L’article suivant est traduit de l’arabe. Il est écrit par Leena Jawabreh, ancienne prisonnière politique palestinienne dans les prisons israéliennes. Leena Jawabreh a purgé une peine de quatre ans de prison dans les prisons israéliennes jusqu’à sa libération le 16 juillet 2008. Elle a été arrêtée à nouveau le 15 août 2013, en même temps que Myassar Atyani et Linan Abu Ghoulmeh et condamnée à un mois de prison et à 1000 shekels (environ 200 €) d’amende. Elle a organisé des nombreuses actions et des grèves de la faim de solidarité pour soutenir les prisonniers palestiniens, en particulier les femmes prisonnières.
Cet article aborde l’expérience des femmes prisonnières palestiniennes à partir de la connaissance personnelle de l’auteur.
Affronter l’emprisonnement dans les prisons israéliennes : le témoignage d’une femme palestinienne, par Leena Jawabreh, ancienne prisonnière politique.
Dès le premier moment de l’arrestation, une prisonnière palestinienne se trouve détenue dans les centres d’interrogation israéliens, souvent situés dans des bases militaires ou des colonies. Ici commence l’étape de détermination et d’une bataille psychologique acharnée entre la prisonnière qui est dépourvue de tout moyen de défense, excepté sa ferme volonté, et l’occupant. Les sombres cellules d’interrogation israéliennes sont qualifiées par les prisonnières palestiniennes de “tombes du monde souterrain vivant”. Les prisonnières détenues-là ne peuvent distinguer la nuit du jour. Les cellules sont complètement fermées, avec une odeur malsaine de moisi et de mouillé, une humidité élevée et un très faible éclairage jaunâtre.
Dès le premier moment où elle arrive dans un tel endroit, ses ravisseurs l’attachent par des fers aux bras et aux jambes à une chaise métallique – et c’est alors que commence l’interrogatoire. L’interrogatoire comprend habituellement l’usage de la force physique, des menaces d’arrestation de membres de sa famille (sa mère, son père, son frère ou sa sœur), des cris continuels, des positions douloureuses sur une chaise métallique, la privation de sommeil et le refus de la laisser bénéficier d’une hygiène personnelle, comprenant l’interdiction d’utiliser les lavabos.
Il y a plusieurs méthodes et moyens d’interrogatoire et parmi ceux-ci il y a le détecteur de mensonges. Il est bon de remarquer qu’est reconnu le droit du prisonnier de refuser d’être interrogé sous détecteur de mensonges. Les périodes d’interrogatoire peuvent être prolongées de nombreuses fois par les autorités d’occupation, et les visites d’un avocat sont refusées.
Cette étape de détermination est suivie d’accusations ou d’un ordre de détention, d’une date de comparution et du transfert du centre d’interrogation vers une autre prison où commence pour elle un autre combat continuel : la confrontation au racisme et à l’oppression de l’administration des prisons.
Négligence médicale
L’occupant s’ingénie à faire preuve de négligence médicale délibérée dans le traitement des prisonnières. Elles ne reçoivent souvent aucun traitement pour leur maladie ou leur souffrance. Même quand il est évident qu’une prisonnière a besoin de façon urgente d’être hospitalisée, sa demande est souvent, presque toujours, rejetée. Au contraire, elle ne reçoit que des antalgiques et de l’eau pour soigner sa douleur, sa maladie ou son affection. A de multiples occasions, on a donné aux prisonnières des médicaments inadaptés, aux effets secondaires nocifs et durables. L’administration pénitentiaire n’autorise pas l’accès de spécialistes, sous le couvert du Comité International de la Croix Rouge, pour examiner la prisonnière ou pour lui assurer un diagnostic particulier, des examens, des radios ou un traitement.
Dans les cas où une prisonnière est autorisée à être hospitalisée après que son état de santé se soit davantage détérioré, elle est enchaînée pendant le transport à l’hôpital par les bras et les jambes et son dossier médical lui est caché de façon à ce qu’elle ne soit pas au courant de son propre état de santé.
Visites
Les familles des prisonnières sont souvent interdites de visite en mettant en avant la sécurité. L’occupant interdit aux prisonnières de voir leur famille et les personnes qu’elles aiment ; ceci fait partie intégrante de la coercition psychologique. Le refus des visites familiales est une tentative de briser la volonté de la prisonnière et de l’empêcher de communiquer avec le monde extérieur et de refuser qu’elle ait des contacts avec sa famille pendant des périodes de longue durée. Cette politique a particulièrement concerné les prisonnières de Gaza.
Les prisonnières sont régulièrement soumises à des fouilles par les geôliers quand elles ont des visites ou qu’elles vont au tribunal.
Dans la pièce même des visites, il y a une vitre la séparant des membres de sa famille, ou des barreaux de fer, avec seulement de petits trous et parfois des téléphones pour communiquer avec sa famille, qui sont constamment contrôlés par l’administration pénitentiaire. Les prisonnières sont aussi empêchées de toucher ou de se rapprocher des membres de leur famille bien qu’elles n’en soient souvent séparées que de quelques pouces.
Conditions internes.
Quant aux conditions de vie dans les cellules de la prison elles-mêmes, ce sont de très petites cellules avec seulement une fenêtre fermée de l’extérieur avec des barreaux de métal. Le soleil et l’air n’entrent pas dans les cellules qui sont très humides, particulièrement en été, et souvent infestées de rats ou d’insectes pouvant piquer ou pincer. Les pièces ne font pas plus de trois mètres de longueur et dans chaque cellule sont détenues six prisonnières ou plus. Il lui est souvent aussi interdit d’apporter des vêtements d’hiver pour qu’elle puisse se protéger du froid glacial de l’hiver à l’intérieur de la prison.
L’administration pénitentiaire de l’occupant punit souvent la prisonnière sans avertissement. Elle est soumise à des amendes, empêché d’user de son temps de récréation qui est le seul moment où les prisonnières sont en dehors de leur cellule, ou privée de visites familiales, ou soumise à l’isolement. Les cellules de détention en isolement sont séparées du reste des sections de prisonnières et isolées dans tous les sens du terme, non seulement de leur famille mais aussi de leurs compagnes de captivité.
Elle est transférée dans l’”Autobus”, le véhicule désigné pour transférer les prisonnières vers les tribunaux militaires. C’est en fait une cellule mobile avec une chaise de métal. Elle peut à peine recevoir une personne en position assise et les fenêtres sont masquées. La prisonnière est enchaînée par les mains et les pieds et les fers lui blessent les poignets à chaque mouvement et lui laissent des marques sur le corps. L’Autobus est utilisé sans aucune pitié de la part de l’occupant. Elle est soumise à toutes les formes d’humiliation, à des attaques verbales et des moqueries de la part des soldats qui la transportent.
Nous, femmes palestiniennes prisonnières, appelons les gens dans le monde à soutenir notre lutte, pour réclamer nos droits et notre liberté. Nous exigeons d’être traitées comme des prisonnières de guerre aux droits pleinement reconnus selon les Conventions de Genève. Nous savons que nous sommes des prisonnières pour la liberté, puisque nous avons pour objectif la liberté de notre pays et notre peuple palestiniens. Les voix des Palestiniens, des Arabes et de partout dans le monde, percent l’obscurité des cellules d’interrogation, la cruauté des soldats et des gardes, et l’injustice de la prison. Nous vous appelons à faire de notre cause, la causes des prisonnières palestiniennes, un impératif international pour la justice et la liberté.
Samidoun, 22 septembre 2013 à 14 h 33.
(Traduit de l’anglais par Y. Jardin), Groupe de Travail Prisonniers