Inactif depuis des mois sinon depuis
son existence, le Quartet pour le
Proche-Orient vient de sortir de son
atonie. En ce mois de juillet 2007, Etats-
Unis, Union européenne, Russie et
Nations unies, ayant nommé comme
émissaire, fin juin, l’ancien Premier
ministre britannique Tony Blair, viennent
enfin de décider d’aider le président
palestinien à faire face. A l’occupation
et au refus israélien de négocier
une solution politique ? Non. A faire
face au Hamas. Washington évoque la
tenue prochaine d’une conférence internationale.
Mais que ce soit clair : il ne
s’agira pas d’une conférence de paix.
Les Etats-Unis ne veulent pas d’une
négociation sur le statut final des territoires
occupés telle que la suggéraient
mollement plusieurs Etats européens. Il
s’agira de tenter de « trouver les moyens
de construire des institutions fondamentales
et essentielles pour les Palestiniens
qui vont leur permettre de s’administrer
eux-mêmes et d’avoir une
démocratie ». Le cynisme se fait ostentatoire.
Epuisé par des mois de blocus,
sanctionné économiquement et diplomatiquement
par le déni international
de la démocratie et du droit des citoyens
de Palestine à choisir leurs représentants
après la victoire du Hamas aux législatives,
le gouvernement palestinien, pourtant
reconstitué en gouvernement d’union
nationale, est tombé à l’issue d’affrontements
fratricides sanglants. Après quarante
années d’occupation militaire meurtrière
et de colonisation impunies, le
mouvement national palestinien vit
aujourd’hui l’une des crises les plus
graves, sinon la plus grave, de son histoire.
Avec l’arrogance des vainqueurs,
Washington comme Tel-Aviv étalent
leur jubilation, faisant mine d’avoir
retrouvé en Mahmoud Abbas l’homme
modéré providentiel avec qui il serait
enfin possible de parler après avoir scrupuleusement
miné depuis son élection
sa stratégie de négociation. Que se passet-
il en Palestine ? Comment expliquer
les affrontement de juin entre forces
armées du Fatah et du Hamas dans la
bande de Gaza qui ont abouti à la prise
du pouvoir par le Hamas dans ce territoire,
à la dissolution du gouvernement d’union
nationale par Mahmoud Abbas, à une
division apparemment irréductible qui
s’incarne dans la séparation politique des
territoires de Cisjordanie et de la bande
de Gaza ? Quels en sont les ressorts ?
A quel manège dangereux les Etats-Unis
et l’Union européenne persistent-ils à se
livrer ? Est-il possible d’espérer une sortie
de cette crise, un retour à l’unité nationale
palestinienne autour de l’objectif
commun d’indépendance ?
Le basculement de juin
En moins d’une semaine, du 7 au 14
juin, les combats entre les forces les plus
extrémistes du Hamas et du Fatah ont
causé la mort de cent seize personnes. Des
centaines de blessés. Parmi eux, plusieurs
enfants. Des scènes insoutenables
ont eu lieu, où volonté de vengeance et
haine se sont traduites par des meurtres,
des lynchages, des kidnappings, des tortures,
des entraves à la circulation d’ambulances,
des barrages sur les routes, des
incendies de maisons... Un déchaînement
d’une rare violence et dont les
formes ressemblent à la répétition pathologique
de barbaries vécues, celles que
l’occupant perpétue depuis des années.
Certaines scènes en ont étrangement rappelé
d’autres. La sortie des bureaux des
forces de sécurité ou de diverses institutions
de militants ou de militaires en
sous-vêtements a sans doute sidéré ceux
ou celles qui se souviennent du siège
meurtrier de la prison de Jéricho par les
forces armées israéliennes venues y kidnapper
les dirigeants du FPLP sans que
les forces internationales censées les protéger
lèvent alors le petit doigt.
Des témoignages évoquent le fait - et la
signification politique en serait symboliquement
lourde - que des portraits de
Yasser Arafat et de dirigeants historiques
de l’OLP assassinés par Israël auraient
été piétinés.
Dans ce déchaînement, des associations
de défense des droits humains, comme
le PCHR de Gaza, dont les militants de
terrain ont tenté de poursuivre malgré
tout leur travail, semblent mettre en
lumière au moins deux phases. La première
est celle de combats meurtriers
entre des forces armées du Fatah et du
Hamas. La seconde est celle, très rapide,
de la victoire de facto du Hamas, en dépit
d’un rapport de forces numérique qui
lui était défavorable (l’on comptait au
moins 20 000 hommes en armes soit du
Fatah, soit des multiples forces de sécurité
notamment sous le contrôle de Mohamed
Dahlan, lui-même parti alors en
Egypte puis en Cisjordanie).
