Selon cette source, deux sénateurs américains de premier plan, informés de cette attaque, ont prévu de rendre publique leur opposition à cette idée. Mais l’article d’opinion qu’ils prévoient de publier dans le New York Times reste encore à paraître.
Cette source, un diplomate de carrière américain et ancien secrétaire d’Etat adjoint, toujours actif dans la communauté des affaires étrangères, s’exprimant sous anonymat, a dit la semaine dernière que les Etats-Unis projettent une attaque aérienne contre le Corps des Gardes Révolutionnaires Iraniens (CGRI). Cette attaque aérienne viserait le quartier général de la force d’élite du CGRI, les Quds. Avec une force estimée à 90.000 combattants, la mission déclarée des Quds est de propager la révolution iranienne de 1979 dans toute la région.
Les cibles pourraient inclure les garnisons du CGRI dans le sud et le sud-ouest de l’Iran, près de la frontière avec l’Irak. Les responsables américains ont répété régulièrement que l’Iran aidait les insurgés irakiens. En janvier 2007, les forces américaines ont attaqué le consulat général iranien à Arbil, en Irak, et ont arrêté cinq membres du personnel, dont deux diplomates iraniens qu’ils ont détenus jusqu’en novembre.[1] En septembre dernier, le Sénat des Etats-Unis a approuvé une résolution par 76 voix contre 22 pressant le Président George W Bush de déclarer le CGRI organisation terroriste. A la suite de cette résolution non-contraignante "exprimant le sentiment du Sénat", la Maison Blanche a déclaré des sanctions en octobre dernier contre la Force Quds en tant qu’organisation terroriste. L’administration Bush a aussi accusé l’Iran de poursuivre un programme d’armement nucléaire, bien que la plupart des analystes des services de renseignements disent que ce programme a été abandonné.
Rockin’ and a-reelin’
Les Sénateurs et l’administration Bush ont réfuté que cette résolution déclarant [les forces Quds organisation] terroriste étaient un prélude à une attaque contre l’Iran. Toutefois, attaquer l’Iran ne semble jamais bien loin de l’esprit des dirigeants américains. Le sénateur de l’Arizona et présumé candidat officiel des Républicains à la présidence, John McCain, a remanié le tube classique des Beach Boys ’Barbara Ann’ en "Bombardez l’Iran !". La candidate démocrate Hillary Clinton a promis de "raser complètement" l’Iran s’il attaquait Israël.
Les Etats-Unis et l’Iran ont une longue histoire agitée, même sans cette attaque aérienne qui est envisagée. Les services secrets américains et britanniques étaient derrière les tentatives de destitution du Premier ministre Mohammed Mossadegh, qui avait nationalisé la Compagnie Pétrolière Anglo-Iranienne de la Grande-Bretagne [Anglo-Iranian Petroleum Company], et le retour au pouvoir du Shah Mohammed Reza Pahlavi en 1953. La pression exercée par le Président Jimmy Carter sur le Shah, pour qu’il améliore sa réputation lamentable en matière des droits de l’homme et qu’il desserre son contrôle politique, a aidé la révolution islamique de 1979 à renverser le Shah.
Mais le nouveau gouvernement sous l’Ayatollah Ruhollah Khomeyni condamna les Etats-Unis comme le "Grand Satan" pour son soutien au Shah pendant des dizaines d’années et à admettre à contre-cœur le monarque déchu aux Etats-Unis pour un traitement contre le cancer. Des étudiants occupèrent l’Ambassade des Etats-Unis à Téhéran, détenant en otage 52 diplomates pendant 444 jours. Huit commandos américains trouvèrent la mort en 1980 dans une mission de sauvetage qui a échoué. Les Etats-Unis rompirent leurs relations diplomatiques avec l’Iran pendant la détention des otages et ne les ont toujours pas restaurées. La rhétorique du Président iranien Mahmoud Ahmadinejad donne souvent l’impression d’être tirée de l’ère Khomeyni.
Notre source a dit que la Maison Blanche considère cette attaque aérienne envisagée comme une action limitée pour punir l’Iran de son implication en Irak. Cette source, qui était ambassadeur durant l’administration du président H W Bush, n’a donné aucun détail sur les types d’armes qui seraient utilisées dans cette attaque, ni sur l’avancée précise de cette préparation à l’instant présent. On ne sait pas si la Maison Blanche a déjà consulté ses alliés au sujet de cette frappe aérienne ou si elle prévoit de le faire.
