"Pourquoi ne pas soumettre l’Irak à une euthanasie, provoquer sa mort pour abréger ses souffrances et son agonie ?" C’est en ces termes amers que l’éditorialiste du quotidien irakien Az-Zaman résume le rapport du groupe bipartite d’études sur l’Irak, dirigé conjointement par l’ancien secrétaire d’Etat américain James Baker et le démocrate Lee Hamilton. Le texte a été vivement critiqué par le président de l’Irak Jalal Talabani, d’origine kurde. Selon ce dernier, "le rapport Baker-Hamilton est injuste. Il contient des articles dangereux qui portent atteinte à la souveraineté de l’Irak et à sa Constitution."
Talabani a ainsi dénoncé la volonté d’impliquer les anciens baasistes dans le processus politique en Irak et d’augmenter le nombre de conseillers américains intégrés dans les unités irakiennes. Et, concernant la menace d’un retrait américain en cas de manque de progrès, Talabani a jugé que "cela revient à traiter l’Irak comme une jeune colonie à qui on peut imposer des conditions, en niant le fait que nous sommes un pays souverain et respecté".
Pour l’éditorialiste d’Az-Zaman, "le processus politique en Irak a mené le pays sur une voie sans issue. Les violences et l’effusion de sang ont usé les soldats américains et entaché le prestige de la Maison-Blanche. Robert Gates, le successeur de Donald Rumsfeld à la tête du ministère américain de la Défense, a affirmé que ’toutes les options restaient ouvertes’ pour sortir les Américains du bourbier irakien et les recommandations du rapport Baker-Hamilton essaient en premier lieu de sauver Washington. Pourquoi alors ne pas donner, une fois pour toutes, le coup de grâce à l’Irak ?"
Côté palestinien, la relance du dialogue politique recommandée par le rapport pour trouver une solution globale et durable au conflit israélo-palestinien dans le but de stabiliser l’ensemble du Moyen-Orient "semble être une bonne nouvelle, mais pourrait cacher une mauvaise surprise", estime l’éditorialiste du quotidien palestinien Al-Hayat Al-Jadida. "Dans le cas d’une reprise des négociations de paix, les Palestiniens seront-ils considérés comme une partie influente, qui a son mot à dire ? Ou bien seront-ils la partie vaincue, qui doit rester à l’écart et laisser les autres protagonistes décider de son sort ?" Toutefois, Al-Hayat Al-Jadida préfère garder l’espoir : "Il revient aux Palestiniens de serrer les rangs pour s’unir et former une délégation parlant d’une même voix pour défendre les droits du peuple palestinien."
Côté libanais, on retrouve les mêmes inquiétudes. "On ne connaîtra pas de si tôt la réaction du président américain au rapport Baker-Hamilton. Bush ne se prononcera pas avant d’avoir consulté les membres de son administration. Par ailleurs, il attend les résultats d’une autre étude sur l’Irak réalisée par le Pentagone", relève le quotidien libanais An-Nahar dans un éditorial. Le Liban est rapidement mentionné dans le rapport Baker-Hamilton qui recommande de "protéger son indépendance et sa souveraineté".
Mais le texte n’est pas clair concernant les relations syro-libanaises et l’ingérence du régime de Damas dans les affaires intérieures libanaises. Or, le Liban craint de payer le prix d’un changement de la stratégie américaine allant dans le sens d’une ouverture vers la Syrie et son allié iranien. Cependant, "l’administration Bush ne semble pas enthousiaste à l’idée d’ouvrir un dialogue avec l’Iran et la Syrie pour les impliquer dans une solution à la crise irakienne. Une frappe militaire à l’encontre de l’un de ces deux pays, ou contre les deux à la fois, détruisant leurs infrastructures, n’est toujours pas à écarter", poursuit le quotidien libanais.
Enfin, Al-Quds Al-Arabi rappelle sur un ton indigné que "c’est Bagdad qui doit être sauvé, et non Washington". Il s’agit d’aider le peuple irakien et, pour cela, le quotidien panarabe édité à Londres appelle à "soutenir la résistance dans ce pays". Damas et Téhéran ne pourront aider l’Irak tant que l’occupation américaine se poursuit, estime le journal. "On l’a bien vu, les solutions imposées par la force sont vouées à l’échec et ne peuvent qu’entraîner de nouvelles crises et de nouveaux cycles de violence."