Les associations de défense des droits
humains comme le PCHR ont lancé des
appels répétés à la fin de ces violences
(voir encadré) qui par ailleurs ont mis
en péril la tenue du tawjihi (l’équivalent
du baccalauréat) pour 67000 jeunes et des
examens de fin d’année des étudiants
qui, déjà, subissent les multiples obstacles
que l’occupant oppose au déroulement
normal de leurs études. Des élus
et des organisations de l’OLP et même
le Jihad ont également appelé à la fin de
ces combats fratricides. Le FDLP et le
FPLP -dont l’audience électorale, il est
vrai, est très minime- ont organisé une
manifestation populaire place du soldat
inconnu à Gaza pour dénoncer cette folie
sanguinaire, faisant écho aux exigences
de la population elle-même et de nombreux
citoyens manifestant contre ces
violences au péril de leur vie.
Face à cette situation, le comité exécutif
de l’OLP a demandé à Mahmoud
Abbas de limoger le gouvernement
d’union nationale, ce qu’il a fait dès le
jeudi 14, décrétant l’état d’urgence et
annonçant l’hypothèse d’élections anticipées,
nommant un gouvernement de
crise dirigé par Salaam Fayyad, renouvelé
au bout de trente jours. Le Hamas - qui détient toujours la majorité au Parlement - ne reconnaît pas ce gouvernement.
A la crise politique sans précédent
s’ajoute une crise institutionnelle.
Le contrôle des forces de
sécurité au coeur des
affrontements
Comment expliquer une telle fureur et
un tel enchaînement ? « Notre décision
de prendre le contrôle de la bande de
Gaza a été prise en raison de l’état de
chaos sécuritaire mené et programmé
par un courant au sein du Fatah, en vue
de montrer que le gouvernement du Hamas
a échoué à apporter la sécurité aux Palestiniens.
Ce courant a concocté ce complot
en coordination avec Israël, après
l’échec du blocus économique et financier
imposé par Israël aux Palestiniens
depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas
en mars 2006 », affirme Mouchir al-Masri,
porte parole du Hamas et membre du
conseil législatif, dans un entretien à al-
Ahram hebdo publié le 4 juillet. [1]. L’accusation
est grave. Et il n’hésite pas à citer
nommément Mohammed Dahlan et son
équipe qui, dit-il, « ont dominé les appareils
de sécurité et qui voulaient perpétuer
cette domination ». Dans un entretien
donné à Michel Bôle-Richard dans
Le Monde le 11 juillet, Ismaïl Haniyeh
tient le même langage [2] : « Nous avons
toujours été en faveur d’un gouvernement
d’union nationale, même avant sa
formation. Mais il y a également toujours
eu, au sein du Fatah, un courant
opposé à un partenariat politique et qui
n’a jamais accepté les résultats des élections
du 25 janvier 2006. Son comportement
a démontré qu’il était allié avec
des éléments extérieurs qui lui ont fourni
des armes et de l’argent. Cette faction
planifiait un coup d’Etat contre la légitimité
palestinienne. Le soutien venait
d’Israël et des Etats-Unis. Ce courant
palestinien avait déjà essayé de déstabiliser
le gouvernement directement issu
des élections avec les mêmes acteurs. En
résumé, le gouvernement d’union nationale
n’est pas responsable de ce qui s’est
passé. Il y avait une situation d’urgence
et nous y avons répondu », affirme-t-il. En
janvier dernier, des blâmes tout aussi
graves mais d’une autre nature avaient été
formulés cette fois contre le Hamas lors
d’un meeting en présence de Mohammed
Dahlan, les militants de la résistance
islamique étant -contre toute réalité-
qualifiés de chi’ites, signifiant en fait
qu’ils étaient accusés d’être liés à l’Iran.
Mouchir al-Masri précise pourtant :
« Notre combat n’est donc pas avec le
Fatah dans son ensemble mais avec cette
équipe influente au sein de ce mouvement
qui a dominé les appareils de sécurité. » Pour autant, plus que du courant politique
du Hamas - de l’intérieur comme
de Damas-, il semble que la décision
relève davantage de sa branche militaire.
