Objectif déclaré : lutter contre le terrorisme en rendant Israël impénétrable. [1]
L’opinion israélienne lui est d’emblée favorable : 75% l’approuvent, en été 2002, dans une enquête d’opinion. Les plus réticents sont les partis les plus à droite, considérant que le tracé du Mur n’englobe pas assez de colonies sur le premier trajet qu’on leur présente.
Les travaux démarrent au Nord de la Cisjordanie et autour de Jérusalem et en cet automne 2005, environ 250 Km sont terminés.
En zone urbaine, c’est un mur en plaques de béton de 8m de haut. Dans les campagnes, ce sont des grillages métalliques doublés de fils de fer barbelés, de fossés, de routes de sécurité et de matériel électronique de surveillance.
Il commence au Nord, le long du Jourdain et se terminera, au Sud, en rejoignant la Mer Morte, après avoir contourné la Cisjordanie par l’Ouest.
Longueur prévue de l’ouvrage : 670 Km ! Soit plus du double de la Ligne Verte qui représente, actuellement, la séparation "officielle" [2], entre Israël et ses voisins palestiniens. En effet, 80 % du Mur ne suit pas cette ligne mais décrit des méandres plus ou moins profondément ancrés à l’intérieur des terres palestiniennes.
La raison de ces empiètements est l’existence des colonies et la volonté de les faire basculer du côté d’Israël à l’occasion de cette construction.
Deux exemples :
– Le "doigt d’Ariel" est une percée de 22 Km vers l’Est, en dedans de la
Ligne Verte, soit une pénétration sur 42 % de la largeur de la Cisjordanie en direction de la Vallée du Jourdain.
– A l’Est de Jérusalem, le Mur parcourra 14 Km, plein Est, pour absorber
la colonie de Maale Adumim, alors que la Cisjordanie est très étroite à ce niveau et que les communications Nord-sud s’en trouveront profondément perturbées pour les Palestiniens.
Coût estimé : 3,4 billions de dollars.
Résultats Israéliens :
– 56 colonies et 170 000 colons "avalés" par Israël grâce à cette opération en Cisjordanie, soit les 3/4 de cette population. Chiffre identique de colons pour Jérusalem-Est, ce qui aboutit à "rapatrier" près de 340 000 personnes sur les quelques 430/450 000 Israéliens installés en territoire occupé.
Conséquences Palestiniennes :
– Matériellement, mur et clôtures métalliques ainsi que zones de
sécurité adjacentes approchent les 60 000 hectares de terres expropriées, soit 10 % de la Cisjordanie et de Jérusalem Est. Pas une once de terre n’a été prise du côté israélien malgré, d’ailleurs, les protestations de certains pacifistes, en Israël, qui ont revendiqué un partage de l’emprise au sol.
– De surcroît, une zone tampon de 150 à 200 m de large, le long de la barrière, du côté palestinien, là encore, vient d’être déclarée totalement non constructible.
Sur le plan humain, 2 cas de figures selon que vous êtes à l’Est ou à l’Ouest de la construction dont la logique ignore totalement la dynamique de la population locale.
– A l’Est, c’est la Cisjordanie ou, tout du moins, ce qui en restera. Le statut
des populations est simple à imaginer, il ne change pas. Par contre, l’impact du Mur sur leur vie est (ou sera) énorme : 500 000 personnes habitent à moins d’un kilomètre de l’obstacle.
- Depuis 2 ans déjà, certaines régions vivent avec le Mur et les conséquences sont donc parfaitement connues dés à présent.
- Il y a les villages qui perdent leurs terres, 50 %, 80 % ...des terres se retrouvant à l’Ouest, ... les puits qu’on ne peut plus entretenir ou les réseaux d’irrigation qui ont été détruits à l’occasion des travaux...Des portes agricoles sont prévues pour permettre aux paysans d’accéder à leurs champs mais il faut des permis, quant aux ouvertures, elles ne sont pas régulières et sont souvent aléatoires.
-
- Un exemple, à Mas’ha, un matin de la saison des olives, mauvaise information, les paysans sont là et attendent. Finalement, les soldats arrivent et les renvoient : ce sont les fêtes juives et la porte n’ouvrira que dans quelques jours.
- Actuellement, 63 portes ont été aménagées dans les portions de « Mur » déjà en place mais seules 25 sont accessibles aux Palestiniens, les autres sont toujours fermées. Pour passer, il faut des permis mais si vous avez des papiers jordaniens comme certains d’habitants de la région, vous ne pourrez pas exploiter votre terre car aucune possibilité d’obtenir le permis que vous ne demandez pas, d’ailleurs, car vous seriez expulsé, étant illégalement présent dans votre pays d’origine.
- Pour clore le chapitre agricole, on peut préciser que la bordure ouest de la Cisjordanie, sur laquelle s’étire le Mur, est la zone la plus fertile de la région et que la nappe phréatique occidentale y est localisée juste en dessous, fournissant l’eau indispensable à une production abondante....
