Des Palestiniens se massent devant la barrière, lancent des slogans et quelques pierres. Sur le qui-vive, ils attendent la riposte des soldats israéliens. Mais, cette fois, un liquide nauséabond, le « putois », a remplacé balles caoutchoutées et gaz lacrymogène.
« Non aux colonies ; non au mur », crient les manifestants, brandissant des drapeaux palestiniens et des portraits de Youssef Amira, un adolescent tué par des gardes-frontières israéliens en juillet.
En face, les gardes-frontières sont postés. Après quelques minutes d’attente, l’un d’entre eux se met à hurler en arabe à l’aide d’un haut-parleur : « Ceci est une zone militaire interdite ! Quittez les lieux ! »
Puis un camion prend position. Les manifestants pensent à première vue qu’il s’agit d’un canon à eau. Mais lorsqu’il se met à les asperger d’un liquide jaune putride, à l’odeur dégoûtante, de nombreuses personnes commencent à vomir ou à arracher leurs vêtements.
« C’est la première fois qu’ils utilisent ce liquide. Cela va rendre tout le monde malade. J’ai vu un enfant qui n’arrivait plus à respirer et beaucoup d’autres ont vomi », lâche Ahmad Abou Rahma, un habitant de Bilin, qui a été de toutes les manifestations depuis trois ans et demi.
Selon l’armée israélienne, le « putois » est plus efficace que les armes traditionnelles antiémeute comme les gaz lacrymogènes ou les balles caoutchoutées qui peuvent blesser grièvement ou tuer même, comme dans le cas de Youssef Amira. La veille de sa mort, un autre enfant palestinien avait également été tué par des tirs israéliens.
« Il s’agit d’un changement de tactique pour contrôler les foules et disperser les manifestations violentes », indique à l’AFP le porte-parole de la police, Micky Rosenfeld. « Cela protège les manifestants car nous n’avons pas à utiliser des gaz lacrymogènes et des balles caoutchoutées », ajoute-t-il.
Il assure que cette nouvelle arme est composée d’un liquide nauséabond, dont la nature n’est pas révélée, mais qui n’est pas dangereux. « Ce n’est pas chimique. C’est un liquide qui sent. Cela ne fait pas de mal ni ne provoque de dommage physique, même si on le prend dans les yeux », dit le porte-parole.
Les manifestations à Bilin et Nilin, un autre village près de Ramallah, auxquelles participent des militants propalestiniens israéliens et étrangers, sont hebdomadaires, et des manifestants y sont régulièrement blessés. Dans les deux villages, Israël construit une barrière de séparation.
L’État hébreu affirme que cette barrière, qui doit à terme courir sur plus de 700 km en Cisjordanie, est une mesure légitime et nécessaire qui a permis de limiter les attentats palestiniens en Israël. Les Palestiniens la qualifient de « mur de l’apartheid ».
Le « mur » empiète sur des centaines d’hectares de terres palestiniennes et, à certains endroits, empêche des propriétaires de terres d’accéder à leurs champs.
« Ils utilisent toutes sortes de violences contre nous, mais nous devons récupérer nos terres. Nous sommes prêts à nous sacrifier », lance Ahmad Abou Rahma.
Achraf, un autre manifestant blessé d’une balle caoutchoutée dans la jambe tirée à bout portant par un soldat, affirme que rien ne l’empêchera de manifester à Bilin. « Je n’ai peur de rien, même pas de la mort », lance-t-il.