La question du contrôle des forces de
sécurité apparaît de fait comme un facteur
déclenchant majeur de la crise. Là
encore, la pression internationale a produit
ses effets. Ces forces, nombreuses,
ont échappé à la tutelle du ministère de
l’Intérieur y compris au sein du gouvernement
d’union nationale. Le gouvernement
avait organisé sa propre force
exécutive, sans que celle-ci soit admise
par la présidence. Problème central dans
le déclenchement des affrontements qui,
en fait, durent depuis plusieurs mois (et
qui ont aussi, soulignent plusieurs chercheurs [3], « politisé » ce qui relevait de
règlements de comptes ou de clans).
Une responsabilité
internationale écrasante
La crise palestinienne a donc des ressorts
internes indéniables. Mais les Etats-
Unis et l’Europe portent une responsabilité
écrasante. Prônant la démocratie
en dépit de l’occupation, démocratie
revendiquée par les citoyens palestiniens
en particulier à l’occasion
des élections, Etats-Unis et
Europe, on le sait, ont
refusé de reconnaître le
résultat des législatives
de janvier 2006.
En sanctionnant économiquement
et politiquement
le peuple
palestinien et son gouvernement,
Etats-Unis
et Europe, qui se sont
toujours refusés à la
moindre sanction
contre Israël, ont tout
fait pour marginaliser
ceux que l’absence
d’horizon politique avait
portés au pouvoir en
Palestine. Ils ont également
multiplié les
pressions pour empêcher
le contrôle des
forces de sécurité par
le ministère de l’Intérieur. Tout en laissant
à Israël une totale impunité pour
nier toute légitimité au président Mahmoud
Abbas dès son élection en janvier 2005,
puis au gouvernement palestinien, pour
refuser toute négociation, pour intensifier
ses activités coloniales et la construction
des murs en Cisjordanie, pour empêcher
toute circulation et toute activité
économique en Palestine occupée, pour
détourner les taxes palestiniennes, pour
asphyxier la population,
pour emprisonner
des milliers
de Palestiniens dont
des élus et des
ministres... Et ils
n’ont pas mis en
oeuvre les décisions
adoptées voici bientôt
trois ans en assemblée
générale des
Nations unies à l’issue
de la condamnation par
la Cour internationale de
Justice du réseau de murs
que l’armée et les bulldozers
israéliens érigent profondément
en Cisjordanie. Voici
deux ans, Etats-Unis et
Etats membres de
l’Union européenne se
félicitaient du
« retrait » unilatéral
israélien de la bande
de Gaza. Permettant
à Tel-Aviv de transformer
ce petit territoire
surpeuplé en
prison à ciel ouvert soumis à d’incessants bombardements,
ils détournaient aussi le regard de la Cisjordanie.
Les dirigeants israéliens pourtant
n’avaient nullement caché leur objectif
: réfuter toute continuité territoriale
entre la bande de Gaza et la Cisjordanie
et annexer une part substantielle de
territoire, notamment la région de Jérusalem
et la vallée du Jourdain.
Faisant écho aux alertes des ONG travaillant
sur le terrain, Alvaro de Soto,
ancien coordinateur spécial des Nations
unies pour le Proche-Orient, dans son rapport
accablant de « fin de mission » du
5 mai dernier publié par le journal britannique
The Guardian, ne ménage pas
la partie palestinienne mais s’attache
surtout à mettre en évidence les responsabilités,
non seulement d’Israël,
mais aussi des États-unis et de l’Union
européenne et plus généralement du
Quartet dans l’impasse [4]. Le peuple
palestinien paie non seulement le prix
économique et social de cette stratégie
avec un taux de chômage supérieur à
50% et un taux de pauvreté extrême touchant
plus de 70% de la population, mais
il en paie aussi - surtout - un prix politique
considérable.
Washington a choisi la division en Palestine
jusqu’à l’implosion de ses institutions
et l’Europe a suivi. Plusieurs mois
après les accords de La Mecque et la
constitution d’un gouvernement d’union
nationale palestinien sur des bases saluées
par la France et l’UE, plusieurs mois
après le renouvellement à Riyad de la
proposition arabe de paix globale repoussée
par Israël, la communauté internationale
a continué de refuser tout signe
d’encouragement, tout
signe positif au peuple
palestinien et de
n’envoyer comme message
de reconnaissance
que la poursuite de sanctions
meurtrières.
