Pour de nombreux Palestiniens, c’est du déjà-vu . La toute dernière trêve, déclarée le 25 novembre par le Président Mahmoud Abbas, ressemble à un écho d’un lieu et d’un moment déjà visités et plusieurs fois même...
Alors que toutes les parties concernées,- le gouvernement, les groupes politiques et le peuple- expriment un optimisme prudent en se demandant si cette fois la trêve fragile va tenir, les expériences passées sont de bons indicateurs des événements à venir, surtout quand les principaux points d’achoppement n’ont pas bougé d’un pouce.
La trêve intervient après des semaines et des semaines de féroces attaques israéliennes contre la bande de Gaza. Des centaines de Palestiniens ont été tués ces derniers mois, des dizaines de maisons démolies, de vastes étendues de terre arasées et des dégâts énormes infligés aux infrastructures en conséquence des opérations militaires israéliennes dans la Bande.
Il y a à peine plus d’une semaine, les groupes palestiniens ont offert une trêve à Israël, appelant à un cessez-le-feu mutuel -à savoir, les Palestiniens arrêteraient les tirs de roquettes artisanales sur Israël si l’armée mettait fin à ses incursions dans la Bande de Gaza. Israël avait immédiatement répondu par la négative, jurant de continuer ses opérations jusqu’à ce que les Palestiniens déposent les armes.
Aussi cette nouvelle trêve a bien sûr un peu surpris tout le monde. Abbas, pourtant incapable de s’entendre avec le Hamas sur la formation d’un gouvernement d’unité nationale, a néanmoins réussi à rassembler tout le monde dans l’intérêt de la sécurité nationale. Même le Premier ministre israélien Ehud Olmert, peut-être échaudé par l’échec de sa politique d’abord au Liban puis dans la Bande de Gaza, a accepté cette trêve de manière différente.
Donc, pour le moment, le cessez-le-feu est en place dans la Bande de Gaza -on ne comprend toujours pas pourquoi la Cisjordanie en est exclue- et les Palestiniens ont promis de ne plus tirer de roquettes Qassam sur Israël, et de plus mener d’attentats- suicide ou d’attaques contre des cibles israéliennes, tandis qu’Israël s’est retiré de toutes les zones de la Bande de Gaza. De plus, Abbas a ordonné le déploiement de 13 000 hommes des forces de la Sécurité nationale le long de la frontière de Gaza avec Israël afin de permettre l’application de la trêve.
Le Président a aussi annoncé que quiconque violera l’accord sera dûment arrêté. A part un incident quelques heures après le début de la trêve, où des roquettes ont été tirées contre Sderot, tout est calme sur le front de Gaza [1].
Oui, mais la question -clé c’est ‘ pour combien de temps’ ? Pendant les 6 années d’Intifada, il y a eu plus d’une trêve mise en place entre Israéliens et Palestiniens, qui se sont toutes délitées au bout de quelques semaines, de jours parfois. La trêve arrive déjà à la limite dangereuse où elle peut se défaire. Le matin du 27 novembre, dans la ville de Qababitya en Cisjordanie, les forces israéliennes ont tué Mahmoud Bakr, 22 ans, membre des Brigades Naser, la branche militaire des Comités de Résistance populaires. Pour conclure son opération, l’arméee israélienne a aussi tué Fatimeh Nazzal, 55 ans, qui essayait, semble-t-il, de sauver Bakr, frappé par plusieurs balles. Mas les soldats ont ouvert le feu sur Fatimeh Nazzal alors qu’elle portait secours à Bakr qui se vidait de son sang.
Bien que, au sens strict, la trêve ne concerne pas la Cisjordanie, on sait bien que les événements dans les Territoires palestiniens ne sont pas déconnectés les uns des autres. Le peuple palestinien, déjà globalement séparé, entre ceux qui sont en Israël et ceux de la Diaspora, des camps de réfugiés, est déterminé à ne pas laisser Israël diviser ceux de Cisjordanie et ceux de Gaza. Pour lui, ce qui se passe dans la Bande de Gaza est également applicable à la Cisjordanie et vice versa.
Si bien que, si Israël a le projet de calmer la direction palestinienne en atténuant un peu et temporairement son joug sur les Gazaouis, mais pour s’abattre sur la résistance en Cisjordanie, cette trêve ne sera pas différente des précédentes.
Déjà les dirigeants du Jihad islamique ont incité tous les groupes palestiniens à ne pas accepter la trêve si elle ne s’applique pas à la Cisjordanie et ils préviennent qu’il ne faudra pas accuser le Jihad des opérations de représailles qu’il mènerait après des attaques israéliennes.
Il semble que l’opinion publique soit aussi très méfiante quant aux possibilités d’un calme de longue durée.
Un sondage rapide effectué sur le site Internet de Ma’an news indique que 51.8% des participants pensent que la trêve ne tiendra alors que 25.8% disent qu’elle tiendra.
Il paraît évident que la seule façon pour que cette initiative dure un jour de plus, c’est que soient fermement mises en place des garanties en béton qu’Israël ne rompra pas la trêve au nom de sa guerre contre « la terreur ». Dans le passé, Israël a assassiné des militants palestiniens alors qu’une trêve était en cours, sous prétexte de « sécurité ».
Par ailleurs, la violence de l’occupation ne se manifeste pas seulement par des assassinats, des incursions ou des démolitions de maisons. En Cisjordanie en particulier, la construction du Mur d’Apartheid continue et des centaines de check- points militaires israéliens empêchent le mouvement et gâchent la vie de centaines de milliers de Palestiniens chaque jour, tandis que 10,000 prisonniers politiques palestiniens continuent à croupir dans les prisons israéliennes.
Si on ne traite pas sérieusement ces problèmes, tout le monde -Israël, les Palestiniens et la communauté internationale- sait qu’on n’attendra pas longtemps un nouveau raid israélien ou une nouvelle incursion et la contre attaque des Palestiniens, au nom de ceux qu’ils ont perdus et de la terre qu’ils continuent à défendre.
Jamil, 15 ans, assassiné à Naplouse par des soldats israéliens, dimanche 3 décembre 2006.