Quand, il y a quelques temps, l’inquiétude d’un boycott académique d’Israël était à son comble, j’ai publié ici un article dans lequel je critiquais la manière dont l’agitation de la propagande israélienne détournait l’opinion de l’essentiel (l’occupation) vers l’accessoire (le boycott). « Le boycott n’est pas moral, le boycott n’est pas légal », criaient les porte-parole du monde académique israélien, comme si l’occupation l’était, elle, morale et légale. J’écrivais alors que la question de savoir si le boycott était la réponse appropriée (j’étais partagé à ce sujet) était une question secondaire, et que ce qui était important, c’était que le boycott faisait porter l’attention sur la question essentielle - l’occupation - et dénonçaient ses partisans.
Alors maintenant que l’association britannique des enseignants universitaires a décidé d’annuler le boycott pour des raisons juridiques et de règlement interne qui n’ont rien à voir avec la question elle-même, j’aimerais pointer à nouveau l’absence de fondement de l’agitation israélienne : ce n’est pas l’annulation du boycott qui importe, c’est la poursuite de l’occupation. Boycott ou non, il n’y a pas place ici pour la joie manifestée par la Ministre de l’Education et les responsables du monde académique. De la joie pourquoi ? Parce que les universités, dans les Territoires, sont empêchées de fonctionner ? Parce que, d’un autre côté, une institution universitaire israélienne (qui suscite de molles protestations parallèlement à un soutien à sa fondation et à son maintien) continue de se construire dans le chef-lieu de l’occupation, Ariel ? Parce qu’en Israël, les universités peuvent continuer d’enseigner, sans être troublées, l’héritage des Lumières et de la démocratie comme si, à seulement quelques kilomètres de là, un régime d’oppression et d’expulsion ne sévissait pas depuis quarante ans sans interruption ?
La Ministre de l’Education du gouvernement israélien ne devrait pas se réjouir de l’annulation du boycott. Elle devrait en être plus inquiète. Sous la pression de la menace de boycott, il y aura au moins eu débat autour des questions de savoir si les universités servaient d’une quelconque manière l’occupation, participant par là à des violations du droit international, si elles font parties du système politique global à la tête duquel se trouvent le Ministère de la Défense et l’armée, et à la base duquel se trouvent le Conseil de Judée-Samarie et la « jeunesse des collines », système voué à la mise en œuvre de la poursuite de l’occupation, ou de savoir s’il y a en Israël une liberté académique et une distinction institutionnelle autorisant l’existence d’un débat critique sur l’occupation et l’oppression.
Mais maintenant qu’a été retirée la menace de boycott, même cela il n’est déjà plus besoin de le demander. On peut poursuivre comme avant-hier. La Ministre de l’Education devrait être davantage préoccupée par l’absence de menace d’un boycott que de son retrait. Le boycott ne porte pas dommage à Israël, c’est la poursuite de l’occupation qui nous est néfaste.