Comment, dans de telles
conditions, des formes
de radicalisation dramatiques
ne se seraientelles
pas manifestées ? Il faudrait être
dangereusement naïf ou redoutablement
cynique pour en nier ces ressorts.
Revers du mouvement
national de libération
Faute de tout horizon politique, forces
du Hamas et du Fatah semblent donc
bien se croire autorisées à utiliser la violence
pour régler entre elles des problèmes
de légitimité, laissant craindre le
développement d’une véritable guerre
civile et la prolongation d’une division
politique entre les territoires palestiniens.
Socialement, la vie dans un quotidien
pétri de violence à laquelle répond la
résistance armée, quelle que soit la légalité
de celle-ci du point de vue du droit
international, n’est certes pas sans conséquences.
D’autant, comme l’ont remarqué
des historiens ou politologues palestiniens,
que la stratégie de la lutte armée
a contribué, sinon à marginaliser, du
moins à restreindre le rôle d’organisations
de la société civile.
« Que nous arrive-t-il ? »
s’interrogeait déjà en mai
dernier le psychiatre
palestinien gazaoui
Eyyad Sarraj [5], constatant
: « l’environnement
dans lequel nous vivons
depuis l’occupation développe
une violence qui
devient chronique (...) Sans surprise,
l’enfant palestinien prendra pour modèle
le soldat israélien et son langage sera
celui de la force, ses jeux et jouets seront
ceux de la mort. » Il mettait également en
lumière « la tendance manifestée par les
jeunes hommes à rechercher une nouvelle
identité davantage autoritaire et
différente de celle de leurs parents vulnérables » évoquant des phénomènes de
« désintégration sociale ». Dans ce
contexte, il ne ménageait pas l’ANP quant
aux importantes violations de la sécurité
et au désordre social se manifestant notamment
par « la prolifération des armes et
l’abondance des fonds aux mains des
partis en lutte et des milices. »
Politiquement, la lassitude de la population
comme les dissensions brutales entre
organisations sur un mode bipolaire ne
sont pas neuves. En témoignaient les victoires
successives du président Mahmoud
Abbas en 2005 puis du Hamas aux municipales
puis aux législatives de 2006. Un
choix émanant d’abord de l’impasse, du
refus israélien de toute négociation. Mais
pas seulement. Etaient également dénoncés
la corruption et le népotisme de certains
cadres du Fatah, lui-même accusé
de l’absence de résultats de la négociation
dont il s’est fait le promoteur. A en
croire les sondages, ces élections ne
remettaient pas en cause pourtant parmi
la population palestinienne le choix majoritaire
de la solution de deux Etats, ni
même d’ailleurs celle du principe d’une
négociation pour y parvenir. Mais la
défaite du Fatah, principale organisation
de l’OLP et le succès du mouvement de
résistance islamique représentaient historiquement
une première sinon un tournant
en Palestine.
La mort -toujours inexpliquée- du président
Yasser Arafat le 11 novembre
2004 a, de toute évidence, tourné une
page. Pas celle dont se gargarisaient alors
les dirigeants israéliens et leurs auxiliaires
politiques et médiatiques. Ceux ci
avaient d’abord accusé le président palestinien d’être l’adversaire de la paix,
le responsable de l’échec de Camp David
parce qu’il avait refusé de renoncer au droit
international dont il s’agissait de négocier
les modalités de mise en oeuvre,
avant de tenter de le marginaliser diplomatiquement
et de l’assiéger dans la
Mouqata’a. Pour eux, se réjouir de sa
disparition signifiait désigner la partie
palestinienne comme responsable, voire
faire l’hypothèse de la renonciation et
de l’abdication palestiniennes.
Mais Yasser
Arafat qui, selon
l’expression de
l’historien palestinien
Elias Sanbar,
avait contribué à
sortir le peuple
palestinien de l’invisibilité,
représentait
pour les Palestiniens
un symbole suffisamment
fort pour
maintenir, en dépit
des divisions politiques
et des affrontements
qui ont
émaillé l’histoire
palestinienne, un
ciment d’unité
contre l’occupation.
Sa disparition a
aussi ouvert la voie
à la fin de ce ciment.
