"Protéger les automobilistes israéliens du terrorisme"
Les Palestiniens ont dénoncé le projet qu’ils qualifient de ségrégation en Cisjordanie, territoire qui fera partie du futur état palestinien.
Saeb Erekat, le principal négociateur palestinien, a indiqué que "ce serait l’introduction officielle d’un système d’apartheid".
Un haut responsable israélien a déclaré sous couvert d’anonymat : "nous pensons qu’il est nécessaire de séparer la circulation sur les routes, pas toutes, les routes principales où les Israéliens [1]sont les plus vulnérables. Ca n’implique pas une séparation totale partout, et nous voyons cela comme une mesure bouche-trou."
Ces développements se sont révélés alors que le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas se préparait à rencontrer George Bush à washington jeudi20 octore. M. Abbas insiste sur la nécessité de la reprise de négociations de paix globales alors qu’Israël exige que M. Abbas réprime d’abord les groupes arms palestiniens.f
L’administration Bush dit qu’ IsraËl a le droit de défendre ses citoyens mais incite aussi le gouvernement Sharon a alléger les restrictions imposées aux Palestiniens.
En réponse à une attaque palestinienne dimanche 16 octobre qui a fait trois morts [2]l’armée israélienne interdit aux véhicules palestiniens de circuler sur deux parties de la route 60 la route principale nord-sud en Cisjordanie. Cette route relie les grandes villes palestiniennes et est beaucoup utilisée par les colons juifs.
Au cours des 5 années de conflit, les forces sécuritaires israéliennes ont érigé des dizaines de points de contrôle et de barrages sur les routes qui ont limité ou interdit les déplacements des Palestiniens sur le réseau routier de Cisjordanie.
Dans de nombreux endroits l’armée a placé des blocs de béton, élevé des monticules de terre ou creusé des tranchées pour interdire l’accès aux grandes routes des routes secondaires des villages palestiniens.
"La plus grande partie de la circulation est déjà séparée" Dror Etkes, un responsable de la Paix Mainenant, une organisation israélienne qui surveille les colonies. "Il reste peu d’endroits où les Palestiniens et les Israéliens se trouvent sur les mêmes routes."
Après une trêve qui avait atténué la violence sans l’arrêter totalement, Israël avait un peu allégé les restrictions de circulation.
Le plan israélien actuellement envisagé a été présenté mercredi 19 octobre dans le journal Maariv, qui le décrit comme un projet plus formel -et peut-être permanent- de séparation de la circulation des Israéliens et des Palestiniens en Cisjordanie.
Selon le journal, cela impliquerait la construction de nouvelles routes qui seraient utilisées par l’une des parties seulement, et ne serait q’un aspect d’un projet global de séparation des deux parties.
Ces dernières années Israël a construit de nombreuses routes de contournement destinées à relier les grandes colonies de Cisjordanie à Israël.
Le haut responsble israélien a déclaré que le rapport du journal exagérait les mesures que le gouvernement était susceptible de prendre.
Il a indiqué que le plan était un projet ancien sorti des tiroirs parce que les responsables de la sécurité israéliens pensent que, suite au désengagement israélien de la Bande de Gaza, des groupes armés palestiniens se concentrent maintenant sur la Cisjordanie et particulièrement son réseau routier. Il a ajouté que tous les éléments du plan ne seraient pas mis en place actuellement. Beaucoup de colonies juives sont essentiellement des cités dortoirs dont les résidents se déplacent tous les jors pour se rendre à leur travail, leurs écoles et centre commerciaux en Israël.
Cesroutes comportent des portions isolées et des sections qui sont proches de villes et villages palestiniens, et des tireurs palestiniens ont mené plusieurs attaques sur ces routes.
La Paix Maintenant indique que 4,207 maisons et appartements sont en construction (chiffres au milieu de 2005)contre 4,000 au même moment l’an dernier.
L’accroissement rapide de la population des colons en Cisjordanie fera plus que compenser l’évacuation de quelque 9,000 colons juifs de Gaza en août 2005.
Les voitures palestiniennes, ça suffit !
Tout ce luxe doit cesser immédiatement : il faut interdire aux Palestiniens de se déplacer en voiture sur toutes les routes de Cisjordanie et pas seulement sur les routes interurbaines comme il a été décidé après l’attentat au carrefour de Gush Etzion, la semaine passée.
Toute autre solution, plus « humaine », n’empêchera pas les attentats. De toute façon, la plupart des Palestiniens se sont habitués à vivre sans voitures, sans déplacements, sans liberté. Alors arrêtons de jouer avec des mots clinquants et des solutions partielles. Fini les voitures palestiniennes sur les routes de notre pays, y compris en ses territoires occupés.
A la fin de la semaine, on s’est un petit peu inquiété, chez nous, après la critique américaine visant la fermeture des routes principales de Cisjordanie aux voitures privées. Un responsable politique s’est empressé de dire à Haaretz qu’il n’y avait « aucun nouveau plan de séparation du trafic sur les routes de Cisjordanie » et, depuis Londres, le Ministre de la Défense a assuré qu’il s’agissait seulement d’une mesure temporaire. Voilà à nouveau démontré que notre ultime barrière morale ne se trouve pas à Jérusalem mais à Washington. L’idée que des gens comme George Bush et Condoleeza Rice soient les gardiens de notre moralité devrait nous faire frémir, mais c’est un fait.
