Les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’Union Européenne débattront vendredi d’éventuelles réponses aux décisions prises par Israël d’annexer des terres en Cisjordanie, si cette clause de l’accord de coalition entre le Likoud et le Kahol Lavan [Bleu Blanc] devait être mise en oeuvre.
Bien que le nouveau Haut Représentant de l’UE pour les Affaires étrangères, Josep Borrell, soit enclin à attendre de voir comment agira le nouveau gouvernement israélien, plusieurs pays membres ont exercé des pressions en vue de l’approbation par avance de sanctions ayant valeur d’actions dissuasives. Celles-ci pourraient comprendre le refus de l’adhésion à des accords commerciaux, du versement de subventions spéciales ou de la participation à des entreprises coopératives dans différents domaines.
Des sources proches du dossier ont confié qu’il existe parmi les États de l’UE un soutien croissant à des sanctions destinées à dissuader Israël d’annexer tout territoire que ce soit. La France, l’Espagne, l’Irlande, la Suède, la Belgique et le Luxembourg sont tous censés appeler à la fermeté sur cette question.
De plus, certaines mesures, comme les traités de commerce, ne requiérant pas l’unanimité, Israël ne sera pas en mesure de compter sur le veto de pays amis comme la Hongrie et la République Tchèque. En outre, les pays membres peuvent décider de leurs propres mesures de protestation à l’encontre d’Israël.
« Personne ne souhaite en arriver à un stade où les liens entre l’UE et Israël seraient mis à mal à long terme, mais ils le seront dans l’éventualité d’une annexion unilatérale. Ne serait-ce qu’en raison du précédent qu’elle créerait », estime un connaisseur.
Par conséquent, Bruxelles essaierait une démarche de type « carotte et bâton » ; d’une part, la possibilité de tourner une nouvelle page entre la nouvelle direction de l’UE et le nouveau gouvernement israélien, avec un dialogue ouvert entre les deux parties. D’autre part, des messages clairs sur les graves dommages qui devraient être causés aux relations futures dans le cas d’une annexion unilatérale.
Au cours d’une réunion d’information pour les journalistes, ce 11 mai, à Bruxelles, Peter Stano, porte-parole sur les relations extérieures de l’UE, a répondu à la question d’« une certaine forme de sanctions » imposées à Israël en réponse en cas d’annexion. Il a précisé que les ministres des Affaires étrangères discuteraient le 15 mai de la situation au Moyen-Orient lors de la réunion du Conseil de l’UE, et que l’imposition de sanctions « est à la charge des États-membres ; à ce stade, ne faisons pas de supposition ».
Il a ajouté que, en effet, « il y a des discussions en cours parmi les États-membres » sur la question et que « l’UE a été très claire à de nombreuses occasions sur la façon dont nous considérons l’annexion. Nous avons dit dans un certain nombre de déclarations que l’annexion ne passera pas inaperçue ». Pour autant, il a répété à nouveau que la forme et le calendrier des sanctions seraient déterminés par les États-membres.
En février, les ministres des Affaires étrangères de l’UE avaient déjà discuté de l’opportunité de prendre des mesures pour protester contre le projet diplomatique présenté par Donald Trump, telles que la reconnaissance d’un état palestinien. La discussion ne s’était pas poursuivie en raison des incertitudes politiques en Israël.
De nombreux dirigeants des pays européens, et l’UE elle-même, ont critiqué toute annexion effectuée par Israël. Ces derniers mois, Josep Borrell et des responsables de Grande-Bretagne, d’Allemagne, de France et d’Irlande notamment, ont pris un ton de plus en plus véhément sur la question. L’ambassadeur de France à l’ONU a même évoqué les graves conséquences de l’annexion sur les relations bilatérales en déclarant que l’annexion ne se passerait pas silencieusement.
D’autre mesures discutées dans les capitales européennes comme réponses à une annexion unilatérale par Israël comprennent : le rappel pour consultation des ambassadeurs en Israël, le soutien européen à une résolution à l’ONU contre l’annexion, le soutien public aux procédures en cours contre Israël devant la Cour Pénale Internationale de La Haye, et l’intensification du boycott contre les colonies, sans parler d’un soutien croissant aux Palestiniens.
Le mois dernier, les ministres des Affaires étrangères de la Ligue Arabe ont déclaré que l’annexion de territoires en Cisjordanie constituerait un « crime de guerre », et ont appelé l’UE à reconnaître la Palestine en tant qu’État.
Cette semaine, le ministre des Affaires étrangères des Émirats Arabes Unis, Abdullah Bin Zaid, considéré comme relativement modéré, s’est prononcé contre l’annexion.
Au cours des dernières semaines, le gouvernement jordanien a travaillé fébrilement en coulisses à empêcher une annexion.
La semaine dernière, l’ambassadeur des États-Unis en Israël, David Friedman, a déclaré qu’une décision sur l’annexion incombe à Israël et que son pays était prêt à reconnaître une telle démarche « dans les semaines à venir ». Il a précisé que cette mesure dépendrait de la volonté d’Israël de négocier avec les Palestiniens sur la création de leur État, fondée sur le plan de Trump qui envisage un gel des constructions israéliennes dans les parties de la Zone C de la Cisjordanie non concernées par l’annexion.
Le 13 mai, le Secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, se rend en Israël. Un communiqué publié avant sa visite a précisé que l’objet du voyage est l’Iran, mais que la question de l’annexion sera aussi soulevée.
Traduction Yves Jardin, GT Prisonniers de l’AFPS