De toute évidence,
à l’issue des élections,
le Fatah n’a
pas tiré les leçons de son échec. Le congrès
annoncé n’a pas eu lieu et peut-être ne
faut-il pas y voir seulement le fruit des
conditions imposées par l’occupation.
Double légitimité politique en Palestine
toujours occupée, cohabitation tendue,
incapacité à transmettre les rênes du pouvoir
au gouvernement, tensions, affrontements
suicidaires... C’est précisément
pour mettre un terme à ce cycle, favoriser
une dynamique d’union nationale et
recentrer la lutte contre l’occupation
israélienne, que les prisonniers politiques
palestiniens de tous courants ont élaboré
un document politique et stratégique et
milité pour qu’il se concrétise dans ce
qui est devenu ensuite l’accord de La
Mecque en février
2007. Parmi eux, Marwan
Barghouti, dirigeant
de la « jeune
garde » du Fatah toujours
emprisonné, qui
plaidait depuis longtemps
pour un gouvernement
d’union nationale,
a joué un rôle
majeur. L’accord portait
sur la fin des violences
internes, sur les
modalités de résistance
dans le territoire occupé,
sur le respect des
accords signés par
l’OLP, sur la perspective
d’un Etat palestinien
dans les frontières
de 1967, sur la responsabilité
de l’OLP dans
la négociation, sur la
nécessité d’une réforme
de l’OLP avec la question
de l’intégration du
Hamas, témoignant d’une révolution
idéologique et stratégique de ce mouvement
dont les cadres politiques se disent
favorables à l’établissement d’un Etat
palestinien dans les frontières de 1967
et à une trêve de longue durée avec Israël.
L’accord a permis la mise en place d’un
gouvernement d’union nationale.
L’absence de tout changement dans la
politique internationale quant à la politique
de sanctions et de toute reconnaissance
du gouvernement ont fini par marginaliser
les politiques au profit de l’aile
militaire. Le gouvernement, lui, n’y a
pas résisté.
Une division à haut risque
Les dirigeants israéliens ont toujours
rêvé non seulement de diviser politiquement
les Palestiniens sinon de défaire
leur mouvement de libération nationale,
mais aussi de disloquer leur territoire.
Outre la séparation géographique entre
Palestiniens vivant sous occupation, en
exil forcé et en Israël, et la transformation
de la Palestine elle-même en une
multitude d’enclaves du fait du réseau de
murs, ils ont aussi tout fait pour séparer
la bande de Gaza de la Cisjordanie. Ce
n’est pas un hasard d’ailleurs si l’accord
d’Oslo mentionnait la continuité territoriale
entre la Cisjordanie et la bande de
Gaza, jamais respectée, ni si le premier
accord intérimaire portait sur « Gaza et
Jéricho d’abord ». Les dirigeants israéliens
auraient-ils, là, marqué un point,
crucial ?
Le dialogue inter-palestinien peut-il se
renouer ? Nombre d’organisations de
la société civile le réclament, craignant
en outre le déchaînement d’une véritable
guerre civile. De même, le FPLP remarquait
mi-juin [6] que la division « ouvre la
voie à des ingérences extérieures négatives,
dans tout ce qu’elles peuvent représenter
comme dangers pour notre projet
national, l’unité de notre peuple et
le maintien de son tissu social » et en
appelait à « former une direction nationale temporaire, à laquelle participent
toutes les forces politiques et les représentants
de la société civile dans tous
ses différents secteurs. » Il affirmait :
« Notre unité, notre choix national et
démocratique, notre insistance sur la
poursuite de la lutte pour l’indépendance,
le droit au retour et l’établissement
d’un Etat indépendant, ne constituent
pas un choix parmi d’autres. »
Voyant dans l’accord de La Mecque un
accord entre les seuls Fatah et Hamas, il
invitait même la Ligue arabe à « héberger
un dialogue national palestinien total
dans lequel participent toutes les forces
politiques et les représentants de la société
civile. » L’« Initiative nationale palestinienne » de Mustapha Barghouti, qui participait
au gouvernement d’union nationale
comme ministre de l’Information,
rejette également division et polarisation.
Le mouvement en appelle à la restauration
de l’entente nationale, à la
constitution d’un gouvernement transitoire
unifié, mais également à la consultation
populaire passant par des élections
démocratiques anticipées.