On peut aussi se souvenir qu’une vieille loi ottomane, soigneusement conservée, stipule qu’un champ non exploité pendant 10 ans revient, de Droit, à l’Etat !
La ville de Qalqilya, complètement entourée par le Mur, a perdu sa fonction de ville marché d’importance loco régionale. Quant au District de Salfit qui va bénéficier, très prochainement, des indentations de la « barrière » vers Ariel et Immanuel, ce sont les communications au sein de la zone toute entière qui vont être très gravement perturbées.
Il va même y avoir des Murs secondaires qui vont créer des enclaves de 1, 2 ou 3 villages n’ayant plus qu’un étroit passage pour sortir de leur ghetto, passage que l’on imagine facilement condamnable par quelques blocs de béton ou tout autre moyen. Selon les plans actuellement produits, on dénombre 28 enclaves au sein desquelles les populations auront le plus grand mal à accéder aux services auxquels elles peuvent prétendre : éducation, santé, vie sociale tout simplement.
C’est déjà le cas pour le village d’Azzun Atme.. Il a été coupé de son village jumeau, Beit Amin, l’an passé et une porte militarisée ne permet le passage que de jour et avec permis. Les enfants de Beit Amin doivent la franchir tous les jours car leur école est celle d’Azzun Atmé. Il en va de même du personnel du tout petit centre médical qui ne peut pas travailler quand la porte reste fermée, parfois plusieurs jours de suite. Mais il est prévu, en même temps, un mur secondaire qui va séparer le village des 4 colonies qui l’enserrent de part et d’autre. Et une bulle sera ainsi créée avec le village au milieu !
Mais, il est des situations beaucoup plus complexes. Le Mur ne suivant
pas la Ligne Verte, on va se retrouver, à l’Ouest de celui-ci, avec une bande de terre plus ou moins large sur laquelle vivent actuellement 49 400 personnes réparties dans 38 villages. Leur situation est dramatique.
Dans les régions de Jénine, Qalqilya et Tulkarem, les premières à avoir découvert le phénomène, l’Armée a déclaré ces zones "fermées", en Octobre 2003.
5 000 Palestiniens ont concernés : ils sont sur leurs terres mais, pour avoir le droit d’y vivre, ils doivent avoir "le permis vert", valable 1 an et utilisable seulement pour une porte dûment désignée. Comment gérer la vie quotidienne : l’école et l’université, la visite à la famille, l’hôpital où l’on va accoucher peut-être, tout simplement une démarche à la ville de référence. Et qu’adviendra-t-il si on ne renouvelle pas leur permis ?
Quel avenir pour ces populations et pour ces terres prises en sandwich ? Ces situations vont se multiplier au fur et à mesure de l’avancée des travaux.
A Jérusalem, la situation est inversée. Les Palestiniens de Jérusalem (230 000) ont un statut particulier avec une carte d’identité spécifique qui, seule, leur permet de vivre, travailler, étudier... dans leur ville. Or, 1/4 d’entre eux sont en train de se retrouver coupés de leurs racines du fait du Mur : ils résident à l’Est de la séparation ! Ils risquent de perdre leur statut de Jérusalémites auquel ils sont très attachés et qui leur permet l’accès à tout ce qui constitue leur vie. Actuellement, aucune information ne permet de savoir ce qui les attend en terme de statut et de droits.
Le Mur, mesure imposée par la terreur et répondant au devoir de protéger sa population ? Sur le terrain, il apparaît clairement qu’il y a la raison officielle et les motivations cachées.
A Bi"ilin, pour le 1er vendredi du Ramadan, en ce début octobre, point de départ de la saison des olives, la manifestation hebdomadaire de protestation contre la construction du Mur s’est transformée en cueillette des olives et, grâce à la présence de l’association israélienne "Les Rabbins pour les Droits Humains", tous ont pu atteindre les terrains qui vont se retrouver, dans quelques semaines, du coté Ouest de la clôture et qui seront inaccessibles aux villageois, à plus ou moins court terme. Quelles ne furent pas la surprise et la rage de découvrir un grand panneau publicitaire, déjà installé, et annonçant la création de nouveaux logements pour la colonie toute proche ! A Jayous, où la séparation existe depuis prés d’un an, la colonie voisine s’est aussi agrandie.
Aussi, ne peut-on pas croire au seul argument sécuritaire lorsqu’on analyse, de façon un peu plus rapprochée, ce que les éléments sur le terrain nous apportent.
La colonisation des terres palestiniennes se poursuit inexorablement malgré la « Feuille de Route » qui demande l’arrêt total de l’expansion des colonies y compris pour les besoins de leur seule croissance naturelle.
Et le Monde est bien content de se satisfaire de cette référence à la violence (palestinienne) qui lui permet de fermer les yeux sur une violation évidente et à grande échelle de la 4eme Convention de Genève qui affirme, sans ambiguïté, l’interdiction formelle "pour une puissance occupante d’implanter sa population en territoire occupé" .