Nous savons tous que d’ici six mois nous entendrons : maintenant, nous vivons la pire des situations, ce à quoi nous ajouterons : J’aimerais que les choses reviennent telles qu’elles étaient il y a six mois.
Est-ce cela, notre existence ? Aller de ce que nous considérons comme la pire des situations à une autre avec peu ou pas d’espoir d’un avenir meilleur ? Combien de temps cela durera-t-il et à quoi ressemble au final la pire des pires des situations ? N’y a-t-il pas un moyen d’inverser la tendance et de faire évoluer la société palestinienne dans une direction différente grâce à laquelle nous pourrions partir à la conquête de « la meilleure des situations » ?
Bien sûr, nous vivons des moments difficiles et la tendance est à la détérioration d’une réalité toujours plus désespérée et morose. Voici quelques-unes des situations auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui.
– La machine de l’occupation israélienne travaille incessamment à la construction et à l’expansion de colonies juives illégales dans Jérusalem-Est et en Cisjordanie. En même temps, Israël force les Palestiniens partout dans le pays au strict confinement - même dans la Bande de Gaza, dont les Israéliens prétendent s’être désengagés. Je suis désolé, mais ce n’est pas le mot “libéré” qui me vient à la bouche lorsque je décris ce qui s’est passé à Gaza. Israël, de fait, n’a fait que de créer un camp de prisonniers en détenant les résidents de Gaza sous contrôle strict et forcé après avoir occupé la région de l’intérieur.
1. Le gouvernement israélien construit le mur de séparation (ou mur d’apartheid) comme une araignée qui tisserait sa toile mortelle et complexe en séparant sciemment les Palestiniens les uns des autres, de leurs terres, et même de leurs ressources naturelles. On ne pourra me convaincre que ce mur a été construit pour des raisons de sécurité. Le mur et les checkpoints sont justifiés aux yeux de la sécurité israélienne autant que la guerre en Irak est justifiée par le fait que le pays détiendrait des armes nucléaires et bactériologiques. Résultas entre autres de ces mesures : accomplir actuellement un voyage qui durerait normalement moins d’une demi-heure en moins de deux heures est miraculeux.
2. La politique israélienne d’assassinats, de raids et d’arrestations continue avec une force inouïe. Comme toujours, ceux qui souffrent des attaques sont en grande majorité les civils. Il faut même réfléchir à deux fois avant d’emmener votre famille faire une baignade sur la plage de Gaza. Nous avons en effet été témoins récemment d’une attaque israélienne au missile qui a tué sept membres de la même famille sur ces lieux.
De nouveau, je sais que de nombreuses personnes demanderont ce que nous faisons des innocents civils israéliens tués par des attaques palestiniennes ? Je m’oppose à de tels actes et je crois qu’il est de notre responsabilité morale à tous d’empêcher l’assassinat d’innocents. Mais la responsabilité légale et rationnelle d’un occupant disposant d’une armée écrasante envers la population occupée est plus importante que la responsabilité de Palestiniens non-entraînés envers les occupants.
– C’est une première. A la suite des Israéliens, la communauté internationale punit, étrangle en imposant des sanctions économiques et demande des comptes à un peuple occupé. Il n’y a pas de raison justifiée à une telle punition et au fait que nous devrions rendre des comptes.
Ces pressions sont un acte de vengeance répondant aux élections libres et transparentes dans lesquelles nous nous sommes engagés. Cette initiative démocratique a mené à des résultats indésirables aux yeux d’Israël et de la communauté internationale.
Les sanctions sont habituellement imposes sur les pays qui violent les lois internationales. Devinez quoi ? La communauté internationale nous punis pour nous être engagés dans des élections libres alors qu’Israël continue à violer loi après loi sans entendre la moindre des critiques.
1. Les sanctions économiques ont mené à un désastre économique dans tous les aspects de la société palestinienne. Les employés publics (appartenant principalement à ce que l’Occident et même Israël considèrent comme le parti modéré du Fatah) n’ont pas été payés depuis plus de trois mois, les entreprises privées font faillites et sombrent dans la banqueroute. De plus, l’ensemble des ONG est témoin d’une surveillance terrible de ses transactions financières, qui forcent de nombreux donateurs ou à annuler leurs programmes d’aide ou à mettre leurs fonds en suspens jusqu’à ce que la question soit résolue.
2. Enfin, même si des efforts sont fournis pour ne pas aller dans cette direction, les pressions économiques et politiques imposées nous amènent plus près que jamais d’une guerre civile interne.
Oui, la situation est terrible et oui elle peut empirer, mais une seule question demeure : pendant combien de temps nous, peuple palestinien, resterons-nous silencieux ?
Oui, le peuple palestinien, et aucun autre. Je crois que le moment est venu pour la population de ce pays de s’élever en une seule et même voix pour dire : c’est vraiment assez.
Assez de laisser le monde continuer à nous traiter comme si nous étions les persécuteurs ; plus encore, assez de ce sentiment intérieur qui nous pousse à penser que nous sommes des victimes sans défense. Assez des discordes internes et des chamailleries à propos des discours inutiles et des positions fades de nos dirigeants ; ils ne peuvent que pousser le reste de la population à se détourner du pouvoir, dégoûté. Assez de se battre pour des miettes alors que l’occupation dévore le gâteau. Enfin, assez de se plaindre de « combien les choses vont mal ». Posons-nous la question : que pouvons-nous faire pour renverser cette tendance ?
Je dis à mon peuple que tous les Palestiniens doivent se relever pour dire : il y en a assez d’ignorer le fait que le pouvoir du peuple engagé dans la résistance non-violente et dans l’action directe peut créer le changement réel et tangible que nous voulons. Nous, nos leaders et le monde doivent en prendre conscience.
Tout le monde sait qu’Israël a déjà réalisé la menace que représente un mouvement de résistance populaire non armé contre l’occupation. C’est maintenant à nous de réaliser ce pouvoir à l’intérieur de nous. Nous devons organiser nos ressources, nos stratégies et la population autour de celles-ci. Seul le fait de donner du pouvoir au peuple que nous sommes peut amener le changement que nous appelons de nos vœux. L’occupation nous affecte tous et il est donc de notre responsabilité collective de faire quelque chose pour y mettre fin et construire pour l’avènement de la « meilleure des situations ».
Sami Awad est le directeur exécutif de Holy Land Trust, une organisation palestinienne non-lucrative qui renforce le mouvement de résistance non-violent en Palestine.
Durant ces derniers mois, HLT a mené un programme intensif d’entraînement non-violent populaire dans toute la Cisjordanie. Des centaines de Palestiniens ont été entraînés et des centaines d’autres le seront avant la fin de l’année. Les résultats ont été extrêmement positifs, prometteurs, et même porteurs d’espoir ! Ce programme fait partie d’un mouvement non-violent qui prend de l’ampleur et couronnera le travail non-violent qui a lieu en Palestine.