Pourtant, cette même source a reconnu l’existence d’un plan en réserve dans les tiroirs, de séparation du trafic, mais qui ne serait appliqué qu’au cas où l’Autorité Palestinienne devait s’effondrer. Difficile de comprendre le lien existant entre l’effondrement de l’Autorité Palestinienne et l’effondrement total de ce qui reste de nos valeurs humaines tel qu’il se manifeste dans le fait d’imposer d’effrayantes sanctions collectives.
En attendant, l’armée de défense d’Israël applique déjà « des parties de ce plan en réponse immédiate au terrorisme », explique notre source. Mais l’interdiction pour les voitures particulières de circuler sur les routes interurbaines fait partie d’un régime de ségrégation à base ethnique qui est appliqué depuis longtemps déjà et dont l’expression la plus grave apparaît au niveau des routes.
Cela fait près de cinq ans qu’il est fait obstacle à l’élémentaire liberté de mouvement de deux millions et demi d’habitants en Cisjordanie. De temps à autres, Israël lâche un peu la bride, comme ces derniers mois, et de temps en temps, il serre la bride comme en ce moment. Mais les différences sont minimes : l’élément décisif, c’est que les habitants de Cisjordanie sont emprisonnés. La décision qui est prise, à l’occasion et uniquement pour plaire aux colons, d’avoir la main lourde, ne change plus grand-chose.
Seul un petit nombre d’Israéliens est en mesure de se représenter la portée des décisions arbitraires prise par la défense israélienne. Combien de jours pourrions-nous vivre sans voitures particulières ? Qui d’entre nous a une idée de ce que vivent ceux qui doivent passer par le barrage de Hawara les jours où il est soi-disant ouvert et se serrer dans l’interminable file du barrage de Qalandiya ? Ou pendant combien d’heures un malade en dialyse va-t-il devoir se traîner sur les routes entre Tulkarem et l’hôpital à Jérusalem-Est ? En Cisjordanie, le moindre trajet est devenu un cauchemar continu, fait d’humiliations et d’anxiété physique.
Il faut dès lors porter la chose à la connaissance des Américains soucieux : l’apartheid est présent ici sur les routes depuis longtemps déjà, avec ou sans plan de réserve dans le tiroir. La plupart des routes de Cisjordanie sont désertes : ni voitures ni personnes. Les jours (shabbat) et les heures où les colons n’y circulent pas, elles se transforment en routes fantômes.
Parcourez la route qui va du barrage de Jabara, à côté de Taibeh, jusqu’à Tulkarem et Naplouse : vous ne comprendrez pas où sont passés les centaines de milliers d’habitants qui vivent aux alentours. Se seraient-ils volatilisés ? Auraient-ils pris la décision de s’asseoir à tout jamais sous leur vigne ou leur figuier ? Lorsque vous roulez sur la route 443 qui relie Modi’in à Jérusalem et qui a été transformée en voie rapide pour la capitale, demandez-vous où sont les dizaines de milliers d’habitants des villages disséminés à côté de la route. Pour votre information : leur route à eux est barrée. La route est pour les Juifs uniquement.
En scrutant bien, vous apercevrez aux abords de la route les axes routiers destinés aux Palestiniens : chemins rocailleux serpentant dans les collines, chemins de chèvres sur lesquels des voitures bringuebalent, avec malades, femmes sur le point d’accoucher, étudiants ou simples civils qui ont décidé de leur confier leur âme pour se rendre, en deux ou trois heures, au village tout proche.
Et voilà qu’en ces jours de Ramadan, Israël, épris de liberté de culte, autorise les pèlerins à se rendre à la mosquée Al-Aqsa. « Pèlerin » au sens concret du mot et pas seulement métaphoriquement : une partie d’entre eux s’en vont péniblement, à pied, par les collines. Les autobus qui partent maintenant chaque jour de Jénine, par exemple, avec à leur bord des croyants âgés de plus de 45 ans, conformément aux ordres d’Israël, démarrent à cinq heures du matin pour revenir aux alentours de huit heures du soir, avec en chemin le menu complet des humiliations et des attentes.
Tout cela est sans rapport avec la sécurité. Un terroriste désirant entrer en Israël - comme le démontre le nombre élevé de Palestiniens sans permis qui parviennent à le faire - trouvera le chemin. Le fait que le trajet d’Hébron à Bethlehem dure des heures ne prévient pas le terrorisme, il l’encourage. Et si la visée est dans la « riposte » et dans le fait de « punir » tout attentat, pourquoi n’a-t-on pas ôté toute liberté de mouvement aux habitants de Tapouah après que le terroriste Eden Natan-Zada est allé à Shfaram pour tuer ses habitants ?
La vérité doit être dite non seulement à Washington mais avant tout ici : sur les routes de Cisjordanie existe un système d’apartheid qui est sans lien aucun avec la guerre contre le terrorisme et la décision de sortir du tiroir un « plan de réserve » d’un genre ou d’un autre est dépourvue de signification.
Pendant des siècles, les Palestiniens ont vécu sur cette terre sans voitures et il n’y a aucune raison qu’ils ne retournent pas à cette époque-là, en particulier maintenant que leurs terres sont sillonnées de routes pour Juifs uniquement. Sauf que, contrairement au temps jadis, se déplacer à dos d’âne ou à pied est, aujourd’hui, devenu également très difficile.