Après l’affrontement Est/Ouest du temps de la guerre froide, il paraît que l’ordre international entre dans une « recomposition » au prisme de l’opposition entre l’Occident et « les terres d’Islam ».
Selon une thèse très défendue aujourd’hui par l’Occident, ces dernières seraient incompatibles avec la réalisation pleine et entière du régime démocratique promu par cet Occident. Il s’agit de dire ici qu’il y a en la matière une part de mythe qui peut être considéré comme refondateur de l’histoire des relations internationales à venir ou dans le futur.
Autrement dit, longtemps masquée par la focalisation du débat sur l’opposition Est/Ouest, « la résistance fondamentaliste » (considérée comme le fer de lance du choc des cultures) s’est affirmée ouvertement depuis le début des années quatre-vingt-dix.
Il est à noter qu’il y a plusieurs facteurs internes et externes qui ont permis le développement d’une idéologie d’opposition souvent spontanée et indéfinie, parfois radicale, à l’hégémonie occidentale, tenue pour responsable de la situation. On mentionne ici le conflit larvé qui oppose l’Etat d’Israël et les pays arabes de la région, notamment l’Autorité palestinienne aujourd’hui. Ce conflit revêt une dimension internationale, en ce sens qu’il oppose une entité étatique (Israël depuis la création de son Etat en 1948) et une autorité autonome (palestinienne) revendiquant la qualité d’Etat indépendant vivant en paix. Ainsi, ce problème tend depuis quelques années à devenir une vitrine de l’opposition entre le monde arabo-musulman et l’Occident (le régime israélien étant soutenu par les Etats-Unis d’Amérique et on demande à l’Autorité palestinienne de parvenir à endiguer l’ascension des activistes de la résistance qui sont considérés comme fondamentalistes). Le problème existant aujourd’hui est que l’affrontement a débouché sur une augmentation de la violence qui ne trouve plus d’issue et sur une injustice internationale qui se perpétue. En effet, le débat tourne autour de l’importance qu’il convient d’accorder à ce conflit qui tend à devenir le catalyseur du « choc des civilisations » entre l’Occident et le monde arabo-musulman. En tout cas, le terme de choc des cultures conduit sûrement à une lecture excessivement binaire de l’histoire.
En revanche, ce choc des cultures sert les intérêts de quelques pays occidentaux, qui ont trouvé là le moyen de se redéfinir par rapport à ce monde arabo-musulman qui faisait défaut depuis l’effondrement du bloc de l’Est. Il sert aussi les intérêts des opposants aux régimes orientaux qui peuvent trouver un vecteur de mobilisation politique. A ce propos, Christophe Euzet écrit, dans son ouvrage Relations Internationales, « on ne peut plus nier aujourd’hui que la lutte anti-fondamentaliste sert de fondement aux intérêts, plus globaux, de la politique extérieure américaine ».
En outre, il y a ce que l’on appelle la tentation sécuritaire, c’est-à-dire la démarche qui consiste à privilégier un mode d’action politique résolument orienté sur l’autoprotection, au risque de heurter des principes fondamentaux de l’organisation démocratique. Au niveau international, celle-ci peut se concrétiser par la production de règles de plus en plus privatives de libertés ou par la violation des règles considérées comme trop permissives. La tentation sécuritaire peut revêtir différentes formes et se matérialiser à plusieurs niveaux. C’est ainsi par exemple que la construction d’un mur de protection et les opérations de répression armée sur le territoire de l’Autorité palestinienne sont des entorses à la légalité internationale fondées sur la logique sécuritaire.
Dans le même ordre d’idées, l’intervention alliée en Irak, décidée par les Etats-Unis en 2003, est une utilisation déviante du droit à la légitime défense. En effet, en intervenant en Irak - et on constate les conséquences désastreuses aujourd’hui dans ce pays - pour des raisons de légitime défense préventive (notion qui est à vérifier avec les normes du droit international public), il y a atteinte à un ordre juridique international pour des motifs sécuritaires. On peut répertorier dans le même registre, mais d’un autre angle, la possibilité de la reprise des programmes nucléaires par des pays sous prétexte que le système international ne protège pas suffisamment la sécurité. Le débat tourne ici autour du fait que le « remède » peut parfois s’avérer pire que le « mal ». L’attaque contre des pays et des peuples, dans une perspective sécuritaire, peut conduire à la violation de l’ordre normatif en cours de construction.
Par ailleurs, la scène internationale est ainsi exposée à une perte de sens. On entend par là l’impossibilité de conférer une finalité à l’histoire. Vouées au matérialisme et à un individualisme exacerbé, les sociétés occidentales seraient mues par une dynamique autosuffisante de production/consommation et influencées par une logique d’intérêts parfois destructrice, et dépourvue de tout objectif sociétal international juste.
Enfin, il est clair et personne ne doute que la pacification des relations internationales de demain passe en grande partie par la résorption négociée du conflit israélo-palestinien, et au retour à un processus de paix effectif basé sur le respect des droits des pays et des peuples.
Notes
1- Christophe Euzet, Relations internationales, Ellipses Editions, Paris, 2004.
2- B. Badie, Culture et politique, Economica, 1986.
3- S. Huntington, Le choc des civilisations, 1997.