Aujourd’hui, la Syrie se dit présente, mais le Golan n’est pas cité explicitement dans l’agenda de la réunion. La question est prévue d’être discutée au sein d’un comité de suivi, après la conférence, et encore, lors d’une seconde réunion qui aura lieu à Moscou, en janvier prochain. Cette seconde réunion sera consacrée au volet libanais et syrien du conflit régional. Pourquoi alors ce revirement dans la position syrienne ? Damas croyait-il trouver à Annapolis une vraie occasion pour entamer des négociations sur le Golan ? La réponse est certes négative. De toute façon, Israël s’est félicité solennellement de la présence syrienne à la réunion d’Annapolis, afin de pouvoir « permettre de débloquer les relations bilatérales ». Il a fait des déclarations prometteuses de paix avec la Syrie allant jusqu’à dire, selon les termes du ministre de la Sécurité intérieure Avi Dichter : « On peut parvenir à un accord avec la Syrie, qui est le pays pour lequel cette option est la plus réaliste ». Mais Damas sait très bien que cette paix est loin d’être réaliste. Le dernier bombardement israélien, début septembre, d’installations militaires syriennes, avait envenimé encore plus les relations entre les deux pays, mais somme toute avait augmenté le mystère qui les caractérise. Aucun des deux pays n’a fait de la propagande sur cet incident.
Et voilà que se poursuit depuis 40 ans l’occupation israélienne du plateau du Golan envahi en 1967 et annexé par l’Etat d’Israël en 1981 sans qu’aucune avancée ne soit perceptible.
Et aujourd’hui, la Syrie, se rendant à Annapolis, n’attend plus rien de surprenant. C’est ce que vient d’expliquer Magdi Moustapha, politologue au Centre d’études arabes. « Les négociations sur le Golan sont vouées à l’avance à l’échec », dit-il. Car une fois que l’Etat hébreu pose le Golan sur la table des négociations, il impose en contrepartie à Damas de présenter un tas de concessions. La première avant tout est de rompre son alliance avec l’Iran. Ensuite, c’est le fait de se débarrasser des factions palestiniennes comme le Hamas et le Djihad qui siègent à Damas, d’empêcher la contrebande d’armes vers le Hezbollah et surtout de mettre fin à son ingérence au Liban. Ces conditions sont tellement difficiles pour Damas qui trouve notamment dans son alliance avec l’Iran une carte de pression qui pourrait préférer le statu quo. Mais d’autres estiment que la Syrie cherche à jouer sur tous les fronts.
En fait, la Syrie, par sa décision de participer à Annapolis, commente Hassan Abou-Taleb, politologue au Centre d’Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, « tente de réaliser une équation difficile ». D’une part, elle essaye de ne pas paraître dans l’attitude de celle qui s’oppose à l’unanimité arabe et qui se trouve un jour blâmée de rater cette « occasion historique », selon le terme de Mahmoud Abbass, pour débattre sa cause. Le président Bachar Al-Assad avait même dit : « C’est une réunion vouée à l’échec. Quand même la Syrie va y participer pour que personne ne lui fasse porter la responsabilité ». D’autre part, Damas essayera d’ouvrir une petite brèche pour un dialogue avec Washington pour débloquer un peu son isolement.
Pour Magdi, Washington, qui entretient des relations difficiles avec la Syrie, en l’accusant de soutenir le terrorisme et d’intervenir en Iraq et au Liban, avait intérêt à une présence de la Syrie, c’est une tentative pour « attirer Damas hors du giron iranien ». Mais Damas avait bien calculé le risque en dépêchant l’adjoint de son ministre des Affaires étrangères, Fayçal Mekdad. C’est une représentation à un niveau inférieur en comparaison aux autres délégations arabes, représentées à Annapolis par leurs chefs de diplomatie. C’est quand même la politique du juste milieu. Pour Abou-Taleb, c’est un message à double sens, notamment envoyé à ses alliés, l’Iran et les mouvements palestiniens, qui ont, eux, annoncé leur refus de la réunion, de laquelle « la Syrie n’attend rien, et qu’elle participe seulement pour éviter l’aggravation de sa position aux niveaux arabe et international ».
[1]