En 2022, l’AFPS a organisé trois tournées pour permettre aux groupes locaux de recevoir des acteurs et actrices de la résistance populaire :
– Jeunesse palestinienne en résistance avec Abeer Qassem, Mohamed Zwareh et Ansam Khader.
– Munther Amira du camp d’Aida et coordonnateur de la campagne Faz3a et de multiples actions dans toute la Cisjordanie et Amal Khader du village de Beita.
– Sami Huraini de Masafer Yatta, fondateur du mouvement Youth of Sumud des collines du sud d’Hébron, nouveau président du Popular struggle coordination committee.
Ainsi ils ont pu témoigner des violences qu’ils subissent mais aussi de leur infatigable résistance et des dynamiques qu’ils mettent en place. Depuis la situation sur le terrain ne s’est pas améliorée, c’est le moins qu’on puisse dire.
Un des éléments marquants est malheureusement le ciblage des militants par les colons et l’armée :
– Hafez Huraini de Masafer Yatta, battu par les colons, aurait pu être emprisonné à vie sans la vidéo d’un militant britannique qui prouvait qu’il avait bien été agressé et non l’inverse comme l’affirmaient les colons.
– Munther Amira, lors d’une manifestation à Ramon, a été pris pour cible (les deux genoux) par un soldat. Il lui a été signalé que la prochaine fois, ils viseraient la tête.
– La campagne Faz3a (protection des agriculteurs pour la récolte des olives) a vu les organisations de colons multiplier les appels au meurtre dont les conséquences auraient pu être dramatiques. Les portraits de Munther, Abeer et d’autres ont été diffusés sur les réseaux afin qu’ils soient identifiés. Les militants ont été attaqués, leurs voitures détruites, les journalistes empêchés de faire leur travail. Jusqu’à une militante juive israélienne de 70 ans qui a été agressée très violemment par ces fous dangereux.
– Début juin, toujours à Masafer Yatta, les colons ont exigé des soldats l’arrestation de membres des Youth of Sumud. Sami Huraini ne compte plus les contrôles violents et les retenues de quelques heures dont il est victime.
– Issa Amro qui vit au cœur du secteur d’Hébron totalement sous contrôle des colons est régulièrement la cible d’agressions en tout genre dont des tentatives de s’emparer de sa maison pour le faire partir, afin d’empêcher les militants de témoigner et d’apporter assistance aux familles.
– Le 5 juin, Munther Amira, Abeer Qassem et Muhamad Zwareh, qui apportaient du matériel à la communauté bédouine de Ras al-Tin ont été violemment pris à parti par des jeunes colons fous furieux, armés de barres de fer ; ils n’ont eu d’autre option que de faire demi-tour.
L’infatigable résistant de Jérusalem, Mohamed abu al-Hummus, continue de se déplacer devant la porte de Damas ou à Sheikh Jarrah face aux colons avec le drapeau palestinien levé bien haut. Il est régulièrement arrêté et agressé par l’armée d’occupation et les colons ultras violant de Sheikh Jarrah.
– Sans oublier les agressions aveugles contre les villages et les quartiers qui n’ont jamais laissé tomber et continuent de résister : nous aurions préféré ne pas avoir à reparler de Nabi Saleh et de l’assassinat du tout petit Mohamed al-Tamimi, deux ans et demi, tué d’une balle dans la tête par un assassin sans foi ni loi qui n’aura probablement jamais à rendre de comptes. Pas plus que celui qui a frappé Nariman Tamimi lors des obsèques de son petit-neveu.
Difficile de faire un état des lieux complet de la résistance populaire tant elle est quotidienne et diffuse et pas forcément mise au grand jour. Elle est en lien direct avec les attaques de l’occupation et de la progression constante et exponentielle de l’annexion de la Cisjordanie.
La situation faite aux populations bédouines est à cet égard particulièrement significative
Les Palestiniens les considèrent comme les gardiens de la terre qu’ils cultivent et où ils font paître leurs troupeaux, ils empêchent l’occupation de s’en emparer.
