Pensez ce que vous voulez des fanatiques au pouvoir en Israël, mais écoutez bien ce qu’ils disent. Contrairement à leur partenaire de coalition, le Premier ministre Benjamin Netanyahu, ils ne cachent ni leur racisme ni leur bigoterie.
Ces maniaques du franc-parler disent ce qu’ils pensent et font ce qu’ils disent. Leur vision peut être désastreuse, voire catastrophique, mais leur franchise est rafraîchissante dans la mesure où elle dévoile le mythe d’un Israël laïc, libéral et éclairé.
L’un des fanatiques les plus motivés est Bezalel Smotrich, chef du parti Sionisme religieux et nouveau ministre des Finances. Après qu’un enregistrement dans lequel il admettait être un fasciste ait été rendu public, il a réagi, tout en sarcasme : "Je suis peut-être d’extrême droite, homophobe, raciste, fasciste... Mais ma parole me tient lieu d’engagement".
C’est vrai. Et plus encore.
Ses collègues fanatiques et lui croient qu’Israël ne peut, et ne doit, pas être à la fois juif et démocratique ; qu’Israël a le droit exclusif sur tout ce qu’ils appellent "la terre d’Israël", c’est-à-dire la Palestine historique ; et enfin, qu’Israël doit se méfier des voies de l’Occident libéral et rejeter les diktats ou les ouvertures américaines.
Examinons ces perles l’une après l’autre.
Les fanatiques d’aujourd’hui déplorent l’échec des premiers sionistes à débarrasser l’"État juif" de tous ses habitants palestiniens. Ils pensent que leurs ancêtres ont eu raison d’expulser des centaines de milliers de Palestiniens en 1947-1949, mais qu’ils ont eu tort de permettre à une petite minorité de rester sur place, ou de la laisser croître en nombre et en influence.
Alors, que faire ?
Le rabbin Meir Kahane, leur défunt gourou, soutenait dans un livre publié en 1980 au titre révélateur, They Must Go, que les Palestiniens sont un "cancer" dans le corps de "l’État juif" qui doit être éliminé par tous les moyens nécessaires.
Ses disciples actuels, comme le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, pensent également qu’Israël se porterait mieux sans ses citoyens palestiniens. Ils estiment que, si les Palestiniens doivent quand même rester, ils ne pourront être que des citoyens de deuxième ou troisième classe, jurant une loyauté totale à leurs maîtres juifs.
Contrairement à leur partenaire politique et idéologique, Netanyahu, qui a contribué à l’adoption de la loi raciste "Israël en tant qu’État-nation du peuple juif" en 2018, mais qui continue de colporter le cliché démystifié de "l’État juif et démocratique", les disciples de Kahane se vantent de la suprématie juive dans "l’État juif". En effet, comme l’a dit Kahane lui-même, "ceux qui refusent de donner ce droit à l’Arabe tout en lui disant qu’il est leur égal, le prennent pour un imbécile. Or il ne l’est pas."
En effet, il ne l’est pas.
Contrairement au fanatique juif qui croit qu’Israël doit être une théocratie, ou au libéral stupide et délirant qui est convaincu qu’Israël pourrait être juif et démocratique, l’Arabe palestinien sait qu’Israël doit être une véritable démocratie pour être en paix avec lui-même, et ses voisins.
Ceci m’amène au deuxième point. Comme tous les autres fanatiques religieux, les fanatiques d’Israël croient que "la fin justifie les moyens" lorsqu’ils se battent pour le tout-puissant. Cela inclut la reconsécration forcée, ou la judaïsation de Jérusalem et de ses lieux saints, y compris la mosquée Al-Aqsa, le troisième site le plus sacré de l’Islam.
Inutile de dire qu’il n’y a "rien de nouveau dans la prise de contrôle par les juifs victorieux de sites sacrés pour les musulmans", selon les termes de l’ancien maire adjoint de Jérusalem Ouest, Meron Benvenisti. En fait, les fanatiques d’aujourd’hui ne font que reprendre le flambeau de leurs aînés sionistes, mais avec un zèle plus religieux. Alliant le judaïsme messianique à la chutzpah [audace, NDLR] israélienne, ces fanatiques sont déterminés et dangereux. Ils ne cachent pas leur intention d’approfondir l’occupation, de multiplier les colonies juives illégales et, à terme, de les annexer complètement, quelles qu’en soient les conséquencesContrairement à Bibi, ils ne ressentent pas le besoin de mentir ou de justifier leur désintérêt pour la diplomatie et la paix avec les Palestiniens. Beaucoup d’entre eux souhaitent une fin apocalyptique pour ouvrir la voie à l’avènement du "royaume des cieux".
Il n’est donc pas surprenant qu’ils rejettent le droit international et tout le jargon du processus de paix concernant la solution à deux États, que les partisans occidentaux d’Israël continuent de colporter, soit bêtement, soit malhonnêtement.
Ce qui m’amène au dernier point. Contrairement à la majorité des Israéliens laïques fascinés par le style de vie américain, le camp religieux rejette l’influence de l’Amérique libérale sur Israël et son mode de vie.
Ces fondamentalistes souhaitent un royaume, pas une république. Ils veulent qu’Israël vive selon la loi et la tradition juives, et non selon le libéralisme occidental ou les valeurs universelles sur les questions de genre, de sexualité et de famille.
Bien qu’ils reçoivent une énorme aide, notamment financière, des États-Unis, ils estiment que la rédemption juive en terre d’Israël doit être biblique, et non américaine ou libérale. Ils insistent également pour soumettre la Cour suprême, plutôt libérale, aux caprices de la majorité parlementaire dont ils font partie.
Il n’est donc pas étonnant que les Israéliens laïcs et libéraux s’opposent aux forces fanatiques au pouvoir qui, selon eux, "transforment Israël en une Sparte insulaire, méfiante et chauvine" - pour citer le livre du journaliste israélien Ari Shavit, Ma terre promise. Mais la plupart d’entre eux ne s’intéressent qu’au programme intérieur du gouvernement et ignorent la violente occupation.
C’est un comportement égoïste, à courte vue, voire stupide.
Le fanatisme israélien est l’aboutissement de décennies de guerre, d’occupation et de colonisation. Les fanatiques et les fascistes israéliens puisent leur force et leur ferveur dans leur mission messianique dans les territoires palestiniens occupés, où ils ont étendu leur pouvoir aux dépens des Palestiniens. Pour arrêter les fanatiques, les Israéliens, les Américains et les autres personnes concernées doivent tout faire pour mettre fin à la colonisation de la Palestine, avant tout.
C’est l’occupation, idiot.
Traduction : E. M. pour AFPS
Photo : Itamar Ben Gvir