Photo : prison israélienne Ktzi’ot, dans le sud du Naqad, le désert aujourd’hui sous administration israélienne. Source : Wikipédia
Les cinq dernières années d’étés étouffants rappellent à Yacoub Abu Asab les prisons israéliennes où il a passé 15 ans de sa vie.
Pour les détenus palestiniens, la saison chaude est en soi une prison dans la prison.
Les mesures restrictives d’Israël aggravent les maux des prisonniers contraints de souffrir des canicules annuelles dans des prisons situées dans le désert ou près de vallées chaudes et humides qui rendent la vie insupportable, a déclaré l’ancien détenu de 51 ans à Middle East Eye.
M. Abu Assab a purgé sa dernière peine de six ans dans les prisons de Gilboa et de Megiddo, dans le nord de la Palestine occupée, où, estime-t-il, les vagues de chaleur s’aggravent d’année en année.
Dans les prisons israéliennes, les détenus sont régulièrement essoufflés et souffrent de malaise en raison de l’absence de systèmes de refroidissement et de la surpopulation carcérale, certaines cellules pouvant accueillir jusqu’à huit détenus.
Les prisons israéliennes sont construites en béton, un matériau qui retient la chaleur, et ne disposent pas d’une ventilation adéquate.
Par ailleurs, certaines cellules n’ont pas de fenêtres, d’autres sont situées sous terre, tandis que d’autres encore n’ont qu’une seule fenêtre donnant sur un espace clos qui ne laisse pas circuler la brise.
« À l’intérieur de la cellule, les prisonniers essaient de réduire la chaleur par eux-mêmes. Ils sont donc obligés de se doucher au moins cinq fois par jour afin de protéger leur corps de la transpiration excessive ou des maladies de la peau », a déclaré M. Abu Asab.
« Ils vaporisent également de l’eau sur leurs lits et leurs oreillers pour produire un peu de fraîcheur, mais celle-ci s’évapore rapidement ».
Les prisonniers ont droit à un petit ventilateur dans chaque chambre. Mais il ne fait que déplacer l’air chaud et n’atteint pas les quatre coins de la pièce.
Les autorités pénitentiaires sont également connues pour couper l’électricité des cellules pendant la journée, ce qui signifie que les prisonniers ne peuvent même pas utiliser le ventilateur.
Par ailleurs, la plaque chauffante utilisée pour cuisiner et réchauffer les aliments rend les cellules plus étouffantes. Certains prisonniers évitent donc de s’en servir pendant l’été et préfèrent manger des aliments froids en conserve, selon M. Abu Asab.
« En temps normal, à l’extérieur de la prison, nous ne pouvons pas penser, travailler, dormir ou vivre en général si nous n’avons pas de climatiseur, alors vous pouvez imaginer ce que le fait d’être privé de climatisation fait aux prisonniers qui souffrent déjà de conditions difficiles et de condamnations injustes », a-t-il déclaré.
« Un four »
Bayan Faroun, 28 ans, a été détenue pendant 40 mois à la prison de Damon, située près de la ville côtière de Haïfa, et décrit le centre de détention, qui accueille 30 prisonnières palestiniennes, comme « un four ».
« Nous partagions un ventilateur qui ne servait à rien et, malheureusement, nos conditions de détention étaient plus difficiles que celles des autres prisonnières, puisque la douche était située à l’extérieur de notre section et que nous n’étions autorisées à l’utiliser qu’une fois par jour, à des heures déterminées par l’administration pénitentiaire », a-t-elle déclaré.
Le seul réfrigérateur dont disposaient les prisonniers était [également] situé à l’extérieur de leur section et était fermé tous les jours de 18 heures à 7 heures du matin, ce qui empêchait les prisonniers d’avoir accès à des boissons et à des aliments froids.
« Du fait de la chaleur extrême et de notre besoin d’eau fraîche, nous avions l’habitude d’apporter le bac à légumes et de le transformer en petit réfrigérateur en plaçant à l’intérieur des bouteilles d’eau que nous avions préalablement congelées, et de refroidir tout ce que nous voulions en le plaçant sur les bouteilles, mais après quelques heures, il se réchauffe à nouveau », a déclaré Faroun.
De nombreuses prisonnières souffrent de blessures par balles subies lors de leur arrestation, blessures qui provoquent des brûlures sous l’effet de la chaleur.
Israa Jaabis, originaire de Jérusalem, souffre de brûlures profondes qui couvrent 50 % de son corps et rendent les températures élevées de l’été particulièrement pénibles.
Le véhicule dans lequel elle se trouvait a explosé juste avant son arrestation en 2015 au motif qu’elle aurait tenté de mener une opération contre des soldats israéliens.
Selon Mme Faroun, qui partageait la même section de la prison que Mme Jaabis, celle-ci pleurait parfois de douleur sous l’effet de la chaleur sur sa peau brûlée.
Jaabis a également souffert de difficultés respiratoires qui se sont aggravées avec l’augmentation de l’humidité dans la prison, qui, comme beaucoup d’autres, manque de climatisation et d’aération.
Un bout de l’enfer
Plus de 5 000 Palestiniens sont actuellement incarcérés dans les prisons israéliennes. Si certains d’entre eux se trouvent dans des endroits plus chauds que d’autres, tous sont exposés à des températures inconfortables.
Amina al-Taweel, chercheuse au Centre palestinien d’études sur les prisonniers, a expliqué à Middle East Eye que les cellules dans lesquelles se trouvent les prisonniers palestiniens sont fermées de tous les côtés, sans ventilation adéquate, et que les ventilateurs à l’intérieur des pièces font seulement circuler de l’air chaud.
Les prisonniers qui souffrent le plus de la chaleur sont détenus dans des prisons situées dans des endroits particulièrement extrêmes - Negev, Rimon, Nafha et Eshel, dans le sud d’Israël. Ces prisons accueillent près de la moitié du nombre total de prisonniers palestiniens.
Mme Taweel a déclaré que plusieurs cas d’insolation, d’évanouissement et de difficultés respiratoires ont été enregistrés cette année, ajoutant que les conditions sont dangereuses pour les prisonniers malades qui n’ont déjà pas accès à des soins médicaux adéquats.
« Au lieu de les aider, l’administration pénitentiaire punit parfois les prisonniers en confisquant les ventilateurs », a-t-elle ajouté.
En outre, la chaleur étouffante fait ressortir des reptiles, des insectes et des scorpions venimeux, qui peuvent facilement se frayer un chemin dans les sections de la prison, mettant encore plus en danger la vie des prisonniers, a déclaré Mme Taweel.
Lorsque l’été s’achève, les prisonniers palestiniens sont contraints de se préparer à la saison hivernale, qui apporte avec elle un autre défi - le froid - ainsi que la pression constante exercée par les autorités pénitentiaires israéliennes, quelle que soit la saison.
Traduit par : AFPS