Le quotidien israélien Haaretz du 30 mars 2004 a créé la surprise en révélant qu’un moine et deux religieuses avaient été récemment arrêtés et détenus par la police israélienne, au motif qu’ils résidaient illégalement en Israël.
L’auteur de l’article s’était entretenu auparavant avec le Père David Jaeger, porte-parole de la Custodie en Terre Sainte, une importante institution catholique qui a son siège dans la vieille ville de Jérusalem et est confiée à l’ordre des Franciscains, soit 1.217 des 3000 religieux et religieuses catholiques présents dans les Territoires palestiniens occupés et en Israël, répartis dans trois cent vingt-huit couvents et qui gèrent notamment sept hôpitaux, onze dispensaires et soixante-dix écoles. Le Père Jaeger a précisé qu’à la mi-mars cent trente religieux et religieuses, dont certains résidant en Israël ou dans les Territoires palestiniens occupés de longue date, se trouvaient effectivement en situation irrégulière, faute du renouvellement de leur visa par les autorités israéliennes. Il s’agit là pour l’essentiel de religieux originaires du monde arabe, mais aussi d’occidentaux connus pour leur sympathie envers le peuple palestinien.
Le Père Jaeger a déclaré que cette attitude des autorités israéliennes « a des implications internationales car l’Eglise en Terre sainte représente des catholiques du monde entier » et que l’Etat d’Israël viole ainsi les dispositions de l’accord fondamental qu’il a conclu avec le Saint-Siège le 30 décembre 1993, notamment celles qui reconnaissent à l’Eglise le droit d’exercer ses activités religieuses, éducatives et caritatives en Terre sainte et d’y disposer du personnel nécessaire.
Prenant la parole le 2 avril sur les ondes de Radio Vatican dont il est le président d’honneur, le cardinal Roberto Tucci a dénoncé vigoureusement le fait par Israël de ne pas renouveler les visas arrivés à terme de nombre de religieux et religieuses, tout en demandant aux églises européennes et américaines d’utiliser tous les moyens de pression possible pour soutenir l’Eglise en Israël et dans les Territoires occupés.
Le problème s’était déjà présenté, ponctuellement, au cours des deux années précédentes, à l’Eglise catholique et aux autres institutions chrétiennes, les protestants de différentes dénominations assurant une présence à peu près équivalente, pour des renouvellements de visas ou des demandes de délivrance de visas , au profit de leurs membres et des laïcs qui les aident à remplir leurs missions caritatives et éducatives. Mais les unes et les autres avaient mis ces difficultés sur le compte du parti ultra-orthodoxe qui détenait le ministère de l’Intérieur israélien, le Shas, et sur sa volonté de « judaïser » Jérusalem, malgré les explications du ministère des Affaires étrangères israélien qui avançait des problèmes administratifs. Entre-temps un parti laïc, le Shinoui, a succédé au Shas au ministère de l’Intérieur israélien et la situation n’a fait qu’empirer. Le nombre ne cesse d’augmenter de visas expirés qui ne sont pas renouvelés. Et selon le Haaretz du 5 Mai, les autorités israéliennes ont refusé de renouveler le visa de Nancy Dismore, qui travaille depuis cinq ans pour le diocèse de l’Eglise épiscopalienne (anglicane) de Jérusalem où elle est directrice du bureau du développement et des communications.
Répondant à l’invitation du cardinal Tucci, cinquante responsables religieux américains adressent le 13 mai une lettre ouverte au Président Bush. Il s’agit notamment de responsables catholiques, mais aussi des dirigeants des églises protestantes « historiques », désignées ainsi par opposition aux fondamentalistes et autres télévangélistes, presbytérienne, luthérienne, méthodiste et bien sûr de l’église mennonite dont les Christian Peacemaker Teams assurent depuis 1995 une présence permanente d’au moins huit personnes à Hébron où le maire les a alors appelés.
Les signataires dénoncent - une fois de plus - la construction du mur par lequel Israël s’approprie terres et ressources en eau palestiniennes. Ils rappellent que parmi les institutions chrétiennes en Terre sainte, plusieurs hôpitaux se voient désormais séparés de leurs patients, ou bien ces derniers de leur famille, plusieurs écoles ou collèges de leurs élèves ou de leurs professeurs. Ils dénoncent aussi les refus et les non-renouvellements de visas dont sont victimes les chrétiens locaux et internationaux. Ils stigmatisent enfin les taxes énormes que les autorités israéliennes ont cru bon de réclamer récemment à plusieurs institutions caritatives chrétiennes.
Les institutions catholiques concernées font la sourde oreille, estimant que l’Accord fondamental du 30 décembre 1993 les met à l’abri de telles impositions. La Fédération luthérienne mondiale ne peut en faire autant, s’agissant des quatre millions de dollars qui viennent de lui être réclamés pour l’hôpital Augusta Victoria, ce grand hôpital situé sur le Mont des Oliviers, qui soigne gratuitement les réfugiés palestiniens et forme médecins et personnels soignants de Cisjordanie et de Gaza. Elle a saisi le tribunal du district de Jérusalem, qui l’a déboutée et a fait appel de ce jugement.
Quant à l’Eglise grecque orthodoxe qui regroupe la majeure partie des chrétiens d’Israël et des Territoires occupés, elle a élu il y a deux ans et demi un nouveau patriarche et elle attend depuis lors que le gouvernement israélien ratifie ce choix.