Les jours derniers ont été houleux et inquiétants à Ramallah. Mahmoud Abbas, qui vient d’obtenir un accord des groupes de la résistance, alors que le Hamas choisit la lutte politique, doit faire face au mécontentement violent de membres des forces de sécurité.
Un groupe se revendiquant des Brigades d’al- Aqsa (qui ont démenti cette appartenance) a tiré des coups de feu mercredi 30 mars 2005 sur le siège de Mahmoud Abbas à la Muqata’a, dont la garde présidentielle leur a interdit l’entrée. Ils ont aussi commis des déprédations dans la ville de Ramallah, ce qui a été dénoncé par la population.
Ces hommes réclameraient que leurs services à l’Autorité et à la population palestinienne pendant l’Intifada soient pris en compte pour les intégrer dans les nouveaux services de sécurité. Certains réclameraient aussi la continuation de la résistance armée.
Cette action violente est perçue comme un défi à la nouvelle direction palestinienne. Abbas avait promis l’ordre et la sécurité à la population palestinienne qui lui demande maintenant de tenir ses promesses. Sa crédibilité en dépend.
En conséquence le président Abbas a ordonné l’arrestation des « fauteurs de trouble », mais son ordre n’a pas été suivi d’effet. Il a alors limogé les responsables de la sécurité, dont le général Hadj Ismail, responsable de la sécurité en Cisjordanie, fidèle d’Arafat qu’il n’avait pas quitté pendant l’opération militaire d’avril 2002 contre la Muqata’a. Il devrait nommer Jibril Rajoub, démis par Arafat, à sa place. Le chef des services de renseignement, Tiraoui, un des hommes les plus recherchés par les autorités israéliennes jusqu’à la fin de l’année dernière, qui est resté à la Muqata’a sous la protection du président Arafat jusqu’à la fin, a quant à lui démissionné.
Par ailleurs, le nouveau président palestinien a récemment exigé le départ de la Muqata’a d’une vingtaine de combattants qui étaient recherchés par Israël pour faits de résistance depuis le début de la deuxième Intifada. Ces hommes, qui se sont battus contre les forces d’occupation israéliennes pendant l’offensive de Sharon sur la Cisjordanie en 2002 et étaient protégés par Yasser Arafat, sont toujours en danger et se sont repliés dans la clandestinité dans la ville.
Ces incidents semblent indiquer une difficile adéquation de la politique de M. Abbas avec la réalité humaine et politique de résistants qui se sentent lâchés et qui, armés, recourent à l’intimidation pour se faire entendre, avec le risque de déraper vers un rôle de desperados que la population, qu’ils ont protégée de leur mieux, notamment dans les camps, rejette.
Mahmoud Abbas est ainsi confronté à une situation interne qu’il va devoir résoudre équitablement et rapidement sauf à affaiblir l’AP et à donner prétexte à Sharon pour imposer plus facilement encore ses diktats coloniaux.
le Hamas entre dans l’arène politique
Le Mouvement de la Résistance islamique, Hamas, a confirmé le 12 mars 2005 qu’il participera aux élections législatives palestiniennes prévues en juillet 2005. L’Autorité Palestinienne a exprimé sa satisfaction.
Après de longs débats houleux entre les différentes branches du Mouvement Islamique, particulièrement entre la direction « de l’intérieur » et celle qui est basée à Damas, c’est le camp modéré qui a gagné, et le Mouvement Islamique prendra part aux prochaines élections parlementaires palestiniennes.
Cette décision de participer aux élections législatives est probablement la plus dure que le Mouvement a jamais prise.
Au plan idéologique, la décision du Hamas annule en pratique le rejet total des accors d’Oslo, dénoncés avec virulence par le mouvement jusqu’à maintenant. C’est en fait la décision d’être intégrés dans une autorité palestinienne établie sur les bases des accord d’Oslo.
Une décision aussi radicale de se transformer d’un groupe de résistance en une opposition politique légitime n’est en rien surprenante.
C’est l’ affirmation que l’aile pragmatique du mouvement islamique a décidé qu’il était temps d’engranger les bénéfices du travail de résistance du mouvement.
En environ 15 ans, le mouvement islamique s’est transformé : d’un petit élément isolé et marginal d’une fraternité musulmane, il est devenu le fer de lance de la résistance palestinienne et le principal groupe d’opposition disposant d’un large soutien populaire.
