(il faut dire qu’il a été aidé : l’écrivain et Prix Nobel de
la Paix Elie Wiesel aurait rédigé une bonne partie de son discours).
A
l’instar des propagandistes totalitaires d’Orwell proclamant LA GUERRE
C’EST LA PAIX et du gouvernement israélien qui place des panneaux le long
du Mur (pardon, de la barrière) à l’entrée de Bethléem pour y accueillir
les Palestiniens avec un QUE LA PAIX SOIT AVEC VOUS, Olmert a déclaré à
Washington : LE REALIGNEMENT UNILATERAL, C’EST LA PAIX.
Et parceque Olmert utilise le langage orwellien (quelqu’un, y compris le
Président Bush ou les membres du Congrès, peut-il nous expliquer ce que
"convergence" et "réalignement" signifient ?), nous devons écouter
attentivement ce qui est dit, ce qui n’est pas dit, et ce que cela veut
dire.
Ce qui a été dit semble très bien, si pris au premier degré. Olmert, qui
assure "tendre une main pacifique vers Mahmoud Abbas, le président élu de
l’Autorité palestinienne", a décrété qu’Israël était prêt à négocier avec
lui à condition que les Palestiniens "renonçent au terrorisme, procèdent
au démantèlement de l’infrastructure terroriste, acceptent tous les
accords et engagements précédemment pris, et reconnaissent le droit à
l’existence d’Israël". S’ils font tout cela, Olmert maintiendra
l’engagement d’Israël pour une solution de deux-Etats.
Qu’est-ce qui n’a pas été dit ? Tandis que la référence à un Etat
palestinien semble pleine de promesses, deux éléments-clé contenus à la
Feuille de Route et définissant ledit Etat étaient absents : la fin de
l’Occupation israélienne, et l’établissement d’un Etat palestinien viable.
"L’accord — dit le texte de la Feuille de Route à laquelle Bush et Olmert
font sans cesse allégeance — aura pour conséquence l’émergence d’un Etat
palestinien indépendant, démocratique et viable, et vivant en paix et dans
la sécurité aux côtés d’Israël. Cet accord mettra... fin à l’occupation
qui a commencé en 1967."
Le "plan de convergence" d’Olmert (maintenant rebaptisé "plan de
réalignement" parceque cela sonne mieux en NewsVerbiage anglais), axé sur
les "faits accomplis" démesurés qu’Israël continue à mettre
unilatéralement en oeuvre avec le soutien patent des Américains, ne peut
vraisemblablement donner lieu à un Etat palestinien viable.
La "Barrière
de Séparation", qui sera considérée comme la "frontière démographique"
permanente d’Israël, absorbe 10 % de la Cisjordanie. Cela peut sembler
peu, mais pensez à ceci : cela permet d’incorporer dans l’Etat d’Israël
les principaux blocs de colonies (plus un demi-million de colons
Israéliens), tout en découpant la Cisjordanie en plusieurs petits
"cantons", tous déconnectés les uns des autres, et tous appauvris.
Situation peu propice à la consitution d’un Etat viable. Cela enlève aux
Palestiniens leurs terres agricoles les plus riches, et toutes leurs
ressources en eau.
Le plan de convergence permet aussi de créer un "grand" Jérusalem
israélien sur la totalité de la partie centrale de la Cisjordanie, coupant
alors un Etat palestinien de son centre économique, culturel, religieux et
historique. Il met aussi les Palestiniens en sandwich entre la
Barrière/frontière et encore une autre frontière "sécuritaire", celle de
la Vallée du Jourdain, donnant alors à Israël deux frontières à l’Est du
pays.
De fait, tant la liberté de mouvement des personnes que la libre
circulation des biens et services devient impossible pour les Palestiniens
à la fois vers Israël et aussi la Jordanie, mais également en interne
entre les différents cantons. Israël se réservera le contrôle de l’espace
aérien palestinien et de la sphère électro-magnétique, et même celui du
droit des Palestiniens de mener leur propre politique extérieure.
La Feuille de Route, à l’instar du droit international en ce qui concerne
la fin des occupations d’une façon générale, met l’accent sur une solution
négociée entre les parties. Olmert a fait grand cas du terrorisme
palestinien (jouant habilement de l’émotion des Américains à l’énoncé d’un
tel mot), en érigeant des conditions préalables aux négociations. Israël
est disposé à négocier avec l’Autorité Palestinienne, a-t-il dit, si elle
renonce au terrorisme, démantèle l’infrastructure terroriste, reconnaît
les accords précédents et le droit d’Israël d’exister (un droit qu’Israël
n’a d’ailleurs pas reconnu aux Palestiniens).
Ce qui n’est pas mentionné,
c’est l’Occupation par Israël qui, indépendamment de l’exigence de la fin
de la terreur et des négociations, est institutionalisée et rendue
permanente.
C’est parceque ni la sécurité ni le terrorisme ne sont en
réalité le fond du problème ; la politique israélienne d’annexion repose
sur une revendication pro-active sur le pays tout entier. De fait, aucun
élément quelconque de l’Occupation — la création de 300 colonies de
peuplement, l’expropriation de la plupart des terres en Cisjordanie, la
démoliton de quelque 12.000 maisons palestiniennes, le déracinement d’un
million d’oliviers et d’arbres fruitiers, la construction d’un immnense
réseau d’autoroutes pour relier les colonies avec Israël même, et le tracé
tortueux de la Barrière bien à l’intérieur des Territoires palestiniens —
ne peuvent être expliqués par des impératifs de sécurité. Le terrorisme,
de quelque côté qu’il vienne, est condamnable (notons quand même qu’Israël
a tué quatre fois plus de civils Palestiniens que ne l’ont fait les
Palestiniens), mais demander que la résistance cesse alors même que
l’occupation est rendue permanente, c’est tout simplement déraisonnable.
Finalement, qu’est-ce qu’on a voulu dire ? Apartheid. Le mot commençant
par un "A" a été omis du discours d’Olmert, bien entendu, mais le
fondement de son plan de convergence est clair : c’est l’établissement
d’un régime permanent et institutionalisé reposant sur la domination
d’Israël sur les Palestiniens, et fondé sur la séparation entre Juifs et
Arabes. Et ce sous environ 6 à 9 mois, selon le planning d’Olmert.
Olmert
peut croire que les Juifs réussiront là où les Afrikaners ont échoué, mais
l’histoire nous enseigne qu’au bout de la ligne, l’injustice ne peut être
soutenue dans la durée. Et que la convergence/réalignement n’est rien
d’autre qu’une injustice manifeste.
(Jeff Halper est le "Coordinator" du Comité Israélien contre la Démolition
de Maisons /ICAHD - Israeli Committee Against House Demolitions (ICAHD) -
et a été nominé, avec le militant pacifiste palestinien Ghassan Andoni, au
prix Nobel de la Paix 2006. Il peut être joint à jeff@icahd.org).