C’est le cas des communautés vivant au sud d’Hébron à Masafer Yatta ou Sussya. C’est le cas de Khan al-Ahmar, objet d’une bataille politique et judiciaire depuis des années, ou de la vallée du Jourdain. C’est le cas de Ein Samiya, à l’Est de Ramallah, qui a malheureusement fait parler d’elle fin mai. Autant de lieux stratégiques pour l’annexion, la fragmentation du territoire occupé et l’isolement de ses habitants les uns des autres.
C’est aussi le cas, en Israël, de toutes les communautés du Naqab (désert du Néguev pour Israël). En s’en prenant aux communautés bédouines et en déployant toutes sortes de stratégies pour les déplacer de force, Israël vise à récupérer un maximum de terre en déplaçant un minimum de personnes. La résistance populaire palestinienne s’attache à leur apporter soutien et aide afin qu’elles puissent rester.
Le secteur de Masafer Yatta, sur lequel nous attirons l’attention depuis des mois, en est un exemple significatif : 1 300 personnes vivent dans un secteur très étendu en bordure de la ligne verte. Le nettoyage ethnique de cette région permettrait à Israël de s’approprier une zone plus vaste que la bande de Gaza. Ce secteur a toujours été le lieu d’une résistance farouche de la part de ses habitants palestiniens. Sami Huraini raconte comment sa grand-mère, puis son père et maintenant sa génération ont toujours fait face à la volonté de nettoyage ethnique de ce territoire. Ils se sont toujours organisés collectivement. Ils ont le soutien des mouvements de résistance populaire (présence sur les lieux, campagne numérique, film documentaire etc.) et aussi du mouvement de solidarité. Ils sont malheureusement éloignés et isolés dans une zone désertique. L’AFPS, en contact permanent avec eux, réitère la recommandation que les missions en Palestine se rendent à Masafer Yatta. La présence - ou juste le passage – d’internationaux est un message que nous devons envoyer à l’occupation bien sûr, mais aussi aux habitants qui résistent au quotidien pour rester, afin qu’ils ne se sentent pas seuls.
Autre secteur particulièrement ciblé, celui entre Ramallah et la vallée du Jourdain peuplé lui aussi de nombreuses communautés bédouines ayant toutes vécu déjà de nombreux transferts forcés depuis la Nakba, notamment celle de Ein Samiya. Depuis des années, la résistance populaire attire l’attention de qui veut bien ouvrir les yeux sur les communautés vivant à portée de violence de la colonie de Kohav Hashahar. Le harcèlement des colons n’a cessé de s’accroître ces derniers temps : agressions nocturnes, vol des panneaux solaires, destruction des cultures et de bâtiments, vol de bétail, confiscation de réservoirs d’eau. Une population privée de ses capacités à se nourrir et vivant en permanence sous la terreur. Le soutien des militants de la résistance populaire n’aura pas suffi : le 22 mai, la communauté est partie. Plus possible de risquer plus longtemps leur vie et de soumettre leurs enfants à une telle situation de terreur.
Le nouveau défi de la résistance populaire est de soutenir la communauté voisine de Ras al-Tin pour qu’elle ne subisse pas le même nettoyage ethnique. La nuit du 5 juin (suite à l’agression des militants par les colons – voir plus haut), elle a organisé une manifestation nocturne sur les terres de Ein Samiya avec la communauté de Ras al-Tin. Le message est clair : la résistance populaire est aux côtés des communautés menacées, la terre de Ein Samiya est palestinienne et elle ne sera pas abandonnée aux colons. La communauté du village voisin de Kafr Malik a participé activement à cette action et s’est engagée à poursuivre la résistance autour de Ein Samiya en utilisant les tactiques de la lutte de Beita, telles que les lasers, pour perturber les activités des colons et défendre la terre.
Ces quelques exemples le montrent, les militants de la résistance populaire font preuve d’un courage remarquable et d’une imagination débordante ; ils se déplacent autant qu’ils le peuvent pour soutenir les initiatives locales ou les populations comme à Huwara par exemple, mais cela ne cache pas un manque cruel de moyens, de soutien efficace de l’Autorité palestinienne mais aussi un réel problème de structuration du mouvement.
Quant à l’AFPS, elle leur assure un soutien total et contribue autant que possible à la popularisation de leurs actions, au soutien financier d’initiatives destinées à aider les populations à rester sur leur terre. Vous pouvez retrouver des informations du site, entre autres dans la rubrique « En direct de Palestine ».
Anne Tuaillon