En prenant une telle décision historique le Hamas a décidé de devenir un mouvement dont l’agenda est national, pas global, un mouvement dont le programme est social et politique, pas militant.
Ce changement n’est pas unique. Le mouvement islamique à l’intérieur d’Israël, qui partage les valeurs idéologiques du Hamas, dispose de sièges à la Knesset et des représentants islamiques siègent aux parlements de Jordanie, d’Egypte et du Koweit.
Avec la participation du mouvement islamique, les prochaines élections législatives palestiniennes s’annoncent plus agitées et difficiles que la dernière élection présidentielle.
Si l’on se base sur l’échantillon des résultats des élections locales qui ont eu lieu à Gaza et en Cisjordanie, il n’est pas impossible que les groupes d’opposition, avec le Hamas comme centre, obtiennent la majorité au Parlement palestinien.
Pourtant une transformation aussi radicale impose que le Hamas teste sa capacité à maintenir son unité interne. Il est possible que des signes de fragmentation apparaissent dans les mois à venir.
Le Hamas a déjà décidé de faire partie de l’OLP, remplissant ainsi l’obligation d’être reconnu comme élément légitime du mouvement national palestinien au niveau local, régional et international.
Le Hamas, en décidant de participer à l’Autorité nationale en tant que force d’opposition, n’échappera pas aux responsabilités politiques et sécuritaires et devra adhérer à l’exigence de l’ANP d’ « une seule autorité, un seul bras légitime ».
Les groupes palestiniens qui vont se rencontrer au Caire, ont ainsi de meilleures chances d’atteindre un accord sur l’unité nationale, la trêve, le partage du pouvoir et les réformes.
Déclaration du Caire 21 mars 2005
Les 13 groupes palestiniens réunis en Egypte avec l’ANP, Autorité nationale palestinienne, ont émis la déclaration suivante à l’issue de trois jours de discussion.
1) Les participants confirment leur adhésion aux principes palestiniens, sans en négliger aucun, et au droit du peuple palestinien à la résistance pour mettre fin à l’occupation, établir un état palestinien souverain avec Jérusalem comme capitale, et garantir le droit au retour des réfugiés dans leurs foyers et le recouvrement de leurs biens.
2) Les participants sont tombés d’accord sur un programme pour 2005, centré sur le maintien d’un climat de calme en réponse à l’adhésion israélienne à l’arrêt de toute forme d’agression contre notre terre et le peuple palestinien, où qu’il soit, et à la libération de tous les prisonniers et détenus.
3) Les participants confirment que la continuation de la colonisation, la construction du mur et la judéisation de Jérusalem sont des sujets explosifs.
4) Les participants ont analysé la situation intérieure en Palestine et sont tombés d’accord sur la nécessité de mener à terme les réformes dans tous les domaines, de soutenir le processus démocratique dans tous ses aspects et de tenir des élections municipales et législatives, dans les temps voulus, selon une loi électorale à définir ensemble. La Conférence recommande au Conseil Législatif de prendre des mesures pour amender la loi sur les élections législatives, en se basant sur une division égale des sièges dans un système mixte, et recommande aussi que la loi sur les élections locales soit amendée sur la base de la représentation proportionnelle.
5) Les participants se sont mis d’accord pour développer l’Organisation de Libération de la Palestine -informations, sites Internet- sur des bases à définir de manière à inclure tous les groupes et organisations palestiniens, car l’OLP est le seul représentant légitime du peuple palestinien. Dans ce but il a été décidé de former un comité afin de définir ces bases. Il comprendra le président du Conseil national, des membres du comité exécutif de l’OLP, les secrétaires généraux de tous les groupes palestiniens et des personnalités nationales indépendantes.
6) Les participants unanimes considèrent que le dialogue est la seule solution pour l’interaction entre tous les groupes, afin de soutenir l’unité nationale et l’unité dans les rangs palestiniens. Unanimement ils interdisent l’utilisation des armes dans les conflits internes, appellent au respect des droits des citoyens palestiniens, à ne pas les bafouer, et s’accordent que la continuation du dialogue dans la période qui s’ouvre est une nécessité élémentaire pour parler d’une seule voix et préserver les droits des Palestiniens.