Juste après la décision du premier ministre israélien, Ehud Olmert, inculpé dans des affaires de corruption, de ne pas briguer une nouvelle candidature pour le renouvellement de la direction à l’issue des primaires de son parti, Kadima, le 17 septembre, une course à la succession s’est engagée en Israël pour décrocher la place très « convoitée » du premier ministre. Déchu, Olmert a indiqué cette semaine qu’il s’était retiré du pouvoir pour « mieux défendre son innocence » même s’il a reconnu avoir commis des erreurs. Bien que le retrait d’Olmert ait enlisé le pays dans une grave crise politique, il n’était une surprise ni pour les politiques ni pour les analystes israéliens. C’était le résultat logique des pressions subies ces derniers mois par le premier ministre essoufflé par des scandales de corruption, et lâché par ses partenaires de coalition ainsi que par les membres de son propre parti.
A l’heure actuelle, plusieurs étapes sont à suivre pour retracer le paysage politique d’un pays en proie au brouillard politique depuis le retrait de son premier ministre. La première étape aura lieu le 17 septembre pour désigner le remplaçant d’Olmert à la tête de son parti, Kadima (parti au pouvoir). Selon tous les sondages publiés cette semaine en Israël, deux candidats sont en bonne position : Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, et Shaoul Mofaz, ex-chef d’état-major de Tsahal et ministre des Transports. En effet, Mme Livni est considérée comme l’Israélienne la plus influente depuis Golda Meir, la première femme à avoir été premier ministre dans les années 1970. Elle compte sur son image de femme aux « mains propres » pour se démarquer le plus possible d’Ehud Olmert. Bien plus, Livni a le soutien de l’Administration Bush et elle a su maintenir le dialogue avec la plupart des responsables de l’Autorité palestinienne. Pourtant, elle doit faire face à un rival de poids, Shaoul Mofaz, qui semble jouir de l’appui de l’appareil du Kadima et pourrait disposer du soutien de M. Olmert, dont les relations avec la ministre des Affaires étrangères étaient très tendues ces derniers temps. Pour le moment, les sondages donnent « un léger avantage » à Mme Livni dans son parti face à M. Mofaz, davantage considéré comme un « faucon ». Selon les experts, si le nouveau dirigeant du Kadima ne parvenait pas à former un gouvernement, des législatives anticipées seraient organisées le plus tôt possible.
Selon la législation israélienne, le président Shimon Pérès devrait désigner le prochain chef du Kadima, le plus important parti du Parlement, pour constituer un gouvernement. Celui-ci disposera d’un délai de 42 jours pour mobiliser une majorité au Parlement et faire voter la confiance. En cas d’échec, le président peut éventuellement désigner un autre député pour mener à bien cette mission, ou proclamer qu’il est impossible de former un cabinet et proposer au Parlement de voter une loi de dissolution, alors que le mandat actuel du Parlement s’achève normalement en 2010.
Les enjeux d’un scrutin anticipé
D’après les experts, l’organisation d’un scrutin anticipé semble être le scénario le plus probable pour le moment. Selon plusieurs sondages publiés en Israël, deux noms semblent les mieux placés pour occuper le poste de premier ministre. D’ores et déjà, le duel s’annonce fort serré entre Benyamin Netanyahu, chef de la droite (Likoud), et Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, si celle-ci représente le parti Kadima lors d’éventuelles législatives anticipées. Selon le journal Yedioth Aharonot, le Likoud remportera 30 sièges à la Knesset, contre 29 pour Kadima. Pour Haaretz, Kadima l’emporte avec 26 sièges, contre 25 pour le Likoud. Selon les analystes, Netanyahu a le vent en poupe. Il est un adversaire de poids face à Mme Livni, surtout s’il réussit de rassembler un groupe de plusieurs petits partis indécis sous son aile. Cet ex-premier ministre semble bien engagé sur la voie du retour au pouvoir, qu’il a exercé de 1996 à 1999. Tous les sondages le donnent gagnant en cas d’élections anticipées à la fin de l’année ou au début de 2009.
L’Histoire nous rappelle que les premiers ministres israéliens ont toujours été du Likoud jusqu’en 2005, sauf durant le gouvernement de Shimon Pérès entre 1983 et 1985. Ceci dit, le temps joue pour le moment en faveur de Benyamin Netanyahu. Sa stratégie de reconquête est au point et les ralliements au sein du Likoud ont déjà commencé dans les coulisses.
Autre scénario possible. Si Mme Livni est désignée premier ministre, elle pourrait échouer dans ses tentatives pour rallier une majorité. Au sein de la direction du Kadima, la capacité de cette femme à maintenir la coalition actuelle émet de gros doutes face à la concurrence du ministre des Transports. Selon les experts, Tzipi Livni espère rallier le Likoud de Netanyahu à une grande coalition qu’elle dirigerait, en jouant sur la corde de l’union nationale. Pourtant, Netanyahu a exclu cette semaine toute alliance avec le successeur d’Ehud Olmert à la direction du parti Kadima. « Ce gouvernement a achevé sa mission. Peu importe qui sera à la tête du Kadima », a déclaré le chef de la droite. « Tout le monde est responsable dans ce gouvernement d’une série d’échecs. Il faut laisser le peuple décider avec de nouvelles élections. Si je suis élu, je constituerai un gouvernement d’union, et non pas un gouvernement issu de combines », a ajouté l’ancien premier ministre.
Quant aux Travaillistes, troisième parti politique d’Israël et principal partenaire de la coalition, leur leader, Ehud Barack, s’est montré plus flexible, déclarant samedi que les Travaillistes envisageaient de rester dans le nouveau gouvernement dirigé par le prochain président du parti Kadima. Ce qui correspond à l’invitation de Livni, vendredi, appelant les autres partis à mettre de côté leurs « petits calculs internes » pour se rassembler autour de son projet, selon lequel Kadima devait rester le pivot du gouvernement.
Pour le moment, l’horizon politique en Israël est flou et indécis. Une seule chose demeure sûre et certaine : le départ d’Olmert représente pour beaucoup l’échec de sa coalition. Olmert est en tout cas le premier ministre le plus impopulaire de l’Etat hébreu.