Au Secrétaire Général des Nations Unies, Monsieur Kofi Annan
Monsieur,
Les agences de l’ONU en Palestine viennent de publier le mois dernier leur rapport sur les conséquences du Mur au regard des dernières « modifications » annoncées par le Gouvernement d’occupation israélien. Ce dernier rapport de l’ONU révèle des positions qui compromettent et même contredisent directement le droit international et les principes d’autodétermination énoncés dans sa Charte.
1. Voici cité le paragraphe d’introduction du rapport où il apparaît que l’ONU adopte la position israélienne relative aux objectifs du Mur : « En Juin 2002 le Gouvernement israélien a démarré la construction d’une barrière pour faire suite à plusieurs attentats suicide de la part de militants palestiniens contre des civils israéliens. Il déclare que la barrière est un dispositif à caractère temporaire destiné à la prévention de telles attaques visant les citoyens israéliens... »
2. Le document désigne le Mur par le terme de « barrière », ce qui renforce la perception que l’ONU approuve la terminologie israélienne, et accréditerait ainsi le mythe qu’il s’agit d’un projet de séparation entre la Cisjordanie et Israël. Cette prise de position contredit de manière inquiétante les conclusions fondamentales publiées par la Cour Internationale de Justice (CIJ) sur la nature du Mur. Son insistance à retenir la définition de « Mur » et non pas de « barrière » est basée sur des discussions et des recherches méticuleuses, exposées dans ses conclusions.
3. Le fait le plus troublant c’est l’absence totale dans l’ensemble du rapport de toute référence au caractère illégal du Mur, argument central des conclusions de la CIJ. Pour l’ONU la question du Mur semble se réduire à une préoccupation humanitaire. Pas une fois Israël n’y est mentionné comme puissance occupante, et les questions politiques de base liées aux effets du Mur sur le plan des droits de l’homme, de la liberté, de l’auto détermination, de la résistance à l’occupation y sont a peine évoquées.
4. Le rapport ne mentionne pas le cas des personnes qui vont se trouver isolées et affectées par le Mur à Jérusalem. Nous émettons de sérieuses réserves sur cette question particulière et y voyons un projet politique visant à régler définitivement le statut de Jérusalem et l’intégrer comme capitale de l’état hébreu.
5. De plus le rapport de l’ONU met sur le même plan les « colons » et les Palestiniens dans son évaluation des habitants qui seront affectés par le Mur. Une telle comparaison entre Palestiniens et colons représente un glissement de pensée profondément dérangeant de la part de l’ONU. Au lieu de souligner le caractère illégal au regard du droit international de la présence des colons en Cisjordanie, le rapport analyse la façon dont le Mur affecte leur vie, et se fait ainsi complice de leur présence de facto sur le terrain.Au Secrétaire Général des Nations Unies
6. Le rapport ne mentionne à aucun moment les plans israéliens visant à isoler totalement la vallée du Jourdain par la construction du Mur de l’est. Et pour cause, les « modifications » israéliennes sur le Mur ne concernent pas son tracé à l’est. C’est bien pourquoi l’attention de l’ONU devrait s’attacher à analyser la stratégie israélienne de construction du Mur dans son ensemble.
7. Le rapport enfin est d’une cécité totale face à la vision qui préside à l’expansion israélienne permanente grâce au système d’impasses de facto à travers la Cisjordanie. Les signaux puissants de l’occupation israélienne, telles les autoroutes réservées aux colons, les zones industrielles et de sécurité, sont des révélateurs de la Séparation imposée par une puissance étrangère sur le peuple palestinien. Le Mur est partie intégrante du « projet colonial » israélien, drapé dans le soit disant « plan de désengagement ».
Notre question est : comment l’ONU peut-elle prendre comme sujet principal d’analyse et de rapport, les « soi disant » modifications du tracé de construction du Mur, en ignorant ses implications fondamentales et ses retombées sur la vie et l’existence des Palestiniens.
Le refus du Secrétaire général de se rendre auprès du Mur lors de sa visite dans la région représente à nouveau un échec de la capacité de cette organisation mondiale à soutenir le droit légitime des Palestiniens à l’autodétermination. En alignant les conclusions fondamentales de la Cour Internationale de Justice au rang d’une question humanitaire, l’ONU évite d’engager la responsabilité pour laquelle elle est mandatée sur la question des droits de l’homme et de la liberté.
Nous sommes très préoccupés d’observer que l’ONU semble avoir partie prenante avec les intérêts du gouvernement d’occupation et de ses défenseurs aux Etats Unis.
Nous exigeons que l’ONU respecte et défende le droit international et agisse pour obtenir la destruction du Mur et la fin de l’occupation illégale des territoires palestiniens, selon le mandat qu’elle a reçu. Le temps est venu pour l’ONU de démontrer si elle a la capacité de faire appliquer les innombrables résolutions votées pour la cause du peuple palestinien, ou si elle se contentera de quelques gestes soumis et sans avenir en forme d’assistance « humanitaire »
Bien sincèrement
Le comité national de résistance au Mur d’apartheid
copies : UNSCO (Coordinateur spécial des Nations Unies dans les Territoires Occupés)
OCHA (Bureau de la Coordination pour les Affaires Humanitaires)
copie : Bureau du Président Mahmud Abbas
du Premier Ministre Ahmed Qorei
ministre des Affaires étrangères Nasser Al Qidwa