Mais la voie d’un retour à l’unité est
étroite. Les difficultés s’ancrent dans une
rivalité politique consommée, des tensions
s’enracinant dans les accusations
réciproques mais aussi dans une crise
institutionnelle inédite. Mahmoud Abbas
condamne la prise de pouvoir armée du
Hamas dans la bande de Gaza. Il a limogé
le gouvernement et de son côté le Hamas
ne reconnaît pas le gouvernement de
crise. D’un point de vue légal, la Loi fondamentale
confère au président le pouvoir
de révoquer le gouvernement. Il peut
aussi en former un de crise. Mais un gouvernement
doit obtenir l’investiture du Parlement.
Outre le refus du Hamas de reconnaître
le gouvernement de Salam Fayyad,
le Parlement ne fonctionne plus. Nombre
d’élus du Hamas sont emprisonnés, la
grande majorité des autres refusent de
siéger. Et le président évoque la possibilité
d’élections anticipées considérées par le
mouvement islamique comme un déni
de démocratie.
Le Hamas assure souhaiter le retour au
dialogue mais ajoute qu’il ne le mendiera
pas. De son côté, Mahmoud Abbas
précise qu’il n’a pas l’intention d’en
reprendre les fils tant que le Hamas « ne
réparera pas » ce qui a été commis à
Gaza.
Séparation des pouvoirs entre la bande
de Gaza et la Cisjordanie ? En réalité, la
bande de Gaza demeure un cachot où la
population survit étranglée et la Cisjordanie
un territoire sous occupation militaire.
Probablement la situation actuelle
appelle-t-elle les diverses organisations de
la société civile, aussi marginalisées soientelles
par cette bipolarisation fatale, à intervenir
pour exiger un retour au dialogue
démocratique préalable à l’unité ; et le
mouvement national palestinien à repenser
sa stratégie sinon à se repenser dans
ce contexte singulier de crise de l’Etat
avant que soit acquise l’indépendance.
Stratégie de division et de
tension : Etats-Unis et Europe
persistent et signent
Après avoir refusé de soutenir le président
palestinien face à l’occupant israélien
et à sa stratégie unilatérale de colonisation
et d’annexion, après avoir
encouragé radicalisations et division,
Etats-Unis et Europe prétendent
aujourd’hui soutenir un président désigné
comme modéré et laïc. Inscrivant
résolument le conflit dans la prétendue
« guerre des civilisations », ils assurent
qu’il s’agirait de soutenir les « modérés
des deux bords » et d’en isoler les « extrémistes ». Comme si la pérennité du conflit
ne reposait pas sur le refus des dirigeants
israéliens de mettre un terme à l’occupation
et au déni des droits individuels
et nationaux des Palestiniens. Faisant
de leur soutien, aussi ostentatoire que
politiquement inconsistant, un cadeau
empoisonné au président palestinien, ils
choisissent de lever enfin leurs sanctions
pour les uns mais en affamant les
autres, exacerbant toutes les tensions
dont on imagine mal qu’elles puissent
rester longtemps circonscrites à la bande
de Gaza. Ils font un pari qui a déjà démontré
sa vanité, selon lequel la population
palestinienne finirait par lâcher le Hamas
si une autre voie lui apportait l’oxygène
économique dont elle est privée. La fin
du blocus économique est, de toute évidence,
une absolue nécessité dans une
Palestine asphyxiée. Mais c’est d’horizon
politique, de respect du droit et de
tous ses droits, de respect de la démocratie,
qu’a avant tout besoin le peuple
palestinien. Quarante ans après le début
de l’occupation, il y a urgence absolue.
Les appels des associations de
défense des droits humains
Dès le début de la semaine sanglante de juin,
le PCHR a appelé présidence et gouvernement
à assurer la sécurité de la population, au retrait des
rues de toutes les milices ; il a aussi appelé à assurer
le respect des droits des détenus et à empêcher
l’usage de la torture, de traitements cruels et
de toute autre forme de mauvais traitement, à
réfréner et empêcher tout acte de représailles ou
de vengeance incluant les exécutions extrajudiciaires,
« illégales quelles que soient les circonstances
», à préserver et protéger les biens publics
et privés, à empêcher les destructions, y compris
les bureaux des forces de sécurité qui sont passées
sous contrôle du Hamas, de même que les autres
propriétés publiques ou privées, « qui appartiennent
au peuple palestinien et à la population civile ».
Il a ensuite appelé à des enquêtes contre les auteurs
de crimes aboutissant à des jugements dans des
tribunaux civils. Sans effet...