Je me rappelle très clairement comment le secrétaire d’Etat américain de l’époque, James Baker 52, avait gardé tout le monde dans l’ignorance du lieu de cette réunion internationale. Après qu’il eut dit ‘Madrid’, nous fumes nombreux parmi les Palestiniens à ressentir une espèce de jubilation à l’idée des discussions qui se profilaient, et pourtant la nature exacte de la délégation palestinienne ne fut connue qu’au dernier moment.
Il y a des différences, certes, mais certaines questions sont restées les mêmes.
Hormis le fait qu’un ‘Bush’ ait été à la Maison blanche alors comme aujourd’hui, les deux conférences se sont déroulées sur un fond de Guerre du Golfe violente et, comme il y a plus de dix ans, les Etats-Unis savaient cette fois encore qu’ils devaient offrir quelque chose à leurs alliés arabes, notamment l’Arabie saoudite.
Comme à Madrid, le joueur clé qui a fait que cela se fasse, c’est le secrétaire d’Etat. Alors que la Secrétaire d’Etat Condolezza Rice a du déployer tous ses talents diplomatiques pour que la réunion ait lieu, le Secrétaire d’Etat Baker se trouvait dans une position encore plus difficile, avec le Premier ministre du Likoud, le faucon Itzak Shamir, son porte-parole d’extrême droite Benjamin Netanyahou, et une direction palestinienne que les Israéliens traitaient de « terroriste ».
Alors qu’à Annapolis Mahmoud Abbas a été présenté comme le président de l’OLP, pendant la conférence de Madrid l’OLP n’était pas autorisée à participer . Le groupe avait choisi la délégation, dirigée par l’un de ses fondateurs –un docteur respecté de Gaza, Haïdar Abdel Shafi (mort à 88 ans en septembre dernier). Alors que c’est l’OLP qui fut l’absent le plus remarqué à Madrid, ce sont les dirigeants du Hamas, qui ont gagné les élections législatives en Palestine, et les Iraniens qui furent les absents les plus mentionnés à Annapolis.
Sur le papier, le potentiel de paix semble plus fort qu’en 1991, pourtant de nombreux Palestiniens sont maintenant plus sceptiques. Non seulement l’OLP est présente, mais l’idée d’une solution à deux Etats est devenue une solution acceptable par tout le monde. Rice a déclaré que la création de l’Etat palestinien était dans l’intérêt des Etats-Unis. On raconte que le Premier ministre israélien Olmert a affirmé que sans Etat palestinien l’avenir d’Israël sera en danger.
A Madrid cela paraissait essentiel d’être présent, mais l’importance des sommets a diminué au fur et à mesure que ces sommets échouaient à amener des résultats.
En l’absence d’un projet effectif –même avec une forte implication des Etats-Unis au niveau présidentiel- qui permette l’indépendance de l’occupation israélienne et la capacité de gouverner un Etat souverain contigu, la dissension a grandi entre les Palestiniens. Certains, voyant toutes les colonies qui parsèment la Cisjordanie, veulent effacer la solution à deux Etats en faveur d’un seul Etat binational.
40 ans après l’occupation israélienne de Gaza et de la Cisjordanie, y compris Jérusalem, les Palestiniens n’ont toujours pas trouvé la formule de leur libération. Ils ont tenté –à la fin des années 1960- la violence transfrontalière, dans les années 70 et 80 ce fut le tour de la diplomatie arabe et internationale, puis la première Intifada (en 1987), les pourparlers secrets d’Oslo (1993), les attentats suicide pendant les années 90 qui ont culminé pendant la deuxième Intifada, les attaques à la roquette de l’autre côté de la frontière (en 2006 et cette année), les initiatives arabes régionales, les initiatives internationales, les envoyés de paix (depuis 67) mais rien n’y a fait.
Les compte-rendu des conférences, initiatives de paix, grands discours et accords aux Nations unies, pourraient remplir des pièces entières.
La réalité c’est que, en violation de la résolution 242 du Conseil de Sécurité des Nations unies, qui stipule qu’il est inacceptable d’occuper un territoire par la force, les territoires palestiniens se trouvent toujours sous occupation militaire étrangère.
Ceux qui doutent des motifs qui poussent les Etats-Unis ont de bonnes raisons d’être préoccupés. Pour dépasser la méfiance née des échecs passés, le président Bush devra dépenser un capital politique substantiel. Dans les premiers temps de l’administration Bush, c’ était un anathème que de penser à utiliser le sceau de la présidence, à la suite des tentatives avortées du président Clinton d’amener à un accord de paix. Pourtant une influence à ce très haut niveau est aujourd’hui nécessaire.
Les Palestiniens ne peuvent plus se permettre une approche pas à pas, comme dans le processus entamé à Madrid. Dans le passé, les plans qui recouraient à des améliorations progressives ont été la cible d’extrémistes à la recherche de dates et de lieux pour faire dérailler le processus de paix. Voyez ce qu’a fait à Itzak Rabin un extrémiste, citoyen d’Israël, en 1995. Et des extrémistes palestiniens ont commis des attentatss et d’autres actes horribles à la veille d’élections israéliennes et de redéploiements importants, garantissant ainsi virtuellement l’abandon des plans de retrait israéliens.
Ce qu’il faut –comme le suggèrent l’initiative de paix arabe et un certain nombre d’initiatives de paix israélo-palestiniennes- c’est un statut final sur lequel tout le monde s’accorde –quelque chose comme les frontières de 67- et un processus pour faire appliquer les termes de l’accord qu’acceptent toutes les parties. Sinon ce sommet et les sommets à venir resteront voués à l’échec.