Le cinéaste israélien Avi Mograbi, réalisateur de la tragédie documentaire Z32, est partie prenante de l’initiative Breaking the Silence. Il déplore l’absence de débat, en Israël, sur les crimes de guerre et l’occupation.
Comment est née cette idée de collecter des témoignages de soldats israéliens ?
Avi Mograbi. Ceux qui ont lancé cette importante initiative politique ont voulu témoigner de l’expérience qu’ils avaient vécue durant leur service militaire, de l’immoralité de l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
Dans votre film Z32, vous décrivez la transformation d’un jeune homme ordinaire en machine capable de tuer, sans raison, des Palestiniens désarmés. Comment s’opère une telle transformation ?
Avi Mograbi. Lors d’opérations militaires, les soldats, en Israël comme partout ailleurs, obéissent à des ordres venus d’en haut. Moins ils pensent, mieux c’est pour l’armée. C’est le principe même de fonctionnement de l’institution militaire. Il n’y a pas de discussion sur la moralité ou la rationalité des ordres qu’on leur demande d’exécuter. Celui qui croit faire de son enfant un philosophe en l’envoyant à l’armée n’a rien compris à la marche d’une institution militaire.
Existe-t-il, aujourd’hui, en Israël, un débat politique sur les crimes de guerre et les violations des droits humains dans les territoires palestiniens ?
Avi Mograbi. Il n’y a, aujourd’hui, aucun débat sur les crimes de guerre. Nous en avons débattu, un peu, lors du bombardement de la bande de Gaza en 2009. Mais maintenant, les gens, ici, ne se sentent pas concernés par la poursuite de l’occupation des territoires palestiniens.
Les voix d’intellectuels engagés, comme vous, contre l’occupation et la colonisation, sont-elles entendues ?
Avi Mograbi. Nos voix portent très peu. L’occupation des territoires palestiniens, les crimes de guerre ne sont pas du tout au centre du débat politique actuel, focalisé sur les problèmes économiques et sociaux.
Quelle atmosphère règne avec les préparatifs de guerre contre l’Iran ?
Avi Mograbi. Je ne sais pas si l’on peut parler de préparatifs de guerre. Pour l’instant, nous en sommes encore au stade des menaces. J’espère qu’une telle guerre n’aura pas lieu. Netanyahou et Barak seraient complètement fous d’engager le pays sur cette voie.
À quelles conditions une conscience de paix peut-elle émerger en Israël ?
Avi Mograbi. Je ne crois pas que les Israéliens soient prêts à s’engager dans un mouvement pour la paix. Le pays tire profit de l’occupation et le monde ferme les yeux. L’Europe et les États-Unis laissent faire. Donc pourquoi Israël changerait-il de politique ? Je ne dis pas que la solution viendra de l’extérieur, mais les pressions de l’extérieur peuvent pousser Israël à trouver un intérêt à la paix. Mais peut-être le monde lui-même n’a-t-il pas intérêt à cette paix...