Tel est, résumé en charade, un état des lieux proche-orientaux à l’approche d’un été que d’aucuns donnaient pour particulièrement chaud et que l’on commence à entrevoir – attention, pas trop s’en faut – comme pouvant être non pas « polaire » mais disons passablement tempéré, avec d’appréciables embellies.
Pour désigner un genre d’exercice rarement réussi, il existe une expression empruntée au langage footballistique : le « golden hat trick », performance dans laquelle le joueur parvient à marquer un but avec chacun des deux pieds et un troisième de la tête. Des esprits chagrins noteront que le coup de sifflet marquant le début de la partie est loin d’avoir été donné, qu’il reste deux mi-temps à disputer, enfin que nul n’est en mesure à l’heure actuelle de prédire quel sera le score final, ni même si l’on ira jusqu’au bout du temps réglementaire (d’ailleurs, y en a-t-il un ?). À tout le moins, trois des quatre équipes se sont déjà présentées sur le terrain, la quatrième (libanaise) ne donnant pas l’impression de vouloir suivre les exemples palestinien et syrien dans les rapports avec l’ennemi.
Mercredi (18 juin), un haut responsable du ministère israélien de la Défense a officiellement confirmé ce que, depuis la veille, on donnait déjà pour acquis : une trêve allait être instaurée dans la bande de Gaza, favorablement accueillie par le Hamas et censée déboucher sur la levée du blocus en vigueur depuis un an ainsi que sur l’arrêt des opérations de guerre de part et d’autre. Le hic, c’est que si les intentions avouées sont louables, les arrière-pensées, elles, le sont moins.
Ainsi, les Palestiniens sont accusés d’avoir accepté un arrêt momentané des opérations de guerre dans le but de renouveler leur arsenal, de parachever l’entraînement de nouvelles unités et de permettre à une population exsangue de souffler quelque peu. L’autre camp, dit-on, cherche à redorer son blason, passablement terni depuis que le monde est témoin, images à l’appui, de la grande misère des Gazaïotes, privés de courant électrique, d’essence et de divers autres produits de première nécessité parce que le régime dont ils se sont dotés, lors d’élections législatives libres, est entré en guerre contre à la fois l’Autorité de Mahmoud Abbas et Tel-Aviv.
Étrange détente donc, où chacun garde le doigt sur la gâchette, menaçant même d’un nouveau degré dans l’escalade qui se poursuit depuis l’intifada déclenchée il y a huit ans, suivie d’une bonne dizaine de phases d’hostilités succédant à des cessez-le-feu plus ou moins longs.
On chercherait en vain une quelconque similitude entre cette situation uniformément chaotique et des rapports syro-israéliens frôlant constamment le précipice sans jamais y verser. Bien au contraire. Avant-dernière en date des (presque) éclaircies, un témoignage de l’influent Haaretz révélant que les deux parties, au bout de deux années de négociations secrètes, se trouvaient à l’aube d’une ère nouvelle quand avait éclaté dans le ciel libanais le coup de tonnerre de juillet-août 2006.
Démentie par les deux intéressés, la nouvelle a toutefois paru crédible à toutes les chancelleries, jusques et y compris dans le passage ayant trait au retour du Golan dans le giron damascène et à la promesse d’un arrêt du soutien aux « groupes militants anti-israéliens », une formule englobant le mouvement de Khaled Mechaal et celui de sayyed Hassan Nasrallah. Il y a quelques semaines, Bouthayna Chaabane confirmait l’engagement de restituer le plateau occupé lors de la guerre de juin 1967, et annexé par la suite. Le sujet était de nouveau sur le tapis lors des discussions engagées durant deux jours, sous l’égide d’Ankara, et qui se sont clôturées « dans une atmosphère positive et constructive », à en croire le go between turc.
Il conviendrait, certes, de tempérer les ardeurs enthousiastes, tant auront été peu encourageants, ces quarante dernières années, les précédents, depuis la fameuse résolution 242 du Conseil de sécurité aux accords de Genève de 2003, en passant par les deux Camp David, Madrid, Oslo, Wye River puis Charm el-Cheikh, Taba, le plan Abdallah d’Arabie saoudite, la « feuille de route » du quartette et les réunions Yasser Abed Rabbo-Yossi Beilin de Genève. Tout de même, cela fait pas mal de rayons de soleil, et en un court laps de temps, si l’on prend en compte, en plus, la petite phrase de Condoleezza Rice, lundi à Beyrouth, suivie hier de celle de Mark Reguev.
Mais Dieu que les petits pas semblent lents dans la longue marche menant aux portes de la paix !