Photo : Des soldats israéliens arrêtent un garçon palestinien alors que des Israéliens visitent la ville d’Hébron en Cisjordanie pendant la fête juive de Sukkot, le 23 septembre 2021. Crédit : Wisam Hashlamoun/Flash90.
Plus tôt dans la journée, Israël et le Hamas ont finalisé les détails d’un accord visant à suspendre les hostilités dans la bande de Gaza près de sept semaines après le début de la guerre. L’accord comprend un cessez-le-feu de quatre jours et un échange de 50 otages israéliens contre 150 "prisonniers de sécurité" palestiniens, avec la possibilité de nouveaux échanges par la suite. Ce sont des conditions que le Hamas aurait proposées à Israël il y a quelques semaines au début de la guerre, mais le Premier ministre Benjamin Netanyahu a préféré lancer une attaque totale contre la bande de Gaza assiégée, tuant plus de 14 000 Palestiniens, avant d’envisager un accord – même au détriment de la sécurité et du bien-être des otages israéliens.
Israël a publié les noms de 300 prisonniers palestiniens qu’il envisage de libérer dans le cadre de l’accord ou lors de la libération d’autres otages israéliens, afin de permettre des recours légaux devant les tribunaux israéliens contre la libération d’individus spécifiques. Tous les otages et prisonniers qui seront échangés à ce stade sont des femmes et des mineurs. Pourtant, de nombreux membres de la droite israélienne, et peut-être même le grand public, estiment que le gouvernement fait une concession importante en libérant de dangereux "terroristes" au nom de quelques otages.
En lisant la liste des prisonniers palestiniens dont la libération est prévue, la première chose qui vous frappe est leur âge. La grande majorité d’entre eux – 287 – est âgée de 18 ans ou moins, et cinq n’ont que 14 ans, ce qui pose la question suivante : comment un garçon de 14 ans devient un "prisonnier de sécurité" ?
Les noms figurant sur la liste incluent des membres présumés de factions politiques palestiniennes comme le Hamas, le Fatah, le Jihad islamique et le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), ainsi que de nombreuses personnes qui ne sont affiliées à aucun groupe. Aucun n’a été reconnu coupable de meurtre. Certains ont été reconnus coupables de tentative de meurtre, tandis que la majorité a été inculpé de délits moins graves, dont un grand nombre a été arrêté pour jet de pierres. L’un d’eux, âgé de 17 ans, est derrière les barreaux depuis deux ans pour avoir jeté des pierres sur un véhicule de la police israélienne à Jérusalem – la même ville où les colons juifs peuvent mener des émeutes contre des Palestiniens qui se terminent rarement par des enquêtes, encore moins par des arrestations.
Avant tout, cette liste est un témoignage étourdissant de la place centrale de la détention et de l’emprisonnement dans l’occupation et le contrôle par Israël des Palestiniens. Selon les données du groupe israélien de défense des droits humains HaMoked, en novembre 2023, Israël détenait 6 809 "prisonniers de sécurité". Parmi eux, 2 313 purgent une peine de prison, 2 321 n’ont pas encore été condamnés par un tribunal, 2 070 personnes sont en détention administrative (emprisonnées pour une durée indéterminée sans procès ni procédure régulière) et 105 sont des "combattants illégaux" qui ont été arrêtés lors des attaques du Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël.
La quasi-totalité des 300 Palestiniens dont la libération est envisagée sont des prisonniers relativement récents, arrêtés au cours des deux dernières années. Les exceptions sont 10 femmes de Jérusalem et de Cisjordanie qui ont été emprisonnées depuis 2015-2017, la plupart d’entre elles pour avoir tenté ou commis des attaques au couteau contre les forces de sécurité israéliennes – dont certaines se sont terminées sans aucun dommage, tandis que d’autres ont causé des dommages mineurs à modérés comme des blessures.
Tout cela, il convient de le rappeler, est supervisé par le même système judiciaire qui, parmi d’innombrables autres exemples, a décidé de classer sans suite le dossier d’un colon israélien qui avait poignardé à mort un jeune Palestinien en mai 2022 parce qu’"il n’était pas possible d’exclure" la version [du suspect] selon laquelle il avait agi en état de légitime défense. C’est le même système qui, en juillet de cette année, a acquitté un policier israélien qui avait abattu Iyad al-Hallaq, un Palestinien autiste, malgré des témoignages clairs et des preuves vidéo prouvant qu’il n’était pas armé et ne proférait aucune menace d’aucune sorte.
À cela s’ajoute le fait que les "prisonniers de sécurité" palestiniens sont jugés par un système judiciaire militaire distinct qui affiche un taux de condamnation compris entre 95 et 99 pour cent. La clémence, aux yeux du régime d’apartheid israélien, est un droit réservé aux seuls juifs.
Alors que les Juifs qui participent à des émeutes, attaquent et même tuent des Palestiniens sont à l’abri de poursuites, la liste des prisonniers nous rappelle que les Palestiniens peuvent être arrêtés en bloc sur la seule base de leur "intention" de commettre un acte violent. L’une des personnes figurant sur la liste, une femme de 45 ans originaire de Jérusalem, est en prison depuis plus de deux ans "parce qu’elle a été arrêtée dans la vieille ville avec un couteau à la main" et "a déclaré qu’elle avait l’intention de mener une attaque." Pendant ce temps, le ministre israélien de la Sécurité nationale kahaniste exhorte les Juifs à s’armer tout en distribuant des armes comme des bonbons, et de nombreux Israéliens de droite écrivent d’innombrables messages, en public et en privé, annonçant joyeusement leur intention de "tuer autant d’Arabes que possible".
Parfois, "l’intention" n’apparaît même pas sur la liste des accusations. Un jeune de 18 ans de Jérusalem a été "arrêté avec d’autres parce qu’il criait "Allahu Akbar"". Une jeune femme de 18 ans, originaire de Cisjordanie a été emprisonnée pendant des mois pour "incitation sur Instagram". Au sein du public israélien, en revanche, les appels explicites au génocide sont considérés comme un moyen légitime de remonter le moral national, tandis que les Palestiniens de nationalité israélienne peuvent être arrêtés pour avoir affiché quelque chose d’aussi simple qu’une photo de Shakshuka à côté du drapeau palestinien.
Parmi les actes d’accusation répertoriés, seuls quelques-uns sont liés à l’utilisation d’armes et à l’ouverture du feu sur les forces israéliennes (et même dans ces cas, il n’y a eu aucun décès). La grande majorité des incidents impliquent des jets de pierres ou de cocktails Molotov, des tirs de feux d’artifice et des "troubles à l’ordre publics". Cela valait-il la peine de laisser des otages israéliens, des femmes et des enfants, languir encore quelques semaines à Gaza pour continuer à emprisonner un jeune homme qui a osé crier "Dieu est grand" ?
Traduction : AFPS