Le sentiment du Sénat
Notre source nous a informés que les détails fournis par l’administration ont tiré le signal d’alarme à Capitol Hill. Toujours selon cette source, après avoir reçu des informations secrètes sur cette attaque aérienne programmée, la Sénatrice Diane Feinstein, Démocrate de Californie, et le Sénateur Richard Lugar, Républicain de l’Indiana, ont dit qu’ils écriraient un article d’opinion dans le New York Times dans les jours qui viennent, pour exprimer leur opposition. Feinstein est membre de la Commission sénatoriale des Renseignements et Lugar est le chef des Républicains à la Commission des Relations Etrangères.
Les bureaux du Sénat étaient fermés lundi, pour le jour férié commémorant les soldats américains tombés à la guerre [Memorial Day], et, donc, Feinstein et Lugar n’étaient pas disponibles pour apporter leurs commentaires.
Etant données leurs obligations de garder le secret sur ces informations classées, il est peu probable que ces sénateurs révèleront le projet de l’administration Bush ou la connaissance qu’ils en ont. Cependant, en rendant cette question publique, cela créerait une vague publique de critique qui pourrait inciter l’administration Bush à revoir son projet.
La frappe aérienne envisagée aurait non seulement des implications géopolitiques immenses, elle en aurait aussi sur la campagne présidentielle en cours. La plus grande question, bien sûr, est : Comment l’Iran riposterait-il ?
Les options iraniennes
L’Iran pourrait montrer ses muscles de nombreuses manières. Il pourrait intensifier son soutien aux insurgés en Irak et à ses alliés dans tout le Proche-Orient. L’Iran assiste à la fois le Hezbollah au Liban et le Hamas dans les Territoires Occupés par Israël. Il est aussi largement soupçonné d’assister les rebelles Taliban en Afghanistan.
L’Iran pourrait aussi choisir une confrontation directe avec les Etats-Unis en Irak et/ou en Afghanistan, avec lequel l’Iran partage une longue frontière poreuse. L’Iran dispose d’une force de combat de plus de 500.000 soldats. On pense aussi que l’Iran a des missiles capables d’atteindre les alliés des Etats-Unis dans la région du Golfe.
L’Iran pourrait aussi déclarer un embargo pétrolier total et sélectif contre les alliés des Etats-Unis. L’Iran est le deuxième exportateur de pétrole de l’OPEP et le quatrième du monde. Environ 70% de ses exportations de pétrole vont vers l’Asie. Les Etats-Unis ont interdit depuis 1995 les importations de pétrole en provenance d’Iran et restreignent les investissements des entreprises américaines dans ce pays.
La Chine est le plus gros client pétrolier de l’Iran, qui achète des armes à la Chine. Le commerce entre ces deux pays a atteint 20 milliards de dollars l’année dernière et continue de s’étendre. La réaction de la Chine à une attaque contre l’Iran est aussi une inconnue dérangeante pour les Etats-Unis.
Trois pour le même prix
Le monde islamique pourrait aussi réagir fortement à une attaque contre une troisième nation à majorité musulmane. Le Pakistan, qui partage aussi une frontière avec l’Iran, pourrait faire face à une pression supplémentaire de la part des partis islamiques pour mettre fin à sa coopération avec les Etats-Unis dans leur combat contre al-Qaïda et la chasse contre Oussama ben Laden. La Turquie, un autre allié-clé [des Etats-Unis], pourrait subir de nouvelles pressions pour s’éloigner un peu plus de ses bases laïques. Les sociétés américaines, les installations diplomatiques et autres intérêts américains pourraient subir des représailles de la part de certains gouvernements ou de la part de la foule dans les Etats à majorité musulmane, de l’Indonésie au Maroc.
Une attaque aérienne américaine contre l’Iran aurait un impact sismique sur la course présidentielle aux Etats-Unis, mais il est difficile de déterminer quelles en seraient les retombées.
A première vue, une attaque militaire contre l’Iran semblerait être favorable à McCain. Le Sénateur de l’Arizona dit que les Etats-Unis sont aux prises avec une bataille mondiale contre les extrémistes islamiques et il pense que l’Iran est l’un des plus grands instigateurs et des plus grands soutiens de la marée islamique. Une frappe contre l’Iran pourrait rallier les électeurs américains à soutenir l’effort de guerre et voter McCain.
D’un autre côté, une frappe aérienne contre l’Iran pourrait accroître le mécontentement du public vis-à-vis de la politique de l’administration Bush au Moyen-Orient, conduisant à soutenir le candidat Démocrate, quel qu’il soit.
Mais une attaque aérienne provoquera des réactions qui iront bien au-delà du scrutin américain. Cela expliquerait pourquoi deux Sénateurs chevronnés, l’un Républicain et l’autre Démocrate, auraient été horrifiés à ce point par cette perspective.
Copyright 2008 Asia Times Online Ltd/Traduction : JFG-QuestionsCritiques
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