La semaine dernière, les Palestiniens citoyens d’Israël ont fait la une des journaux par la grâce d’un document fondamental rédigé par un groupe d’intellectuels et de militants arabes. Une quarantaine de militants, dépassant leurs désaccords, ont participé à la préparation du document et formulé la « Vision future des Arabes palestiniens en Israël ». C’est le premier document collectif rédigé par des personnalités de tout l’éventail politique des Palestiniens en Israël : des membres des partis Hadash, Balad, du mouvement islamique, des villageois et des adhérents aux partis sionistes. Ce document exprime, au plus près de la réalité, les revendications des Palestiniens en Israël.
Côté juif, une partie des réactions ont été de colère. Certaines personnalités sont allées jusqu’à présenter le document comme un élément du processus de détachement de la communauté palestinienne d’Israël d’avec l’Etat et sa majorité juive. Les faiseurs d’opinion, pour une partie d’entre eux, n’ont pas considéré dans un esprit pragmatique les revendications avancées dans le document. Il semble bien qu’au moins certains n’ont pas pris la peine de lire le document et se sont nourris de titres lourds de menaces, lus dans la presse.
Qu’y avait-il dans le document ? Les Palestiniens en Israël et leurs dirigeants communautaires font connaître leurs revendications. Ils ne cachent rien et adressent une demande claire et objective de citoyenneté pleine, entière, et égale. Pour le dire simplement : ils prennent leur citoyenneté au sérieux. Le document présente une revendication d’intégration, d’égalité et de loyauté dans le cadre israélien et non en dehors de celui-ci. Il n’y a pas ici de demande d’abrogation de l’existence d’Israël ni de demande de règlement autre que celui admis aujourd’hui par la majorité des Juifs et des Arabes : deux Etats, Israël et Palestine. Nous avons des revendications à adresser à l’Etat, parallèlement au fait que nous remplissons toutes les obligations qu’il nous a été demandé de remplir.
Les Palestiniens en Israël ont mis en avant, dans ce document, un ensemble raisonnable et reconnu de revendications des groupes minoritaires, selon les normes internationales. Ce sont des « exigences minimales » de minorités autochtones. Le groupe minoritaire, qui est le groupe autochtone, revendique l’égalité sur sa terre, dans sa patrie. Il ne demande pas qu’on déménage la majorité immigrée, mais revendique un traitement équitable de la part de l’Etat.
Revendiquer que l’Etat se « reconnaisse comme patrie commune de ses citoyens arabes palestiniens et juifs », est-ce là une revendication extrémiste ? Ou n’est-ce pas précisément le fait d’exiger des Arabes qu’ils renoncent à cela qui est extrémiste ? Revendiquer qu’il soit mis fin aux mesures adoptées par l’Etat et portant atteinte à la communauté arabe, et que soit instauré un arrangement qui assure à la communauté arabe un droit de veto sur des mesures qui lui portent atteinte, est-ce, là encore, une revendication extrémiste ? Ou bien est extrémiste le fait, justement, d’attendre des Arabes qu’ils y renoncent ? Revendiquer l’instauration d’un régime de « démocratie régulée » qui assurera une intégration proportionnelle et égalitaire de la communauté arabe dans toutes les institutions de l’Etat, est-ce là une revendication séparatiste ? Ou n’est-ce pas précisément ce qui caractérise la situation existante avec l’exclusion délibérée des citoyens palestiniens par les institutions de l’Etat ?
Qui a décrété qu’un Etat juif s’accompagnerait de mesures d’oppression, d’expropriation, de lois de citoyenneté racistes et d’une politique de discrimination tous azimuts ? Etait-ce des citoyens palestiniens de l’Etat ou des institutions juives de l’Etat ? Et si c’est cela l’Etat juif, alors nous nous opposons à l’Etat en tant qu’il est juif, mais le jour où Israël sera juif à la manière dont la Grande-Bretagne ou la Suède est chrétienne, nous pourrons revoir notre position. Aujourd’hui, il ne nous reste aucune ouverture, sauf à nous opposer au caractère juif d’Israël.
L’essentiel du document est consacré à une action interne à la société palestinienne en Israël. La source de la faiblesse des Palestiniens citoyens d’Israël est interne. Il importe d’examiner les maladies sociales internes et d’essayer d’y porter remède pour qu’elle devienne une société plus saine, qui puisse organiser un système régulier d’action politique, sociale et culturelle. Et cela, afin d’amener l’instauration d’un Etat israélien normal, qui nous appartiennent exactement comme il vous appartient.