Beyrouth, juillet 1972 ... une bombe est placée dans la voiture de Ghassan Kanafani. Elle explose. L’écrivain palestinien est tué, lui et sa nièce de 17 ans. Une opération du Mossad, comme l’ont dénoncée les Palestiniens et que les Israéliens ont par la suite reconnue après une série de mensonges cousus de fil blanc. L’assassinat de Kanafani a ceci de significatif qu’il a été l’un des premiers à dévoiler un plan israélien d’éliminer les intellectuels palestiniens et liquider en général la gauche [1]. Un stratagème qui entre dans le cadre d’un effacement de l’identité palestinienne, toujours voulu depuis l’usurpation de la Palestine par les sionistes en 1948. Historiens et analystes soulignent ainsi que l’attentat contre Kanafani rappelle ceux dits de la « vengeance de Munich », alors que la prise d’otages des Jeux Olympiques (JO) de Munich a eu lieu après son assassinat, ce qui pousse à demander si la volonté de liquider les intellectuels palestiniens ne daterait pas d’avant Munich.
Dans un rapport officiel, Israël a admis que ses agents du Mossad avaient assassiné le romancier, auteur de nouvelles et dramaturge palestinien. Le journal israélien Yediot Aharonot a publié le rapport d’Eitan Haber, qui a révélé des informations sur l’assassinat de Kanafani et d’autres opérations qu’Israël a effectuées. Haber, qui fut porte-parole du premier ministre israélien assassiné, Ytzhak Rabin, et l’homme qui écrivait ses discours, a publié un livre avec Michael Bar Zohar, intitulé La Poursuite du Prince rouge. Le Yediot Aharonot indique qu’après qu’un groupe de Palestiniens a enlevé 11 athlètes israéliens qui participaient aux JO de Munich, la police allemande a tué certains des Palestiniens et tous les athlètes israéliens. Haber a indiqué que les Allemands, encouragés par Israël, n’ont pas eu l’intention de libérer les otages. « Les policiers allemands ont attendu à l’aéroport et ont ouvert le feu sur le groupe de Palestiniens et leurs otages », écrit Haber, deux ans après l’incident. Il a été révélé que tous ceux qui ont été tués l’ont été par les snipers allemands, démentant un gros mensonge véhiculé par Israël, et même par l’Occident, selon lequel ce sont les Palestiniens qui les avaient tués. « Pourtant, le premier ministre israélien de l’époque, Golda Meir, a publié un ordre pour former un comité ministériel afin d’assassiner des personnalités palestiniennes et se venger », ajoute Haber.
Le comité a été formé et était composé des personnalités israéliennes suivantes : Moshé Dayan, qui était ministre israélien de la Défense, le ministre des Affaires étrangères Yigal Alon, le ministre sans portefeuille Yesrael Galilee, le chef du Mossad Zfika Zamir, les conseillers aux Renseignements de Meir, Aharon Yarif et Rahbaam Zeevi, qui a été assassiné par un groupe de Palestiniens en 2001, alors qu’il se trouvait à l’hôtel Hayat à Jérusalem. Un autre Palestinien qui a été assassiné, bien qu’il n’ait eu aucun lien avec l’incident de Munich, fut le professeur Basel Al-Kabeesy, qui a été abattu à Paris en mars 1973. Autre crime dans la série israélienne contre les intellectuels palestiniens, Kamal Nasser (1925-10 avril 1973). C’était un homme politique et un poète. Membre important de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), il meurt assassiné par le Mossad, au côté d’Abou-Youssef et de Kamal Adouan lors de ce massacre de Beyrouth en 1973. Sa biographie est significative. Kamal Nasser est né à Bir Zeit en 1925. Chrétien, il est, avant le partage de la Palestine, fiancé à une juive. Il étudie à l’Université américaine de Beyrouth et enseigne le droit à Jérusalem. Il est aussi journaliste. Il intègre le parti Baas et est directeur de publication du journal Al-Baas à Ramallah. Il compose aussi pour Al-Jil al-jadid, un périodique littéraire.
Entre-temps, la déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël est faite et la guerre israélo-arabe de 1948-1949 éclate. La Transjordanie gagne la Cisjordanie et devient alors la Jordanie. Ainsi, en 1956, il est élu député Baas au Parlement jordanien. Mais en 1947, il est contraint à l’exil par le roi Hussein. Il part pour Le Caire et admire l’union entre la Syrie et l’Egypte en 1958. Il est très déçu de l’échec de la République arabe unie en 1961 et s’attaque alors par écrit au président égyptien Gamal Abdel-Nasser, et finit par être expulsé.
Il séjourne tout d’abord à Paris, puis rejoint Damas. Il retourne finalement en Palestine, à Ramallah, peu avant le déclenchement de la Guerre des six jours. Israël conquiert la Cisjordanie, ce qui permet à Nasser de rencontrer des personnalités israéliennes. Il crée avec Ibrahim Bakr le Groupe de Ramallah, et finit par être expulsé en décembre 1967.
Il rejoint l’OLP dès son expulsion. Il devient l’éditeur du journal de l’OLP, Filastin al-thawra. De février 1969 à juillet 1971, il entre dans le comité exécutif de l’OLP et sert d’unique porte-parole de l’organisation. Une vie bien significative d’un Palestinien qui a tenté le dialogue tout en menant la lutte. Mais pour un Israël décidé d’en finir avec les Palestiniens, il faut surtout liquider les hommes de culture et d’une paix éventuelle.
D’ailleurs, Tzipi Livni, la ministre israélienne des Affaires étrangères, avait été engagée par le Mossad, et plusieurs sources indiquent qu’elle participait à l’époque à des missions commandos à l’étranger. Membre d’une unité spécialisée dans l’assassinat des « ennemis d’Israël », elle aurait notamment participé à la liquidation de dirigeants de l’OLP lors de séjours en Europe. C’est bien sans commentaire.