non violente à l’occupation.
Par contre, tant du côté des anti colonialistes israéliens que du coté palestinien, tous se sont accordés pour dire que l’Union européenne dispose d’un moyen de pression pour pousser le gouvernement israélien à respecter le droit international : l’accord d’association UE-Israël. Entré en vigueur en 2000, cet accord vise le développement du libre-échange avec des tarifs préférentiels pour Israël, le renforcement de la coopération et l’instauration d’un dialogue politique régulier entre les parties ; il se base
sur le respect des droits de l’Homme et des principes démocratiques.
Or, la clause relative à l’obligation du respect des droits humains (par. 2), est systématiquement violée par Israël [3]. La suspension de l’accord d’association constitue donc le levier privilégié permettant à l’Union européenne et aux Etats membres de réaffirmer leur position, de faire pression contre la construction du mur et l’occupation des Territoires palestiniens.
La mobilisation syndicale et plus largement celle du mouvement social en Europe, dans chacun des Etats signataires, doit se poursuivre pour expliquer la stratégie destructive israélienne (désengagement de la bande de Gaza +
mur + élargissement des colonies en Cisjordanie), mobiliser les populations et pousser les institutions et forces politiques à prendre position contre un processus de construction d’un système d’apartheid qui s’oppose au droit
international et aux droits nationaux des Palestiniens.